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trouve encore plus disproporiionnces, quoicju'll n'en donne pas les mesures. Blair ne
s'est pas arrêté aux détails de la partie extérieure de cet organe. Gillius ( i ) , étonné de
leur grande mobilité, les compare à des éventails ; elles n'étoient pas fort grandes dans
le sujet qu'il a décrit.
Quoiqu'il en soit, on pouiroit supposer que les oreilles des éléplians d'Afrique sont
plus grandes que celles de l'espèce d'Asie : peut-être l'âge a-t-il de l'inlluence sur leur
accroissement relatif? Aussi la proportion ne sauroit être constante dans tous les individus.
On pourra recourir aux planches qui accompagnent la description anatomique,
pour vérifier les proportions de toutes les parties de notre éléphant. Comme cet individu
étoit extrêmement jeune, on n'a pas jugé convenable de faire l'application des mesures
à l'espèce en général.
S . I I I .
De la trompe.
I l a été remarqué ci-devant que la nature, pour subvenir à la brièveté du cou de
l'clcphant, l'a doué d'un organe particulier, capable de remédier aux inconvéniens
qui devoient résulter de cette conformation. Il remplit en même tems le double office
d'une p o m p e , pour aspirer les alimens liquides, et celui d'une main pour ramasser de
terre les objets auxquels sa bouche ne sauroit atteindre, ainsi que pour en saisir d'autres
qui seroient d'ailleurs au-dessus de sa portée. Cet instrument lui sert de plus pour rapprocher
vers sa bouche les branches naturellement éparses des buissons ou des jeunes
arbres dont il fait sa nourriture ordinaire (a) : c'est ainsi que les ruminans se servent
de leur langue, prolongée à dessein, pour rassembler les herbes en pelotte, et les couper
avec plus de. facilite. , .1 . .. _ . - •
L'organe en question, qu'on a nommé la trompe, prend naissance au bas du front,
recouvre les cartilages du nez , forme une prolongation de la lèvre supérieure et du neii
en même tenis, qui s'étend jusqu'à terre. Composée d'un assemblage de fibres musculaires
très-nombreuses, qui se croisent en plusieurs sens, comme celles de la langue,
elle est divisée, dans toute sa longueur, par une cloison membraneuse, dont l'extrémité
se termine par une protubérance alongée sous la forme d'un doigt.
Les togumens, qui recouvrent sa partie supérieure, font une prolongation de la peau
ordinaire, pareillement garnie de poils clair-semés; mais son intérieur est lisse, sans
poils, et paroit d'un tissu semblable à la partie spongieuse des lèvres. Les bords présentent
deux rangées de tubercules, séparés les uns des autres par des plis assez profonds,
et donnent à la trompe cette structure annulaire, qui est cause de sa grande flexibOitê;
elles lui donnent en même tems quelque ressemblance avec un lombric.
Les anciens, justes admirateurs de la perfection de cet organe, l'ont appelé np«o(Miç
ou npif3s«.5, comme étant l'instrument particulier à l'aide duquel ces animaux sont
obligés de paitre. D'autres l'ont comparé à une trompette. Aristote lui tlonne le nom de
nfi&oxn fi-jxjT/, comme qui diroit un nez destiné à paitre; et c'est d'après ces dénominations
dill'ércntes que les Romains ont dérivé les noms de proboscis et de promuscis.
(1) DfKripUo nova ele/i/uinli, nulore P. Gillio Albieiise./'n^'. ifl.
(2) Luvailliul j appoi U', djiissuii I'lrmhr voyage duns I'intcrUnr (/<• VAfrhiuc, <jiie Ifs Clqiliaiii ruiscrnhk
]cs biauclK'S dfs biiissuiii a\cc )uur Iroiiijip tit la gauclie vers U dioitc. I'lij;. 157.
D ' U N É L É P H A N T M A L E . 9
Aristote (1} dit, que l'élépant a le nez si long et construit de façon qu'il peut s'en
servir en guise de main ; mais il se trompe en soutenant que l'extrémité, qui fait l'olHce -
d'un doigt, est cartilagineuse. Le même auteur compare la trompe au tube d'un plongeur,
dont les éléphans se servent pour passer des rivières (a). Cassiodore (3) distingue la
trompe sous le nom d'une main qui remplit l'office de nez. Lucrèce {4) appelle ces animaux
anguimanes, comme si la trompe ressembloit à un serpent. Arctée (5) s'est rangé
du même c ô t é , à cause de l'apparence extérieure de cet organe.
Galien, ce grand anatomiste de l'antiquité, n'a pas été moins exact à décrire la
trompe , comme une appendice placée à l'endroit du nez et prolongée jusqu'à terre. Il
s'en sert, d i t - i l , comme d'une main, avec la subtilité et la souplesse nécessaires à ramasser
jusqu'aux plus petites pièces de monnoie, qu'il donne à son conducteur (6). Gilliusd'Alhe
( 7 ) , qui eut l'occasion d'observer un éléphant pendant son voyage de Perse
en Syrie, regardoit les mouvemens continuels de la trompe comme nécessaires, à cause
de sa'longueur, qui sans ces flexions pourroit être foulée ou traineroit à terre. L'auteur
fut convaincu de la justesse de cette observation, en 1 7 7 7 ; car l'éléphant de Versailles
qu'on promenoit tous les matins, pour le faire baigner dans un étang du p a r c , agitoit
continuellement sa trompe, et ne manquoit pas de chercher et de fureter de tous côtés
pour trouver de quoi se nourrir. Elle n'étoit jamais en repos, et servoit même à chasser
les mouches en aspirant de la poussière, qu'il soufflait ensuite avec force vers les endroits
du corps oil s'arrêtoient ces insectes.
Perrault (8) a parfaitement décrit l'usage de cet organe, mais personne n'a su dépeindre
son utilité, sous tous les rapports, avec plus de vérité que le Pline de la
France (0). Sa description, très-éloquente , mériteroit d'être placée ici toute entière -,
mais comme on ne sauroit l'abréger sans en aiFoiblir le mérite, et que son livre se trouve
entre les mains de tout le monde , nous renvoyons le lecteur à la source.
Un des usages très-essentiels de la trompe, c'est d'étancher la soif. Après avoir attiré
l'eau par succion dans sa cavité, l'éléphant, recourbant l'extrémité dans sa bouche,
lui laisse un libre cours, pour l'avaler à volonté. Cette trompe sert aussi à déplacer des
fardeaux, arracher des arbres et soulever, cueillir et ramasser de terre tout ce que le
caprice ou la nécessité lui ijidique. Son extrémité, terminée par un r e b o r d , en forme
d'entonnoir, est munie d'un doigt membraneux placé à la partie supérieure de ta cloison
qui sépare les narines. C'est la souplesse extrême de ce doigt qui le rend capable de
saL«ir jusqu'à des objets d'une petitesse incroyable.
Le nez et la lèvre supérieure confondus dans une même appendice, ainsi que le rétrécissement
des mâchoires inférieures, terminées en pointe , donnent moins d'étendue àia
bouche de l'éléphant qu'à celle d'autres animaux. Elle est même fort petite en raison du
corps, et parfaitement masquée, lorsqu'on considère la tête en face. Mais son ouverture
n'avoit pas besoin d'être plus grande , puisque la trompe y porte les alimens avec toute
la précision dont nos mains seroient capables, pour diriger la nourriture dans une bouclie
même très-petite.
(1) ilist. anim.. lib. Il, cap. i.
{a)lbicl.,/i6./y, cap. 16.
(3) l'i Descript, regni Congo, lib. X.
(i) l)f Rerum natura , lib. ti, vert. Sa;.
(5) De Morbia diuturni^, lib. Il, cap. i5, pag. 68.
(6)/J«iii«/«iiiium, ab. XVII,pag. TU.
(7) Descriptia nova eleplumti, pag. 6. '
(8) JII(fmoirf3 pour servir à l'histoire naturelle des animatis, pag. 5o8.
BufToii, llUtoire naturelle, lum. XI, pag. 53 «t suivantes.
L - L