52 VOYAGE A SURINAM.
Quand on eul mnrclic' lonjjlcmps, l'Indien s'amHa loolà coup
eii <lisiml cl'iinc- voix rauqiie à cciix qui le suivaient ;
— Halle ! c'esl pros d'ici que le niasra a él<! IUL'-
Los deux prisonniers se mii-eitl il Ironiblci' ilc (oui Icin' corps
quand la Iroupe eul fiiil halle au coininandemenl de son guide.
L'Iudioii cUill rosli onlicremenl immobile. Mais il roulait ses
yeux aulour de lui avec im mouveinenl éli'anjje, 11 dlail reslO
pendani quelques secondes dans celle pose pélriSc'e, quand
soudain une singulière trépidation le secoua des pieds à la téte.
Ses prunelles s'allumèrent, comme si une apparition visible à lui
seul se h'il ré\'<Sk'e à ses regards. Les sourcils froncés et les oreilles
tendues, il semblait écouler aussi une voix qu'aucun des assistants
nV'ntcodait. iV|)rè$ une minute de recueillement solennel et
terrible, il s'ébi-jnla an.viitot, rcffarda les deux nègres et se
dirijea droit vers un tas de feuilliijjes amoncelés, en disant ;
— C'esl là que vous avez caclié le masra.
Les deux noirs se laissèrent tomber à genoux. Ils étaient confondus
cl Ici rifiés de ce cju'ils Tenaient de voir et d'enlendre.
D'après l'ordre de l'Indiei), on se milà fouiller los feuillages el
0(1 y trouva en eHèt le corps du planteur, ta (ètc fendue cti deux
par une arme ü'auebaiile. L'ouverture de la blessure indiquait
que c'était au moyen de la cognée disparue de l'tui dc.s nègres que
le coup tievait avoir été parlé. Cet indice fut confii mé par des
aveux (jiie firent U-.s deux prisonniers en confes.saiit tous les détail.^
de leur crime.
Le corps ainsi retrouvé et l'assassinat avoué j>ar ceux qui
l'avaient commis, tous deux ftirenl livrés à la Justice. L'inslructiou
de eelle affaire appiit que, l'un des coupables ayant été
menacé du hàlon ])ar son maitre quinze jours auparavant, tous
deux s'étaient vengés de ccUu menace en tuant celui qui l'avait
faite.
Les assassins, convaincus selon les formes judiciaires, furent
livi'ésau bûcher et subirent îeur peine avec luie fermeté ((ui eut été
de l'héroïsme si elle n'avait eu sa soiu-cc dans ce profond mépris
de la vie que pi'ofes.«;nl la plupart de ce.i hommes, dont l'existence
il que U a douleur,
CHAPITRE VII.
Les Nègres. — Leurs Moeurs. — l.ctirs Usngos.
D'éloquents philantropes ont plaide la eausc dci nègres et de
l'humanité, et se sont élevés avec force conire l'esclavage, rout
en rendant justice aux sentiments généreux qui animaient ces
hommes, on ne peut s'empêcher, en parcourant les planlalions,
lie faire celle réflexion, qu'il serait impossible do se procurer
des objets qui .sont devenus un besoin pour riùirope. et de
tirer quelque parti des colonies , si l'on n'avait pas pour les
cultiver des hommes robustes et habitués à ces climats brfilanLs.
Les terres de rAinéi'ique du sud peuvent difficilemeul se cultiver
comme les nôtres. La population n'y est jias assez considéniblc,
et par conséquent les ouvriers sont Irop i-arcs. Les animaux de
travail le sont aussi, et n'ont pas la foree des nôtres. Un siècle
peut à peine suffire pour changer les habitudes à cet égard,
pour donner ime nouvelle direction aux travaux, el poin- fournir
enfin le moyen de se pas-scr îles bi'as des Africains, en continuant
à se procurer le café, le sucre, et plusieurs autres objets
dont le luxe et les besoins ftictiees de la vie ne peuvent plus SE
passer désormais.
Tout ce qu'on peut dire aux pi-opiiéUili'es d'esclaves, c'e.st
que, dans leur propre intérêt, plus encore que dans celui de
l'humanité, ils ne doivent pas oublier que ces malheureux, qu'ils
ü-aitent quelquefois coninie des bêles de somme, ne sont pas
moins d<\s hommes; et que c'est à ces hommes et i\ leur travail
opiniâtre qu'ils doivent la fortune qu'ils amassnut cl le bicii-étre
dont ils jouisseul.
Les nègres e.iclaves conservent, au milieu de la servitude,
leurs coutumes et Icur.s usages leligieux, Ils font un profond
mystère de leurs rites idolàties, lorsqu'ils n'ont point embras.sé
le christianisme, Ils sont généralement forUi, robustes et peu
sujets aux infirmités. Ils résistent admirablement à la fatigue et
à la chaleur, et parviennent même à un âge Irès-avancé, malgré
les excès auxquels ils .w livrent assez fréquemment. Ils sont jaloux
de leurs femmes et de leurs maiti-esscs, mais cette jalousie toutefois
ne se manifeste qu'à l'égard des nègres el des créoles ; car ils onl.
la plus grande confiance dans les blancs, et ceuï-ci ne leur portent
aucun ombrage.
Les cérémonies usitées à l'occasion dos mariages des nègres ont
beaucoup de rapport avec celles pratiquées parles Indiens. Si un
nègre et une négresse sont convenus de s'unir, le premier se
Iransporle chez la maîtresse de sa prétendue, en promettant
d'avoir soin d'elle. La négresse, qui est piéseule, lui donne la
main, cl le cou Irai est conclu aussitôt. Ensuite ils parlent ciiseuible
pour célébrer les noces le même jour où la demande de
mariage est faite.
Si le nègre a un peu d'importance, il se tient un festin cl un
dou, auxquels sont invités les parents et les amis. Le lendemain,
les deux époux vont, chacun de leur côté, à la plaulalion ou à
leur ouvi'age, el ils ne se voient plus que les soirs ou les dimanches,
Les enfants qui proviennent de celte union appurtieiment
de droit au i>ropiiéUiii-c de la mère, lequel a ainsi le plus grand
inléi ét à favoriser le mariage des femmes qu'il compte parmi ses
esclaves.
Chaque nègre a sa petite maison ou case, de 0 à 10 pieds de
haut, el de 10 à 12 pieds de diamèlre, avec une porle et une
petite fcnêtre ou lucarne. Le mobilier consislx; en un ou deux
iits, élevés à un demi pied de teri-e. C'est un assemblage de
bambous sur lesquels il y a une natte sans Iravci-sin. Les negres
s'enveloppent ordinairement dans une couverture de laine; cl,
comme ils sont très-sensibles à l'humidité qui se fait sentir pendant
la nuit, ils font du feu au milieu de leur case, qui est her