48 VOYAGE A SURliSAM.
plus agiles el plus iufali[;iibU>s quand le pt'ril leiii- en fiul une in5-
ccssitiS, dos oreilles doliies d'une ouïe plus fiup et plus dólicale.
Au bruisseinonl qui se fail Jans les feuillages de leurs foi'ôls, ils
Yous dirool si c'esl un singe ou un perroquet qui le produit, si
c'est un boa qui tortille ses lonjjs replis autour des Iroucs des
arbres, si c'est un cliat-paixl qui les guette au passage pour
trouver une proie à donner à ses petits, si c'est un eaïman sorti
du limon de ses marais fangeux pour les dévorer. Leui-s yeux
distinguent de loin un ennemi. Ou dirait qu'ils flaii'ent le veut
pour reconnaître le péril qui les menace; et, quand ils l'ont reconnu,
pas do main plus sùrc pour fnipper ce qui les men.iee.
Leurs flècbes et leui-s armes ratleignent comme un but au jeu.
Et comme ainsi cet exercice continuel et celle lutte incessante
avec les périls cjue la nature a semés autour d'eux, développent
nécessairement en eux au plus baut degré ces facultés, ils sont.
maljfi-é l'insouciance de la vie facile qu'ils mènent sous d'autres
rapports, les ennemis les plus acharnés dans la guerre. Qu'un
diKi-end éclate enti'e deux U'ibus, c'est un combat d'extermination,
c'est un combat où se montre tout ce que la fureur cl la
haine sauvages peuvent inventer de plus cruel et de plus atroce.
Pas de frein, pas de loi humaine qui puisse se faire entendre.
A'ous diriez des boas ou des tigres qui luttent entre eux, se sei--
rant dans leurs replis, sedécliiranl des denU et des ongles. Rien
ne saurait donner une idée de ces terribles rencontres, de ces
engagements siinglants et furibonds: car de sol et de foyers, ils
n'cnonlpas àdéfendre. Leius grandes forêts et leurs interminables
savanes sont leur patrie. Un village détruit, ils vont ailleurs défricher
ua coin de terre et planter les perclies de leur cariiet. El
partout la chasse et la pòche pourvoient amplement àleurs besoins,
comme les aj'bi-es leur fournissent une abondante nourriture.
CHAPITRE VI .
Mcurlrc d'un Pl.inlcur. — Singulier exempte de l'inslincl (I« Indiens.
\ous venons de dire à quel degi'é étonnant la puissance de
l'inslincl est développée dans les Indiens. Une anecdotc assez
curieuse que nous allons rapporter ici cl dont nous pouvons garantir
de tout point l'authenticité, servira à en fournir la preuve.
Elle montrera, en même temps, que ce don de seconde vue et
de pre.ssentiment qu'on attribue aux montagnards de l'Ecosse et
dont les écrivains mystiques et les romanciers de nos jours ont
tiré un si grand parti, se i-cnconlre aussi au delà des mers et se
trouve dans les solitudes du Nouveau Monde comme on le trouve
aux bords des lacs et sur les rocheis tlu pays de Walter Seott.
Donc cette histoire la voici.
Dans une des parties les plus écartées et les plus solitaires delà
colonie, vivait dans la retraite un ancien planteur qui, fatigué du
soin cl des soucis des iilfeires, s'était établi en cet endroit pour y
finir ses joursdansle reposel jouir en ¡»aix de ce qu'il avait .imassé
dans le cours d'une vie active cl laborieuse. Le combé qu'il occupait
étiiit un des plus chai'mants qu'on piit voir, cl pas un elias-
.•ieur ne passait par là qui n'eût ilésiré d'en Cl4-e le propriétaii«. Il
élait assis au bord d'iuie crique et se découpait ga'uneiil avec son
toil loiige sur 1» verdure sombre d'ime forêt, d'où lui arrivaient
toujours les bri.ses les plus fraîches et dont les solitudes offraient
une vaste carrière A la chasse que le maili'e y pratiquait avec une
ardeur infaligiible. La galerie qui s'étendait le long de la façade
garantissiiitsoiii'oz-divchiiussiie des rayons trop ardenis du soleil,
L'enclos qui se développait derrière pourvoyait abondainninnl aux
besoins de la consommation, tandis ([ue l'étable, garnie de tiuolqiies
bestiaux, fournissait le luit et le l)ein-i'e iiécessiiires pour l(>
ruénage.
Ce ménage n'était guère uumln'ouv d'iiillcurs. 11 secomposail
ilu muitre de la maison , de la missie qui exerçiiil admirablement
les fonctions d'économe, et de deux nègres charges des travaux
plus rudes cpi'exigeait la cultui-e du jardin et du petit domaine.
Le planleur vivait ainsi, et, sans rien rêver an delà de ce qu'il
possédait, ne s'inquiétait ni du présent ni de l'avenir. Le bruit de
la colonie n'an ivait pas jusqu'à lui, et le lent-boot le plus riche
n'eut ]ias excité en lui la moindre envie, car il avait réalisé dans
la pratique cettc philosophie de la vie matérielle que d'auti'cs
chereheul vainement dans celle de la rinlelligence.
Il élait heui'eux.
Mais, un jour, tout ce bonheur fut singulièrement brisé par
ime catastrophe aussi inattendue que mystérieuse.
Depuis le matin. le ]ilanlcur avait mis son fusil en bandoulière,
non celle fois pour se livrer au plaisir de la chasse, mais pour
allei' choisir dans la forèl quelques arbres propi'es à une construclion
nouvelle qu'il se proposait d'élever. Ses deux nègres
l'accompagnaienl- Il élait parli après avoir annoncé à sa missie
qu'il serai! de retour au conibé avant le coucher du soleil,
— Masia, au nom du ciel, ne parlez pas aujourd'hui, lui
avait (lit la ménagère quanti le moment du dépari fui venu.
— Et pourquoi pas?
— llasra. je ue saui-ais vous dire que! éti-ange pressentiment
m"a¡fite.
— 'J'ii es folle, je pense. Que pourrait-il m'advenir?
— My no sabi, maura, je l'ignore: mais je tremble comme
si un grand malheui' devait vous arriver aujoin'd'hui,
El le maître avait haussé le.s épaules.
— Croyez-moi, masra, laissez cela aujourtl'hui; car une voix
intérietn-e me dit que vous ne reviendrez pas.
Comme si nous ne connaissions pas tous les détours rie la
foi-ét dans les parties t|ue nous allons visiter...