VOYAGE A SUniNAM,
— Masra, Masra, bosch-negers !
Un second el un tl'oisicnie sou se Hrent encore cnleodre, et
furent riipélés au bout de quelques minutes par loiis les échos
de la forit.
Mon nèji-e, de plus en plus effi'ayé, me dit qu'il y avail quelque
chose de nouveau , mais qu'il ignorait conipldtement ce que
ce pouvait être.
Enfin, airivi! chez mou ami, nous avions â peine pris place à
table, qu'un coup de canon se fil en tend le. Nous ne sxi mes d'abord
quel en pouvait élre le motif, Mais, en rentendant répéter, nous
jugeâmes qu'un navire venait d'entrer dans la rivière de Surinam ;
ce qui se ti'ouva vrai, c'iSlait un bateau à vapeui' venant d'Europe.
La vue de ce navire niarciiant avec une incroyable rapidité
sans le secom's d'aucune voile, avait élé un spectacle si nouveau
et si inexplicable pour les c.<pions des bosch-nùgres, qu'ils n'avaient
pas cru pouvoir se dispenser d'en donner connaissance à
leurs compagnons.
Les pratiques elles croyances l'eligieusesdes bosch-nègres sont
les mûmes que ccllcs dus nègi'es des plantations. Issus de la race
de ceux-ci, ils en ont conservé les rites et les superstitions qu'ils
ont transportés au fonil de leurs solitudes. C'est pourquoi nous
renvoyons potir ce sujet le lecteur à ce que nous avons dit des
«sages religieux des autres nègi'es, c'est-à-dire de ceux des plaii-
Nous avons parlé, dans l'article consacré aux nègres, des sacrifices
que les bosch-nègi'es out l'iiabilude de faire, en cas «le
maladie, à leurs divinités pour implorer d'elles quelque faveur,
surtout le rétablisse m cul îles malades,
C'est ordinairement à la nouvelle lune que se font ces offrandes.
Le bosch-nègi'e place dans une petite curiale une foule d'objets
du genre de ceux dont j'ai parlé: el à la marée monlante , il
l'abandoime au courant de la rivière, pour qu'elle jjuissearriver
jusque dans le haut du pays. La Mama-Snekie, croit-on, reçoit
l'offi'ande el fait dans la curiale le choix de lout ce qui
lui convient. El cepcndanl ce sont les Bots seuls qui en font leur
proie, presque toujours; car les nègres eux-mêmes y mettent
rarement la main par lespect poiu' ces pieux présents.
Comme il se li-ouve aussi parmi ces bosch-ntgres des Quasi
ou Devins, uu de ces dei-niers, Instruit de l'offrande, el qui veut
aussi profit>^r de l'occasion {>oin- avoir quelque chose, ne manque
guèi-o de venir li-ouvei' le malade, et do lui dire que Jenie ou
Tiita-'J'ata a fait aussi choix de quelques cotonnades et de quelques
liqueurs. Il règle sa demande d'après les moyens du malade;
mais il a bien soiu de ne commencer ni pi'ières. ni cérémonies ,
ni canti(|uc's, avant d'avoir reçu ce iiu'il a demandé. On conçoit
que le malade n'en est pas «juilte à bon marché, surtout s'il est
riche. Los Quasi tii'enl ainsi de grands bénéfices de la superstition
de ceux qui invoquent leur secours.
Au siu'plus, je ferai remar([uer ici que la plus grande pai'tie
de CCS bateaux est sdbm.-rgée uvanl d'arriver à sa destination et
perdue, ainsi que les offrandes qu'on a eu soin d'y placer. Ce qui
n'empêche pas les bosch-nègres de croire que leur dieu a accepté
leurs présenU cl qu'il sera favorable à la demande ou à la prièi e
qu'ils lui ont faite.
La vie et l'histoire des bosch-nègres réclameraient l'espace d'un
volume lout entier, s'il nous fallait entrer dans tous les mille détails
qu'elles présentent, ifais, notre inleiition élant de nous
astreindre à en esquisser les parties principales, au lieu d'en faire
un tableau complet el achevé, nous nous sommes bornés à en
indiquer simplement les poinU les plus saillants el ceux qui nous
ont paru devoir offi-ir le plus d'intérêt h nos lecteurs. De ce que
nous n'avons doimé ici que dans les étroites limitesd'uu chapitre,
un autre fera un livre, et ce livre, à coup .sûi', sera un des plus
curieux qui puisse élre offert à l'atteulion de ceux qui s'intéi-esscnl
à l'étude de ces sociélés presque sauvages, dont les romanciers
de nos jours nous ont appris en partie l'existence dans les
solitudes de l'Orient el de l'Occident. Car on y ti'ouvera les scènes
les plus étranges, les drames les plus palpilanls, les péripéties
les plus Inattendues, les guerres ¡es plus sanglantes, les passions
les plus vives et les plus fongueuses, le drame, le poPme el
riiisloire lout à la fois. Aucun élément ne manquera à ce travail,
ni les acteurs, ni le th6\lrc, ni les physionomies, ni les caractères
. ni les costumes extraordinaires. Les vastes el inlei'miuables
forêts, les savanes où hurlent les chats-parts et où se traînent
les serpenU, les marais où grouillent les ca'imans, seront le lieu
de la scène. Les acteurs seront les descendaiiU de ces hommes
d'Afrique, transportés au-tlolà des flots de l'Océan cl perpétués
dans les solitudes de l'Amérique sans rien avoir perdu du sang
africain, ni des passions africaines, ni de la farouche civilisation
du sol auquel appartient leur race.
Qui nous écrira ce livre? El quand donc se fera-t-il?
Je termine ici ce que j'avais à dire sur la colonie de Surinam.
On concevra sans peine qu'il m'aurait élé facile de donner à ma
relation plus d'étendue; mais l'intéi'ct qu'elle peut avoir n'en
aurait poinléléaugmenté,el j'en ai dit asscx pour faire connaiIre
une coloniedont l'importance n'est pas assez généralement sentie
même dans la mère-patrie, el pour monirer que la main bienfaisante
d'un gouvernement sage et paternel s'étend également
sur ses possessions des deux hémisphères.
Une chose est incontestable, c'est que peu de peuples ont
connu, aus.si bien que les Hollandais, l'art de coloniser. C'est là
un fait qui frappe lous ceux qui ont visité les leiTcs liansatlanliques.
Aussi, que d'efforts il a fallu, que d'activité II a fallu,
que de tj'avaux el d'intelligence ont dû être mis en oeuvi-e pouiparvenir
à faire ce que la Hollande a faitsousce rapport, tant
dans ses possessions d'Orient que dans ses possessions améri-
Ciiines! Quand ou parcourt l'histoii'C de ses colonies, on est vraiment
saisi d'élonnemenl à la vue des résultats prodigieux qui y
onl été obtenus. Ce soul des terres cultivées avec «m soin et avec
une économie incroyables ; ce sont des plantations, où tout li'availle,
où tout produit: c'est une administration qui se fait respecter
par sajuslice, et craindre moins par sa sévérité que par la
conscience qu'elle a su inspirer à lous les esprits que la loi est
pour lous la même, forte, puissante cl imparliale.