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l'Espagne ( i ) , l'Italie ( 2 ) , la Suisse (5), la Hongrie (4), et d'autres pays, en offrent des
exemples fréquens. Mais ce quisuMOUt a lieu de surprendre, et toiormentera toujours
l'esprit des naturalistes, c'est de voir qu'anciennement l'Amérique septentrionale et méridionale
aientété peuplées de nombreux troupeaux d'éléphans. Leurs squelettes s'y trouvent
dispersés à des latitudes qui ne sauroient convenir à des animaux de la zone torride,
en même tems que dans les endroits voisins de Téquateur.
C'est à M. de Longeuii qu'on doit peut-être les premières indications sur le phénomène
en question. Les relations du géographe Crogham, accompagnées d'un riche envoi
d'ossemens fossiles, passèrent en Angleterre vers l'année 1765. Ces pièces très-curieuses,
décrites par Collinson et Hunter, dans les Transactions philosophiques, en augmentèrent
la célébrité (5).
Les sources salées du comté de Washington en Virginie, la Caroline septentrionale,
le comté de Yorck en Pensylvanie, celui d'Ulster dans les états de New-Yorck, le
royaume du Mexique et d'autres endroits en ont présenté des preuves nombreuses; mais
c'est aux sources salées ( the great saltliks) de la Virginie, distantes de trois milles à l'est
de rOhio, et situées à cinq cent quatre-vingt-quatre milles au-dessus du fort de Pitt, quo
ces squelettes se trouvent en plus grand nombre. On diroit qu'ici fut jadis un cimetière
de ces vastes quadrupèdes, ou le champ de bataille sur lequel ils périrent par centaines.
Le terrain y est jonché d'ossemens, de défenses et de molaires, au point que les sauvages
Uabitans de ces contrées en furent vivement saisis. Ils imaginèrent même une explication
de ce phénomène ; et quelque absurde qu'elle soit d'ailleurs, il est facOe d'y
reconnoitre ces grandes impressions d'étonnement que les merveilles de la nature ont
seules le droit d'inspirer. Les nombreua: squelettes dont vous admirez Vassemblage, dit
un de leurs députés à Jellerson, sont les débris d'un troupeau de fort gros, buffles qui s'étoienc
rendus aux sources salées. Ils commencèrent par détruire les ours, les cerfs, les
élans, les buffles et d'autres bétes, créées à dessein, pour l'usage des Indiens ; lorsque le
grand Homme de là-haut (c'est ici qu'ils désignèrent le ciel par des gestes) voyant ce
désordre, justement courroucé, descendit sur la terre; saisissant la foudre, il extermina
ce troupeau dévastateur, à l'exception du gros taureau, qui, seulement blessé, bondissant
par-dessus l'Ohio, l'Ouabache, VIllinois et les grands lacs voisins, se réfugia vers le
pole, où il vit encore (6).
Le Pérou et ses riches mines en ont fourni une récolte nombreuse. Ces o s , imprégnés
de fer osydé et d'argent natif, sont employés avec succès dans les fontes.
La pointe méridionale de l'Amérique en a donné de pareils : les preuves en furent
transportées par la flotte de Biron (7).
Ce que je viens d'alléguer sur les restes fossiles d'éléphans, suffiroit pour donner une
idée, même imposante, du nombre par lequel ces quadrupècîes ont figuré jadis parmi
les productions de la nature; mais si l'on fait attention i". combien il s'est perdu de
(i) Torrubia, Hut. 'tat. lliapaniai.
(î) Targ. Tozïelli, Voyage en Toicane. — Fortis, DelU oaa d'elefanli dei monti di Romngna>w. —Atti di
sunna, tom. III. Lea cabinets du grand-duc de Toscane, celui du docteur Tozzetli ù l'Ioreuce, celui do l'apothicaire
V. Bo7.za à Vérone et d'autres, en éloient abondamment pourvu, en 1787.
(5) J'en ai TU pliiiieurs daus les cabinela de Bàie, entre autres chez M. Uer.iouilli, c.
(4) Près Haraszlo», village de la WaUachie, à Cku
pag. 5i.
(ö)'rom. lA'I! et LVIII.
(6) JcITi'rson, .Vdîîj on the ttaU of Virginia, 178a, pag. 70 et 71.
(7) Gotting. Muga^iii der If Uaeiuish. und LUleratur. IVJahrg. 2
urg, etc., lii-c des Gotting. Anzeige , 11 janvier 1798,
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leurs ossemens depuis que l'homme, pour défricher la terre, en a sillonné la surface;
V. combien nos connoissances sur l'intérieur des continens et des iles, distribuées des
deux côtés de l'équateur, sont bornées; que nous ne pouvons pas par conséquent déterminer
la centième partie des dépouilles qui gisent encore à la surface du sol, et que, si nous
pouvions avoir une table exacte de tous ces individus, scrupuleusement comptés, il nous
manquer oit encore le catalogue du plus grand nombre enfouis à diverses profondeurs du
terrain , ou engloutis par les eaux, qui couvrent une partie si considérable du globe ; en
faisant ces réflexions, dis-je,nous ne risquerons rien d'avancer que, de tous les animaux qui
aient jamais peuplé notre planète, c'est l'éléphant qui a été le plus universellement répandu.
Mais jusqu'ici nous avons seulement indiqué le sol natal et les endroits renommés par
le gisement des os fossiles du genre de l'éléphant ; traçons maintenant en peu de mots,
d'après la classification établie dans le chapitre précédent, les particularités qui regardent
les espèces. Ces détails sont en double rapport avec la zoologie comme avec l'histoire
physique de la terre.
Les observations qu'on a recueillies sur cet article ne saioroient être exemptes d'incertitude
à tous égards, à cause du défaut de recherches nécessaires pour décider une question
aussi importante ; on peut cependant admettre comme positifs les faits suivans :
1°. Tous les ossemens d'éléphans, répandus dans les parties boréales de l'Asie, ainsi
que par toute l'Europe , appartiennent au mammouth, à l'éléphant primordial ( primigenius
) de Blumenbach : c'est une espèce éteinte d'animaux, comme celle des rhinocéros
ù double corne non-édentés et d'autres, dont on peut consulter le catalogue dans
Gmelin, Forster, Pailas, Cuvier et autres écrivains. Il seroit à souhaiter que l'oryctographie
de l'Inde se perfectionnât un jour au point qu'on put, en comparant les débris
fossiles des quadrupèdes de ce pays avec ceux des autres, déterminer avec précision le
berceau de ces antiques éléphans.
Que les éléphans de l'Inde, ceux que J'on rencontre en Asie, sur le continent et
dans les grandes iles voisines de l'équateur, ne se trouvent dans aucune autre partie du
3°. Que les éléphans d'Afrique diffèrent des précédons par les caractères indiqués à '
l'article de la diversité des espèces. C'est la troisième division du genre de ces énormes
quadrupèdes, confinée dans ce vaste continent. L'ignorance dans laquelle on se trouve
encore sur l'histoire naturelle de cette grande partie du monde, est d'autant plus fâcheuse
qu'il y a moins d'espérance qu'elle soit jamais éclaircie.
La quatrième espèce d'éléphans mérite une attention particulière; ses restes sont plus
universellement répandus sur le globe que ceux du véritable mammouth. Elle doit même
avoir été plus nombreuse que les races vivantes de l'Afrique ou de l'Inde. Ses os ne
couvrent pas seulement une grande partie de l'Amérique, mais toutes les contrées boréales
de l'Asie et de l'Europe ; la Sibérie, la Russie, la France, l'Angleterre et l'Italie
en fournissent de fréquens exemples.
Il n'a été question jusqu'ici que de l'application des faits à la zoologie ; mais on s'est
apperçu depuis long-tems que plusieurs des observations que je viens d'indiquer regardoient
immédiatement l'histoire physique de la terre et des changemens qu'elle a subi
depuis sa première formation. L'homme, frappé des monumens d'une catastrophe qu'il
ne pouvoit concilier avec l'ordre actuellement établi, tourmenté d'une curiosité dévorante
]30ur en rechercher les motifs, interrogea la nature sur la cause de ces changemens
et des grandes révolutions dont son espèce heiu'eusement n'a pas été la victime.
Comment imaginer, en effet, que des animaux de la zone torride aient pu jadis séjourner
dans les zones froides voisines des poles? et si l'influence du soleil n'est plus
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