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Ce livre a été ensiiite traduit par les Septantes; mais on ne sauroit comprendre
pourquoi l’on trouve uue si grande différence entre cette version et l’hébreu, non-*
seulement dans les termes et les expressions, mais encore dans les changemens des
sens, dans la variation des titres, et dans des additions de versets tout entiers’, sans
y comprendre les fautes visibles et les méprises sensibles que la multitude et la répétition
des copies y ont ajoutées.
La Vulgate, ou l’édition latine dont s’est servi et se sert encore aujourd’hui l’Eglise,
nest pas celle de S. Jérome, mais celle d’un très-ancien interprète qui l’avoit faite
sur un exemplaire grec des Septantes, corrigé par S. Lucien martyr, et qui, comme
la plus correcte, avoit alors reçu le nom de versiou commune : c’est cette version
appelée l’ancienne Vulgate, bu l’ Italique, que S. Jérome a corrigée. L ’habitude où
Ion étoit alors, et dans laquelle on a été depuis dans l’Eglise latine, de s’en servir
dans les prières publiques et particulières, n’a pas permis d’user de celle que S.
Jérome avoit traduite de nouveau sur l’hébreu.
Ce livre ne contient pas simplement la formule la plus ancienne et la plus approuvée
des prières publiques et particulières que les fidèles faisoieut à Dieu dès le
commencement de l’Eglise, et du temps même de la Synagogue; mais l’abrégé de la
loi et de l'histoire des premiers hommes, et des merveilles que Dieu fit en leur
faveur, des figures et des prophéties claires de l’avenir, de l’incarnation.du Verbe,
les circonstances de sa mort, de sa Résurrection , les prédictions de la vocation des
Gentils à l’Evangile, l’établissement de l’Eglise, et les assurances réitérées d’une vie
éternellement heureuse pour les justes, et d’une éternité malheureuse pour les impies.
C ’est dans ce livre oii l’on apprend à connoître son néant et sa bassesse, où l’on
trouve les fondemens solides de l’espérance chrétienne, des lumières pour soutenir
sa foi, et des motifs pressans pour remplir d’amour le coeur de la créature envers
son créateur, des consolations à tous ses maux, et des ressources à toutesses misères.
C’est dans ce livre où l’on puise cet esprit d’onction, de piété et de pénitence si
nécessaire au chrétien ; où l’on apprend les règles et la conduite des moeurs, la méthode
de louer Dieu et de le prier; où l’on reçoit des leçons et des exemples pour la
pratique de toutes les vertus, des remèdes à tous les vices, des armes contre toutes
les tentations; enfin dans ce livre, Dieu parle au coeur de l’homme, et l’homme y répand
le sien en parlant à Dieu. Voilà les avantages que S. Athanase avoit lui-
même expérimentés dans les persécutions et les différentes-épreuves où Dieu l’avoit
exposé pour la conservation du dépôt de la foi qu’il lui avoit confié; et c’est lui-même
qui s’en explique ainsi dans sa lettre à Marcellin, où il a fait l'éloge de ce livre.