VOYAGE A SIIIU?ÍAM
qu'ollr (MiU'cnité les larfjes feuilles d'un bananier, j'aperçus une
ciibani' Irôs-basse el couverlu de feuilles.
Ma coiuUicIrice frajipa à une pelile jioric qui s'oiivril el me
liiissa voii> une n.'gitîsse vieille et décbnmée, dont la figure, ie
roii el la poilriu.- étaient Inloiiés. Elle avail la tête enveloppée
d'un di-ap lon{5, de colon blanc, dont les deux bouta veauicnlse
lier siti- son dos. Une jupe blancUe lui descendait depuis les reins
justprà mi-jambes, el toutes les autres parties de son corps élaienl
nnes. Celle femme, qui n'était éelaii'ée que par la faible lueur
d'uue lampe qu'elle tenait ù la main, ofli'ait rimaçc vivante
d'iine de ces furies, si bien diSerites par les poètes anciens.
Après avoir n-pondu , par des signes affirmalifs. à des questions
aiix(juelles je ne comprenais i-ien, je fus admis dans le
sanetiiaire, e'esl-à^lire dans la première pièce où. dans un coin,
se liouvail par terre une couverluie de laine, deux à Irois oallebasses,
et quelques cruches indiennes sur une |>clile table de
Ijois. Des trônes d'ai'bi'es servaient île chaises. Tel était l'ameitbkment
i(ui comj)Osait la première pièce.
Après quel()ucs ¡«u'oles écbangées avec mon introcluclrice. la
sil>ylle passa dans une pièce voisine, f.ar une petite porte qui se
trouvait dans le fond, el emporta sa lumière.
Depuis mon enti-ce, j'avais déjà cru ajjercevoii' quelque cbose
«le noir, accroupi dans un coin. Le silence qui sclablit dans la
pièce depuis le dépari de Watei- Mama, me fit enleiidre )>lus
distinctement c|uelquessoupirs entiecon|)ês de ces paroles .
— Tala, Tata, belpie wie (Dieu, aide-mni.)
Mais ime {p-ande clarté (fucr je vis à travers les planches de la
cloison qui me séparait de la pièce voisine, vint tout à coup me
distraire de ce bruit étrange. La petite porte s'ouvrit, et nous
filmes admis dans celte espèce de sanctuaire qui n'élail éclairé
que pai> une lampe dans laquelle binilait de l'esprit ou vnorlnop.
Sous cette lampe, par terre, se trouvait un ¡jrand pot de terre
cuite, rempli d'eau, et clans lequel elle eoiiservait t[uolque.i-unes
de ces petites couleuvres, que tous les Africains ont l'arl d'apprivoiser.
Le mur était couver! de petilcs idolc^s d'hommes et d'animaux.
grossièrement modelées en terre, et de serpents empaillés.
Après s'èti'P fi-jpiwe pendant quelque temps avec une brana
che. el avoir fait des contorsions
sibylle pril un
hàlon el remua à ))lusieurs reprises l'eau du
ase (Fig. 30), en
s'adressant à une pelile figure de len equi se Ira
vail à c<-.té d'elle,
Ma condiicirice, plus morte que vive, se le
lit .leboul vissV
vis de la Maroa Snekie, qui lui adre-ssait quelque.^ pimles: mais
elle n'y répomiail, dans sa terreur, que par des signes de téle,
et en leviuit les yeuï au ciel. Elle i-estait d'ailleurs immobile
La sorcière prit dans une ealleba&se do l'eau ilu pot qu'elle fit
boire à la négri-sse. Elle lui fit boire à d'aulres encore, et lui
donna quelques herbes pour être administrées a l'eiifanl. Tout
élaiiL fini, nous sortîmes, el je déposai mon offrande dans les
raains de la sibylle,
— Tankie, niasra (merci, niaitje), me répondit-elle,
Et nous piiR.sinic3(lansla première i>iéce. oii je revis celte mas«!
noire ù qm j'avais enlendu pousser des soupii-s si douloureux.
Elle était debout, el je devinai à son tatouage que c'élait la pi'è-
Iresse, compagne de la sibylle.
^ous revînmes par le même chemin. La négresse me dit que
son enfant ne mourrait pas. Je lui remis mon cadeau, cl je lui
promis bien de ne jamais faire connaître à un blanc la maison de
la sorcière, ce qui m'aurait d'ailleurs été fort difficile. Lecmip de
canon pous séjiara: car elle était esclave, et obligée de rentier
dans sa négrerie. Quant à moi, je lelouruai i mon logement,
pour écrire la scèno dont je venais d'être témoin.
Di« sibylle.s, ainsi t[ue des hommes qui font le même métier et
que l'on nomme Quasi. sont quelquefois ajipelé.s |>our découvrir
parmi le.s n i ^ e s les cmijoisouueurs et les voleur.s, ou pour être
consultés sur quelques maladies.
En lanuée 1785, une de ces bagues tl'or que les femmes ont
or<linairement au doigt lorsqu'elles cousent, se trouva (^rée.
On fait venir le Loaeouman-Quasi. c'est-à-<iire le devin. Il
commence, pn conséquence, ses céi-émonies; et, après avoir fail
iw.vser à plusieurs reprises le» esclaves devant lui. finit )jar désigner
l'une d'entre elles comme la voleuse. La pauvre accusée, inlei'ditcet
tremblante, niele fait, se contredit, balbutie, el enfin
le ton imposant el meuapmt du Quasi lui arrache l'aieu du vol.
On lui infligea le fouet, et, quoiqu'elle i\;ti-actiil sa déclaration,
elle n'en fut pas moins déelaré'c coupable cl pimie jiar «les travaux
pKis pénibles que ceux de ses compagnes.
Quali-eàdnq mois après, le direcleurde Thabilation reçoit de
son conespondant en Hollande, une letli'c de ••emercicmenis
poin- une cave de quelque.^ vases de confitures du pays, el ses
hommages parliculiei-s à la dame du colon, qui ilpvait avoir
veillé elle-même et aidé à lenvoi de ces confitures, puisque sa
bague s'était trouvée dans l'un des vases. Le correspondanl i-envoyait
en effel la bague dans celte même icllre. La nt^iTsse ful
justifiée, mais un fn;u l;u'd.
Dans une plantation du haut du pays. im blane, officier ou
surveillant des nègres, se trouve uu jour malade, cl ou le croit
empoisonné. Le Quasi esl mandé; il anive et dit avec as.surance
au malade :
— Vous rejetterez le poison.
En const'quence. il lui donne le lendemain UN vomilif. Le malade.
ayant renilu beaucoup de bile, dans un baquet rempli
deau, le nègie y plonge la main, cft en lire deux petits pelotons
de colon el de elieveux, 11 les montra aux assistants énierveillé.s.
en leur assurant que le poison se trouvait renfermé dans ces
deux pelotons. Mais comment ce colon el ces cheveux s'étaient-ils
introduits dans le eoips ihi malade'' Ce.«t ce dont persoime ne
s'occiipii. Le malade fut rétabli au bout de (¡uelque.s jours, el
lout 11! monile ei ia au miracle, en faisiuil l'éloge du â(H c:ier.
Une anecdote assex singulière prouve jusiiu'à quel ])oiiit ces
.supercilious sont enracinées chez 1rs n(^;r<'S, el combien il ..si
difficile <le les en giiérii-. l.e Ills d'un t>lanl<-iu-, dans le dessein de
montrer le pen de confiauce qii'on devail avoir dans In Qna.si,
eaclia lui-même une partie de son argenterie, La niriiagère <le la
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