58 VOYAGE A SURINAM.
iillaques fureol souveol conduites ut ces i-apiiies cxei'cc'es avec
un achariicincii) et un débordement île fuieui' dout l'hisloire
des jjeuplcs sauvages offre seule l'exemple, Nous avons indiqu«!
les guerres tcn ibles que les mai-i-ons diablis sur les boi'ds de la
rivière de Snraineca firent aux colons dans le com-s des aonëes
1726, 1728 et 173(1. Ces guerres, bien qu'Lulerroinpues souveut
par des traités, ne se leriniiièri-ul pas entièremeut i»ar celui
de (7oO, qui obligeait la colomc à la prestation d'uu tribut déguisé
sous lii forme de pi-ésents. La population des marrons
répaudus dans la solitude des savanes el des forêts et s'y développant
dans leiu- société, presque aussi farouche que colle des
animaux qui partageaient avec eux el leur dispuUiient souvent
les retraites solitaires où ils vivaient, devait se tenir en quelque
sorte dans un élal permanent d'boslllitu. soit cooti-e les tribus
ennemies, soit contre les colons, avec lesijuels luie jKiix ne pouvait
nécessairement avoir ce caractère de fi-jjichise et de stabilité
que donnent un intérêt commun et des égai'ds iHiciproijues. Ces
égards n'existaient ¡¡as, cet iutérùl non plus. C'était de la part
des colons la crainte continuelle des irruptions de ces barbares
el la néceiiité de s<! tenir constamment en garde; conti-e les
hoiries eri-antcs qui. poussées jjai' des rancunes héréditaires,
essayaient fi'équemment d'arrêter la murehe d'iuie industrie
iu'deute â régler par les lumières de l'Iiomme Vc-xubérant travail
de production du sol de ces couti'ées. De la part des marrons
c'était ce brûlai instinct de ia destruction (¡cie i-éveillait pai'fois
eu euï leur propre natiu-e, mais plus souveiit cet esprit de révolte
dont les animait quelque chef énergique et brûlant de
a force sauvage avec la force calculée de la civili-
Nous a\ons vu les hostilités se continuel- pendant près d'i.ii
demi-siècle, c'est-à-dire, jusqu'en I7G2. avec les marrons de Sarameca
et avec ceux d'Ouca sur la rivière de Surinam.
Chucinie de ces invasions était précéiléc d'un monvement
exti-aordinaire dans les forèu. Des bruiU sinistres cii culaient dans
les savanes. Les flûtes de fer y sifflaient nuit et jour et conioqiiaicnt
les gens de guerre clans les ictraites les plus cachées de
ces solitudes. Des conciliabules se teuaienl au milieu des njai'ai»
déserts.
Parfois, au sein d'une nuit ténébreuse, le \'oyageur égalé
dans sa roule y eût vu subilcitient briller des lunDières inaccoutumées,
el étinceler çà et là des brasiei-s autoui- desquels se dé--
menaient, en ,se découpant sur les flammes, des groupes noirs el
tumultueux qui gesticulaient avec foi'ce el s'eutri'tenaicnt avec
une incroyable énergie de paroles. Des cris se faisaient enlenilie
sous chaque arbre : des voix jiartaieul de chaque buisson. Par
moments il s'y mêlait des aboiements de gros chiens, par momeuts
des sons prolongés de flûtes ou des expiosions d'armra à
feu, qui de bien loin avertjssaicnl de la venue de quelque bande
amie ou alliée. Vous eussiiw dit de quelciiic enfer mystérieux, à
entendre ces bruits sans noms et à voir ces formes étranges ijui
s'agitaient el se confondaient dans un incompréhensible; péle-mèle.
Car c'étaient, à la vérité, les ncgres-oeaiTons qui se concertaienl
sur les entreprises guerrières qu'il s'agissait d'exécuter. On s'excitait,
on su stimulait de toutes les laçons. Chacun appoi'tail le
grief qu'il avait i faire valoir contre les hommes blancs.
L'un parlait de la patrie d'où on l'avait enlevé tout petit et
qu'il n'avait pu oublier; l'aulre rappelait le souvenir de quelque
peine grave à laquelle lui ou l'un des siens avait été soumis. Qui
remémorait la dureté do ses raaitj cs et le l'ude travail auquel on
l'avait soin»i:i ; qui montrait ses membres où se trouvait encore
l'empreinte des fers dont il avait été chargé ou ilu bitou sous
lequel il avait plus d'une fuis gémi. Tous a\aient uu tnotif de
haiue à dire, cl, par consc'qucnl. une vengeance à exercer.
Toutes ces haines et ces vengeances se stimulaient encore par des
libations effix-uées de dram.
Cela durait plusieurs jours et plusieurs nuits. mais bien loin
de toute habiulion, afin que le scci-et de l'invasion à opérer ne
fut pas exposé à être U'ahi. Puis, le plan d'attaque bien concerté,
et tous li-s oixires rigoureusement distribués, on apprêtait ses
armes et l'on marchait vers le point désigné de la colonie, où il
avait été résolu que l'on transporterait la guerre.
Quelc|ues joui-s après, il y aviiit des plantations enlièrenicnt
détruites, des maisons dévastées par l'incendie, des magasins
pillés, du sang et des moi'ts, des ruines et des débris.
C'est qui'. ]iar une nuit obscure, une nuée de nègi'es-marrons
y élainnl tombés, la flamme et le fer à la main.
C'est qu'ils y avaient exercé toutes les vengeances sauvages de
la barbarie. Les femmes, les enfants, tout avait été égorgé. Tout
le sol avait été bouleversé comme si une trombe de feu y eut passé.
Ces dévastations el ces massacres partiels avaient, depuis longtemps,
désolé la colonie. Il était inqiossible d'avoir, sans cesse et
|)artûut. des yeux jjour observei' cl des bras pour tenii' en échec
la population vagabonde des marions, qui, se nniltipliant de
tous côtés jKir des marches rapides, tombaient ainsi toujours sur
les points où on les attendait le moins. Alors, voyant qu'il n'y
avait pas moyen de les subjuguer ni de les tenir eu respect par
la foi'ce des armes, le couseil de police de la colonie commença à
lechercher les moyens de concluie lu paix avec eux. Les négociations
fm'enl nécessairement d'une extrême difficulté d'abord.
Cependant on parvint à atteindre un comniencenient de succès
et des préliminaires de piiix furent conclus et signés, non saus
qu'ils eussent eu à suriiioiiter les plus grands obstacles, <jue les
rebelles ne cessaient d.; susciter de toutes les manières. Ce fut
i:n l'an 17150 que l'accord eut lieu dans les cantouncmenU des
marrons entre leurs chefs et deux députés do la colonie. Cet
accord ne fut qu'une trêve ou .su-spension d'armes. Il porlait que
les hostilités cesseraienl immédiatement entie les doux parlis
pour le teiuie d'une année; et, pour assurer cette stipulation
préparatoire, il fut admis que, de part el d'autre, on fournirait
des otages dout la tête ivpoudit di: l'obsei'vation de cet aj'jdistice.
Il fut arrêté, en outre, que, dans le cours de celle tj'êve, la colonie
fouj'uirait aux marrons des présents en signe de la coulinualiou
de la jwix , et que ces présents leur seinient remis près
du fort Armeua, comme on s'engageait à le faire dans la suite,
À