VOYAGE A SURINAM-
(;ufi, les liabitanlade cell« ¡le avaient des imn(jcs nppcliies Amis,
qu'ils reganlaicnl commc leurs dieux tulélaires et auxquels ils
fiiisaiciil des saci'ifices. Le roi ëtail le grand pontife de celle religion.
Ils adoraient aussi comme dieux suprêmes Taroalaibe
Toomoo el 'l'epapa, qui, selon eux, avaient d'abord élé rocliers,
Ils admettaient, en oub'e, une race inférieure de dieux, auxquels
ils donnaient le nom de Caluas et dont deux avaient été
pères (les hommes, Tane, Ris du dieu supérieur cl do Tepapa,
diail plus parliculicremenl invoqué, parce qu'on croyait qu'il
prenait une part infiniment plus grande à la direction des
aEfiùi'es du genre liumain.
Les Caraibes des Antilles rendent un culte extraordinaire à ce
qu'ils appellent Maboia.
Ils donnent en nom à un mauvais principe, aut[uel ils atlribucnt
tous les malheurs qui peuvent leur arriver; c'est l'esprit du
tonnerre, des tempêtes, des ¿elipses, des maladies, et ce culte
sert à apaiser le génie qu'ils en croient la cause. S'il faut les en
croire, il leur apparaît parfois sous des foimes étranges el hideuses,
tantôt dans le silence de la nuit, tantôt dans les mystél'ieuses
profondeurs des forets ; il trouble leur repos et les accable
souvent de coups, Pour apaiser la colère de eet esprit malfaisant,
ils fabriquent une espèce dévoilés ou de petites figures qui
ressemblentà celle qu'il u prise pour les visiter cl les tourmenter.
Ces figures, ils se les altaclicntau cou et s'imaginent eUx; ainsi à
l'abri des altac[uesde Maboia.
Souvent, dans lein- singulier fanatisme, ou, pour mieux dire :
dans leur aveugle superstition, ils se font dix fois plus de mal
que le prétendu Maboia ne pourrait leui' en faire, car ils se coupent
la cLair en son honneur avec des couteaux et s'exténuent
pas des jeunes longs et opiniàb-es.
Ils ont aussi une sorte de génies protecteurs, auxquels ils donnent
le nom de Chcmens el qu'ils ii-garclent comme leurs anges
gardiens destines à veillei' sin' eux dans toutes les eircouslanees
de la vie. Chaque Cara'i])e a le sien. Ils leur oRi'enl les prémices
de toutes les choses, les premiers fruits de leur récolte, et lui
font des offrandes qu'ils placent toujoure, en son honneur, dans
un coin de leur cai'bet, sur ime natte éti'iidue en guise do Uibie
sur le sol, et autoiu' de laquelle ils eroienl que les géuies invisibles
viennent se réunir pour boire cl pour manger. C'est sous
la forme de ciiauves-souris qu'ils se i-epresentent les Clieniens.
Les Indiens sont enteritis clans leurs earbels (Fig, 86) ou à
rendi'oit même où ils mein'ent. On commence (wr creuser en teri'e
im trou eai ré, pendant qu'un paya danse près du corps avec ses
caliibasses cmpliimées pour éloigner l'esprit malin ; el, après avoii'
lie au mort les coudes sous les genoux, on l'enveloppe dans un
sac de toile de coton avec ses nimcs et des provisions, comme
s'il devait faire lui long voyage. Toutes ces cérémonies sont oi'-
dinuiremenl accompagnées des pleurs el des hurlcmenU des
aasislants, ol en(in <le mille eouloi-sions qui leur servent à <-xprimer
leur douleur. Parmi eux se distingue surtout la veuve, qui,
jiendant un Uwps assez long, conlinue de pivj.arer cl d'apporter
au mort de l'ouil-pol et du chica. Elle les dépose sur sa
lomlic, et ,en hurlant el en chanlnnt, elle lui'fait une foule de
questions et de compliments, tels que : visage riant, oeil de
splendeur, beau danseur, le plus vaillatit, le pliu In-ave, doboiU
de bonne hetire le matin, et le soir fort tord au lit. Quand elle
voit, au bout de quelque temps, que le mort ne répond pas,
elle quitte cet endroit funèbre, lequel est aussi abandonné
par toute la famille; el prenant son parti, elle cl.erehe à
consoler avec un second mari de la perte du premier.
Lorsqu'on arrive chez ces paiples, el qu'on les voit poui' la
pi'cmierefois, on est tenté de lesi-egarder comme très.miséi'able.s.
Mais en y réfléchissant, on est forcé de convenir qu'ils sont
plus heureux que la ptupait des Européens. Ils ne connaissent
ni le luxe, ni même les commodités de la vie (Pig. 87); ils restent
étrangers à tout ce qu'une nation civilisée présente de curieux
et d'inléres.sant. Mais aussi ils jouissent d'une liberté qui
est poiu' eitx au-dessus de tous les biens. Ils ne connaissent de
maîtres que leurs besoins, et ils ne sont jamais embairassés pour
les satisfaire. L'ambition et les petites passions de la société ne
troublent point leur vie.
Du bois, des feuilles, du colon, des peaux d'animaux leur
servent de vêlements. Le m,lis, la patate, la banane, la cassave,
le gibier et le poisson suffisent pour leur uouri'iture. Quelquefois
même ils y joignent la chaii' du singe, qu'ils b'ouvent trèsdélicate.
L'ignorance complète dans laquelle vivent ces houunes, les
rend sans doute bien inférieurs ànous, mais elle n'inSue en rieu
sur leur honheui', el il est fort douteux qu'ils fussent plus heureux
qu'ils ne le sont, si on pai-venail à introduii-e chei: eux nos
lois, nos connaissances et nos usages. De nombreux exemples
pi'ouvent que des sauvages qui ont eu l'occasion de vivre paimi
les Européens, el même de connailre les aisances el les siiperfluités
de l'Europe, n'ont eessé de regretter leur pays milal, el
qu'aussitôt qu'ils en ont trouvé l'occasion, ils sont revenus au
milieu de leurs compatriotes repicndro leur vie sauvage, ut
s'y sont trouvés plus heureux qu'ils ne l'étaient parmi tious. Il
n'est pas une de nos villes qui vaille pour eux la foi'ét el la savane
où ils sont nés, pas un dos fruits de noti'e civilisation qu'ils ne
dédaignent pour leur existence, cjui pourrait se résumer en un
seul mol, qui est lout pour eux ; la liberie.
Ce qu'il y a de plus remarquiible parmi ces hommes, c'est l'incroyable
puissance d'inslincl qu'ils possè<lent. Sans cesse exposés
aux mille dangers de la vie errante et siiuvage, souvent en lulte
avec les animaux des forêts, ils apprennent de bonne heure à en
dqouer toutes les i iises. Tantôt c'est le chal-pard qu'il faut extei'-
miner. Tantdl c'est le boa qu'il faut combattre. Tantôt c'est à im
caïman des marais ou des savanes qu'il faut faire la guerre. C'est
à loutcela qu'il leur faut disputer le sol qu'ils habitent. Leur exi.stence
est un combat continuel, non contre les besoins de la vie,
qu'ils trouvent si facilement à siitisfaire, grftee à la naliu-e opulente
el riche qui les environne, mais eonlre leseimeinis mêmes
i|ui peuplent leur» solitudes et qui se présentent devant eux à
chaque pas- Aussi, trouvez des yeux mieux -exercés, des corps
L