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D E S C R I P T I O N AN A T O M I Q U E
il a soignensement recueilli les avis des anciens et des modernes pour en convaincre ses
lecteurs.
Hérodote, Diodore de S i c i l e , Solin, Philostrate, Arïstote et Pline ont afTirmé, avec
raison, que les défenses de l'éiéphant sont de véritables dents.
Quoique Perrault ( i ) ait très-bien vu que les défenses occupent les os intermaxil)aires,
qu'il nomme les troisièmes os de la mâchoire, il a décidé fort mal à propos que ce .sont
des cornes; mais Daubenlon a remarque, avec raison, qu'elles sont attachées à Tendroit
qu'occupent toujours les dents incisives, et que ce sont par conséquent, non pas
des cornes, mais des dents. Il ajoute qu'il n'y a point de dents canines dans aucune des
mâchoires, comme il est facile de s'en convaincre par l'inspection (a). Ce sont donc de
véritables dents incisives, mais diiTéremment conformées de ce qu'on observe dans la
plupart des quadrupèdes. Il est d'ailleurs inutile de réfuter l'erreur de ceux qui ont pris
ces défenses pour des cornes, puisque celles-ci s e trouvent toujours implantées sur les os
du front comme dans les ruminans, ou bien sur les os du nez, comme dans le rhinocéros.
La forme et le grand prolongement de ces dents, ainsi que l'usage différent auquel
elles sont destinées, leur a fait donner le nom de défenses. La courbure en varie dans
les individus, mais s'approche, en g é n é r a l , d'une courbe elliptique. Pline (3) pcnsoit
qne les défenses des mâles étoient moins droites que celles des femelles. C'est peut-être
l a raison pourquoi Elien (4.) croyoit ces dernières plus précieuses, puisque la courbure
nuit à l'usage qu'on est obligé d'en faire ordinairement. On a remarqué quelquefois des
dents contournées en spirale, imitant la forme d'une vis. L'auteur en a vn plusieurs dans
k musée Britannique, dont deux sont représentées ligures 4 et 5 de la planche XV.
L'une a été décrite par Grew, dans le catalogue des curiosités du collège de Gresham,
pa^e 31, et s 'y trouve gravée sur l a planche IV. Pallas (5) a fait mention d'une dent fossile
semblable trouvée en Sibérie ,_mais il n'est pas douteux que cette forme, purement
accidentelle, ne soit causée par un vice dans le développement du germe, et doit être
comptée parmi les difformités auxquelles les dents de l'homme et des animaux sont également
sujettes. J e possède une autre dent fossile envoyée de S i b é r i e , dont la courbure
est presqu'en demi cercle ; sa longueur, en suivant le contour extérieur, excède cinq
pieds, tandis que la corde de cet a r c approche de trois pieds et demi.
La substance des dénis de l'éléphant difl'ère encore de celle d'autres quadrupèdes, en
ce qu'elle est plus homogène: elles n'ont point d'émail, et l'intérieur en est aussi dur que
l'extérieur. Daubenton s'est fort étendu sur ce s u j e t , et mérite beaucoup d'éloges pour
avoir traité cette matière avec toute la précision qu'elle exigeoit, sur-tout à l'époque
où l'on avoit moins de renseignemens .sur ce point de l'histoire naturelle (C).
On observe quelquefois de petites cannelures tout 1<; long de la surface extérieure des
défenses; mais il est plus commun de les trouver totalement lisses. J'ai remarqué cette
particularité à quelques fragmens de défenses fossiles d'éléphans de l'Ohio ; mais comme
les dents fraîches de mon cabinet n'en présentent pas d'exemple, il me paroît douteux
si ces cannelures ne sont pas un eiTet du retrait des fibres et de la décomposition do
l'ivoire exposé pendant des siècles à l'humidité du sol ?
pag.5iitt5i3
(1) Mémoires pour l'rvir à l'histoire naturelle des
(j) Uiiiron.y/Mi.jioi., lom. XI, pag. 128.
(3) l/Ut. nal., m. XI, cap. 62.
(i) De Xalura anim., lib. Xir, cap. 5.
(5) Nov. Camm. Amd. ¡vient, l'elrop. Toni. XIII, pag. 47S.
(6) Buflbii, Jiiit. nat., lom. XI, pag. i:iO.
D ' U N É L É P H A N T M A L K. 53
II est surprenant qu'Aristote ( i ) ait été induit en erreur sur la forme des défenses
dans les deux sexes, desorte qu'il dit positivement que les femelles ont les dents courbées
en sens contraire des mâles. L'observation de la dilFérence du volume dans ces derniers
est confirmée p a r le témoignage des modernes. Il en a été parlé au chapitre II.
La longueur des défenses varie suivant l ' â g e , l'espèce et le sexe. Pennant (a), qui s'est
beaucoup étendu sur l'article des dents, rapporte que les plus grandes défenses viennent
de Mosambique, et qu'elles ont quelquefois dix pieds de long ; que la côte de Malal)ar
n'en donne que de trois ou quatre pieds ; mais que celles de la Cochinchine sont les plus
grandes de l'Inde. L'ilc do Ceilan, toutes choses d'ailleurs égales, n'en fournit qu'un
petit nombre, v u l a rareté des sujets qui en sont pourvus.
Les dents fossiles du mammouth átoient , en général, très-grandes. L'éléphant trouvé
à Bargtonna, en 1696, avoit les défenses longues de huit pieds (3). Celui qu'on a déterré
presqu'au même endroit, en r j g g , en portoit de dix pieds de long (4). Ou en trouva
aussi de cette longueur, au commencement du siècle précédent, près de Canstadt, au
duché de Wirtemberg. On peut v o i r , dans la description citée de Fortis (5), qu'il en fat
découvert au-delà de soixante dans un très-court espace de tems.
Le poids des défenses n'est pas moins arbitraire que la longueur. Celles qu'on apporte
aujourd'hui de la Guinée pèsent rarement au-delà de cent à cent vingt livres. Un négociant
d'Amsterdam assura qu'il avoit vendu, en 1 7 5 5 , une dent longue d'environ huit
p i e d s , qui pesoit deux cent huit livres (6). Le docteur Kîockner, grand amateur d'histoire
naturelle, écrivit, en 1780, à feu mon p è r e , que Ryfsnyder, commerçant de
Rotterdam, en avoit possédé une du poids de deux cent cinquante livres, et qu'il s'en
étoit vendu une autre à Amsterdam du poids de trois cent cinquante livres.
En comparant ce qui vient d'être avancé avec le témoignage de Vartoman, cité par
Johnston ( 7 ) , qui dit en avoir v u à l'iie de Sumatra qui pesoient trois cent trente - six
livres ; et celui de J. C. Scaliger ( 8 ) qui fait mention de deux autres du poids de trois
cent vingt-cinq livres , ainsi qu'avec les relations de dilîërens voyngeurs i a])por(ées par
Hartenfels, il paroît hors de doute que le poids des défenses ne peut pas excéder deux
à trois cents livres ; et cela s'accorde avec le poids de quelques dénis fossiles d'éléphans
qui pesoient jusqu'à deux cents livres, malgré l'état de décomposition que le séjour dans
la terre leur avoit fait subir (9).
Les diamètres ne sont pas dans la raison directe du poids et de la longueur : celle qui
pesoit deux cent huit l i v r e s , longue de près de huit p i e d s , avoit vingt-huit pouces et
demi de circonférence ; ce qui donne à peu près neuf pouces un tiers pour le diamètre :
une autre dent du poids de cent cinq livres, longue de six p i e d s , avoit vingt pouces de
contour, ainsi qu'une troisième dent de soixante livres.
Les défenses des jeunes sujets sont creuses au-delà même de la partie enchâssée dans
les alvéoles. Une dent longue de trois pieds et demi, du poids de dix-huit livres, que je
conserve dans ma collection, est creuse jusqu'à la profondeur de vingt-six pouces. La
(1) Mist. anim.. lib. ¡I, cap. 5.
(2) Hist, of qiiadrup., pjK. iSa.
(3) Teiizelius, De Sieleto elep/iantino Tonnee rjjossa, pag. 6.
(4) Monalhl. Cirresp. «0« F. Vou Zacli, 1800. Iba.id, pag. 2S.
(3) Vorüs, Delle ossa d'cUfanti. pag. 25.
(6) L. ^^'ullrl.•l•s, dans uiie leUre «di'essée á M. T. Camper, en 17-9.
jini.,pjg. iS.
(8) Excercilat. aoi citó par Haitcnfels, part. I, cap. 6, pag. 47.
(g) jVwi. vfthe royal Society abridged, etc., vol. X, pag. 5ig.