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VOYAGE A SllItlNAM
tpléo d'un imilHl, poiii- cniover loulps les imnioiidiccs (Fi(f. '¿1).
On conçoit d'ailleurs que la villeannoncelosiiia-urspl les liabiliuU'S
de la mdlvopole, et qu'on y trouve CPI csitéi-iciii' de propreW
deveiiuc proverbiale et |)rcs(iiic miniiliRiise, ((iii disliujjuo les
villes hollandaises.
Je terminerai eetle description de la rue Saraineca, par une
réflexion que j'ai Faite quelquefoia en m'y promenant; c'esl que
ce bruit, celle jjaité, les clianU, les bruyants éclaU de vii«, tout
ce niouvpmenl enfin qu'on y lemaïqui-, ne viennent que des
esclaves, qui semblent par là oubliei' leui' état et se délasser un
moment de leurs occiipatioDs ; tandis qur les Européens, les jjcns
l'icbes, sont ordiiiairemeni graves et pensifs: heureusecom])cnsation
qui là, comme en Ein'ope, allache quelquefois le dégoiil
et l'ennui à la foi'lune et le bonheur au travail.
Ce n'csl pas seulement dans les fêtes dos pei-sonnes riches ou
d'importance que Ton étale un grand luxe, et que l'on voit de
jeunes esclaves (Fi(f. 2o) mises avec une sorte de magnificence et
portant des vases de Qeui-s, ornés de vers en rbonnein'de celui ou
de celle qui esll'objelde la fele, toutes ees dépenses se font aussi
le jour d'un biipléme (Fig. 20). Quelquefois on y voit une mi&sie
ou esclave, dans l'atlirail d'une grande dame et la tète eouvei te
d'un mouchoir, habillée d'une «pice de jupe, large et ouverte
par devant, (jue recouvi'e une l'obe longue el traiuiuile pouicacher
!a nudité de ses pieds.
Deux négresses mises avec beaucoup de soin l'accompagnenl.
L'une d'elles porte l'enfaul, l'autre les cadeaux et les livres. Celles
d'enti'e les missies ou femmes du peuple qui ne sont pas riches,
louenlou empruntent pour cejoui-là tous les liabillements qu'elles
portent, ainsi que ceux dont les deux esclaves indispensables sont
vêtues.
Les dimanches Cl les jours de fcle, les planteurs riches el les
négociants qui s«^ ron.lontà l'église avec li'in- fainille. se font suivre
quelquefois (>ar cinq ou six esclaves (Fig. 24). dont cliacim est
chargé de porter quc^lque chose. Ou étale oi'dinaii-ement, ce
jour-là, un grand luxe de toilette.
AlamorUi'un habitant riche(l'"ig.l6),soncei'cueil est porté par
douze nègres. Les parents el les amis le suivent habillés de noir.
liso In tète couvertu d'une sorte de chapeau qui leur cache enla
figtire: un ci-èpe noir y est attaché, cl des esclaves
qui marchcnl tlerrière chacun d'eux en tiennenl un boul. en
élevant de l'.iuti'e main un vaste parapluie vert siu' la lèle des
personnes qui ae< oin])agnpnl ain.ii 1« ceiTueil.
La ilanse la pins ordinaire dans la bonne société ressemble à la
danse écossaise. I.a musique, qui l'accomiiagne toujours sui' un
même ton, fcut ou aigu, n'a rien de mélodieux ni d'agi'éabk',
L'oixrJiesli-e se compose toujoui-s de mulâtres ou de nègres.
Il y a une autre danse, appelée TJoiî , qui est ordinairement
dansée jiar les nègres et par les esclaves, surtout le jour do la
notivelle année. C'isl dans ces .sortes de-réunions (ju ils oublient
à 1« fois la lic^cbe et le fouet, el qu'ils piU'iiissent <lans loul l'appai
eil du luxe oriental, bien différent <lu costinne qu'ils avaient la
veille ou ([u'ils auront le lendemain en se ivndani à leurs Iravaux.
Ce Don a lieu au son du tambour, du tambourin, et
d'une espèce de guitare. Leur tambour se compase d'un morceau
d'arbre ci'eusé, dont le dessous eit à jour, el dont le dessus est
recouvert d'une peau do chévi'c tannée. Celui c|ui en joue le
place entre ses jambes cl le bal alternativement avec les c|Uiitie
doigts de chaque main. prenant sa mesure en quatre temps.
Le tambourin esl une petite planclie supportée ]iar un pied .
el sur latfuelle ou ft-appe la mesure avec deux petits biUons. La
guitai'C, qui leiu' lient lieu de violon, est une denii-Ciilebas.se fixée
à Liu bâton el sur laquelle sont tendues une peau et quati-c coi-des à
boyaux. On en joue en frappant la eoitle en mesure avec la main.
Celte harmonie est accompagnée d'un cliant national et d'un
l>elil instrumenl qui fail le même bi'uil qu'une vessie remplie de
picnes, on ra)jpellc macvarii les femmes le liennenl de la maiu
di-oite en balUinl la mesure de la main gauche, en Iwlançanl le
corps, en tournant el en glissant sur la pointe du pied. C'esl une
chose Port élonnaule que de les voir se pencher, faire beaucoup
de mouvemeuls de la tête el ilu corjis. s'approehei' ou s'éloigner
l'une de l'autre, souvent sans remuer les pieds ni même sans li'.i
lever (Fig. 25).
Loi-squ'un étranger assiste à ces réunions, qu'il voit ces nègres
el ces nu^esses couvcils de leui-s |)kis beaux liabillements et
mis avec une sorte d'élégance el de luxe, lorstju'il rcmaixjue cette
gaité bruyante ciui i-è(pie jKn'mi eux, il a de la peine à s'imaginer
que ces danseurs si animés, si vife, si heureux enfin, soient ces
mêmes esclaves qui, pendant le reste de la .semaine, traités, pour
ainsi dire, eonune des bêtes de somme, sont occupés des travaux
les plus rudes, exposés contiDuellement à la chaieiu' la plus insupportable,
cl quelquefois même aux caprices de lein' maître,
ou à la brtilalilé d'im bastien. Ces jours sonl pour aex des jours
d'incroyable bonheur. Le len<lcmain, pi-esque nus ou couvei ts de*
vêtements en lambeaux. cliargés de provisions, la tête coui'bêe,
le regard Iriste cl abaltu, en songeant aux plaisirs de la veille, el
peut-éli'B à ceux <ju'ils goùteronl encore à la prochaine fête, ils
se rendent, dès le point du jour, à leurs travaux, la pipe à la
bouche, leurs eufauls cl leui's outils sur le dos.
Une chose donl on esl également frappé, loi-squ'on assiste à ces
réunions joyeuses, c'esl le grand abandon qui y règne. I,e nègi'e
semble oublier là toutes ses ftillgues ou ses peines; il est à cel
égard comme les eufanls; tout entier à sou plaisir, il en jouil
beaucoup plus que ne le font no.s paysans ou nos domestiques
d"Eino|je. Là, Il redevient: l'iiommc de la nature. La présence
même du bastien lui l appelle à p<nne qu'il est esclave, Il y a dans
sa danse et dans tous ses mouvemenl.s une espèce il'ivressc moi'alc
qui ue lui |>ermel pas de se rappeler les b'avaux de la veille, ou
de ]jenser à ceux du lendemain, l'ius ses moments de félicité
sont rares. plus il veut en jouir. On dirait qu'il cherche à s'étourdir
sur sa condition, si cependant il la sent: car ceux d'entre eux
qui sonl nés clans l'esclavage, s'y sont habitués de bonne heure
et pai-aissenl moins en souffrii'. Je dois dire aussi, à la louange
des colons de Sininam, que la plus grande partie d'entre eux
font tout ee qui dépend d'eux pour i-endi-e sniipnriable l'esela-
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