neuvième, ou tout au plus tard la quarante-deuxième année du règne de Manassès,
après la triste mort de Déjocès, ou la défaite de Phraortès son fils par l’armée des
Assyriens, l’an du monde BB4.S ou 3348 , de la période Julienne l’an 40 J8 ,
soixante-deux ou soixante-cinq ans après la captivité des dix tribus d’Israël et la
prise de Samarie.
Voici cependant les difficultés qu’on oppose à ce sentiment. i° . Que ce que dit
Achior à Holoferne touchant l’état des Juifs, suppose une captivité précédente dans
laquelle le temple de Jérusalem avoit été entièrement détruit : v. 22 , cbap. 5.
20. Que cette histoire ne peut être placée que dans le temps que les Juifs n’a-
voient plus de rois, puisqu’il n’en est pas dit un mot, mais qu’ils étoieot sous la
conduite du grand-prêtre.
3°. Qu’il n’y a point eu de prêtre nommé Eliacim avant la captivité générale,
et qu’on n’en trouve aucun de ce nom dans le dénombrement qu’en a fait Josepbe.
Enfin on prétend qu’il n’y a pas moyen d’accorder ce qui est dit au çbap. 8 , v. y ,
de la beauté de Judith, et de l’âge de ceutciuq ans qu’on lui donne chap. 1 6 ,
v. 28 , avec le temps pendant lequel il est dit qu’il n’y eut point de guerre dans
Israël, ibid, v. 3o , d’autant, dit-on, que depuis le règne de Manassès jusqu’au
temps de la guerre que fit Néchao, roi d’Egypte, contre Josias, roi de Juda, il ne
s’est passé que trente-quatre années ; et on ajoute qu’en supposant qu’Holoferne soit
venu en Judée sur la fin du règne de Manassès, il faudrait que Judith eût eu plus
de soixante ans dans le temps même que l’Ecriture dit qu’elle étoit belle et capable
de plaire.
Mais il n’est pas difficile de répondre à ces quatre objections. i° . 11 n’est pas
étonnant qu’Holoferne, persan, et ainsi étranger dans le pays, se soit informé de
l’état des Juifs qu’il venoifc attaquer, ni qu’Achior pour l’en instruire ait remonté
jusqu’au commencement de l’établissement de ce peuple}'que rapportant les diverses
persécutions qu’il avoit souffertes, il lui ait parlé de la dernière de Manassès, que
Salmanasar avoit emmené en Babylone lorsqu’il prît Samarie} et qu’il lui ait appris
que plusieurs Juifs avoient été dispersés en diflerens lieux, et qu’ ils s’éloient attiré
ces cbâtimens par la profanation qu’ils avoient faite du temple du vrai Dieu, en y
Jutroduisant le culte profane des idoles. Car le grec ne dit pas que le temple fut
détruit, mais qu’il a été comme la terre } ce qui ne signifie pas qu’ il fut rendu égal
à la terre, c’est-à-dire , ruiné de fond en comble, mais désigne seulement la profanation
et le mépris que les Juifs en firent, comme il est rapporté au quatrième livre
des Rois, chap. 2 1 , v. 4*
2°. Il est vrai que l’on ne fait aucune mention en celle hibtoire des rois de Juda
ni d’ [srael, ni en particulier de Manassès, quoiqu’il fût revenu de sa captivité} mais
alors ce priuce, touché vivement du repentir de ses désordres, menoit une vie privée
et particulière, et avoit, pour ainsi dire, abandonné le soin de son état au grand-
prêtre Eliacim , ne faisant rien, comme le rapporte Josepbe , que dépendammeut
de son conseil ; et peut-être ce prince étoit-il alors fort occupé lui-même à fortifier
et munir Jérusalem contre les menaces d’Holoferne, outre que dans ce qu’on attribue
ici à Eliacim, on ne lui donne aucune autre fonction, sinon celle d’exhorter le peuple
à avoir recours à la prière qui etoit une de ses fonctions sacerdotales.
3°. II n’est pas véritable qu’il n’y ait poiut eu de grand-prêtre nommé Eliacim
sous le règne de Manassès , puisque c’est de lui dont il avoit été dit par Isaie,
cbap. 2 2 , v. 20 et 21 , Qu’il u’étoit pas seulement revêtu de la tunique et de la
ceinture sacerdotale, mais de la puissance et de l’autorité d’un père sur tout Israël.
Il n’est pas étonnant que Manassès, sachant cette prophétie, se reposât sur ce saint
prêtre de tout le soin du gouvernement de son état} et ce n’est point uue chose extraordinaire
que Josepbe ait omis Eliacim du catalogue des grands-prêtres, puisque
Eliacim n’ést pas le seul qu’il ait oublié de ceux dont l’Ecritiire fait mention.
Enfin, il n’est pas mal-aisé d’accorder l’âge de Judith , et les anuées de paix dont
jouit Israël pendant la vie de cette illustre veuve, avec la suite de l’histoire sainte.
Ca r, selon notre sentiment, attribuant ces longues années de paix à cet intervalle
de temps tranquille dont jouirent les Juifs depuis la levée du siège de Béthulie,
c’est-à-dire, depuis l’an 39 ou 42 du règne de Manassès, l’an du monde 3348,
jusqu’à la mort de Josias, l’an du monde 3 39 4, il sera facile de prouver l’âge qu’avoit
Judith lors du siège de Béthulie 5 car , ôtant les 105 ans qu’elle a vécu , sur ces
ans du monde 3 3 9 4 , il sera constant qu’elle étoit née l’an du monde 328 9, etqu’ainsi
eu l’année 42 de Manassès elle pouvoit être âgée de 5 9 ans : encore faut-il lui ôter
plusieurs années de paix dont jouirent les Israélites depuis sa mort, chap. 16 , v. 3o ,
jusqu’à ce trouble causé parla mort de Josias. Outre cela, on pourrait ajouter que
cette paix ne fut véritablement troublée que sous le règne de Joachim, lorsqu’il fut
mené captif en Babylone l’an du monde 3 398 , d’autant que la guerre que Néchao
eut contre Josias se fit hors des terres de Judée, et que sa mort même ne fut suivie
d’aucune guerre dans son royaume. A in s i, supposant que Judith n’est morte que
vers ces derniers temps, elle ne pouvoit avoir, lors du siège de Béthulie, qu’environ 5 o
ans, et même encore moins} car, supputant les onze anuées du règne de Joachim ,
les 33 de Josias, les deux d’Ammon et les i 3 de Manassès, qui font en tout 5g ,