VOYAGli A SURINAM.
Uatis leurs i-éuiiions i-eligieusi's, les uègivs se iiioutreiil plus
cruels que lu» bâlcs féivces ellcs-méaics. C'est là Aussi que se reiioiiYclli;
cl que s'alllse In haine qu'ils poi'leiil aux lilancs ou à
d'nuires liabitaiiLs. La crainte qu'on .1 des eH'cIs de celle Laine
enijape fnSquemincnt de riclii's planlcurs à faiiK; porter sous ces
arbres des rafrakliisseraenls, et mètnc souvent à témoijjner un
{jrand respect à l'arbre.
Il est Irès-prudent dene jamais rien eulcTer tie ce qu'on peut
trouver au pieil de ces arbi-es. J'ai sotivenl, dans mes coiirsi's,
vu des objets de prix déposés sous les kulteDlrees, lels <]ue des
ouvragesd'orfèvi'erie, des coraux, des pièces de toile, des ustensiles,
des fruits, et d'autres choscs offertes ainsi on sacrifice
aux divinités,
Un jour, vers oiize heures du soir, nous suivions dans une embarcation
le l)ord do la rivièi'c de Coniuwyne, loi'sque tout à coup
notre chaloupe heurta contre un objet en bois que nous reconnûmes
être une pelile curialc ou bai'que de dix à douze pietls de
long, et que nos nègres nous dirent être l'offrande d'un boschncyi'e.
Je la fis retirer de l'eau et Iransporter chez moi. Elle contenait
uii cruchon de drara et un autre rempli de genièvre, une
bouleille de vin de Bordeaux, un peigne, un miroir, une p:iirc
de ciseaux, des couteaux, des aiguilles, des épiugles, du fil,
différents échantillons de coton impi imé et de toile, une calebasse
sciilpt<!c renfermant toutes sortes de semences cl de Fruits, des
coraux et des perles fausses, enfin des choux, des pommes de
terie et dos oignons. C'était cerlainement la collection d'ex-voto
la plus curieuse que j'eusse vue de ma vie.
Le lendemain je fis parla mes amis de la sin^piliere trouvaille
que j'avais fuite la veille; mais ils me conseillèrent fortement de
De pas g^iixier ces objets chez moi, car, d'iipii-s li> nature ilu
présent, ils juijèrent qu'il provenait de quelque chef des boschuègres
qui, malade dans la ville ou dans les environs, envoyait
celte offrande à lu Mama-Snekie afin d'obtenir, par son entremise
ou par celle de Jiiinie Wenlic, s;i prompte guérisoo et le terme
de sa maladie.
De retour chez moi, je donnai les liqueurs et le vin à nos
nègres, les bijoux aux Sommes, i-t me réservai le reste, que je fis
transporter chez un de mes amis. Étant blanc et étranger, j'aurais
siuis doute couru le plus grand dangei', et ma vie et ma sûreté
eussent été eonipromises, si on avail su que j'avais chez moi
cette offrande religieuse faite piir lui chef des bosch-nègi'es; car
un court un péril extrême en blessant leurs préj ugés cl en lieuilaiit
leurs pritiei])es religieux, cl c'est là peut-être une dessourci's
les plus fécondes des vengeances et des »ssas-siiials donl la colonie
eUe-mème n'offre guère île fréquents cNcinpIes.
Un jour, un planteur se moquant de celte veneration difs nègres
pour leur Dieu et ne craignant pus de heurler leur.« préjugés, résolut
de faire abattre mi de ces arbres, vénérable Nestor, (|ui se
trouvait au milieu d'im de ses champs. Il un donna l'ordre à son
busiieu; mais en nègre )irudent fil observer à son maître, qu'en
coupant l'arbre, il pourrait iri'iter les esclaves, et courir risque
<le compromctti'e sa vie. Le maître persista ilans sa résolution.
Porce fut done au hastien d'obéir à l'ordre c|ui lui était donné, et
l'arbre fut abattu.
Huit à dix jours a|>rès, le maitre fut saisi d'un tremblement
dans Ions ses membres. Il se fit conduire à la ville, où il perdit
entièrement l'usage de ses jambes. Il véeut encine pendant
quelques année-s dans un étal complet de paralysie, et repassa en
Eui'ope. où il ne larda pas à succomber. C'était l'effet de la vengeance
des nègres,
L'anecdote suivante fera bien appréci.'i' l'ignorance cl la superstition
des nègres. Un d'eux entendait lire sa sentence qui
poi'tait qu'il serait pendu jusqu'à ce que mort s'ensuivilel qu'ensuite
sa tète serait coupée et placée sur un poteau, poui' servir
d'exemple à ceux qui seraient tentés d'imiter le crime dont il s'élail
rendu coupable.
— Masra, dil-il aux juges, ce n'est rien d'èli'e pendu; mais
avoir la lète coupée, voilà ce qui me fait, en vérité, une peine
extrême.
I'ourquoi':'lui demanda l'on des juges, étonné de celte singulière
observation.
— Masra. répondit le nègre avec le plus grand calme, comnienl
voidez-vous (¡uo je puisse répondre à mama-snekic, quand
je u'aïu'ai pina de tète?
Ceux qui se soni convertis au christianisme se croient souvent
tourmentés par l'apparition du diable et des roveuauts. Jamais
un nègre, môme un créole, ne eonsentii-ailà habiter une maison,
dans laquelle serait mort un blanc, et (jui sci-ail l'eslée pendant
quelque temps sans être occupée, parce qu'ils soni persuadés
que le mori reviendrait pendant la nuit pom- les lom'mentei'. Les
jongleurs ou devins ne manquent pas d'enti'etenir pai'mi les
nègres cette superstition et celte crainte du malin esprit, parce
que leur pouvoir est attaché à celle ignorante crédulité cl qu'ils
ont ainsi le plus grand intérêt à l'exploiter à lem' bénéfice.
Quoique la (raite des nègres soil abolie, on voit prescjue journellement
<les speetaeles de ventes d'esclaves créoles par suite du
décès des propriétaires ou par suite du mécontentement de ces
maîtres qui veulent se défaii-e de quelque esclave.
J'ai vu un jour une jeune et ti-ès-belle créole chez un de mes
amis qui, en ayant eu deux enfanU, se proposait de l'affrancliir,
mais qui niOLU'ul le jour même où il se disposait à se rendre à la
ville i)our procéder à l'aete d'affi'anchissement. Par ce malheur
iiiatleudu. cette infortunée, qui était déjà considérée comme la
maitresse de la maison et qui élail près de devenir la femme de
son maître, se trouva loutà coup, par la mort de celui-ci, retombée
avec ses enfants dans la condition d'esclave. Ils furent
tous trois vendus comme lels. Celle vente fui un spectacle vi'aiûienl
triste cl déchirant à voir. Ce fut une scène de désolation
diliieile à décrire. Aussi, la pauvre mère tirait des larmes des
yeux de tons ceux qui l'avaient conuue et qui déjà la regai'daicnt
comme une femme légilime et libre ( l'ig. 80 ).
Lorsqu'on visite les nègres, soit dans le« plantations, soil
dans la ville, on est frappé d'étonnemenl en voyant la force et la
bonne constitution de tous ces hommes robustes, carrés, deve