VOYAGE A SURINAM.
Is potirrniciil dócotiTi'íi', ou qui, Lk:hnppés des planliitions,
vicDdraient chercher il s'établir parmi eux el pai-tuijpr
iiDC destiné« qui, quoique pou heureuse selon nos idées reçues,
leur pamil ccpeudanl préférable au soi'l des esclaves soumis au
loide Inbniir des plantations.
Dans une des dernières cérémonies de celte nature, qui curent
lieu pendant mon séjour à Surinam, un des conseillers proposa
aux bosch-nôjjres de venir recevoir leurs prcseiiLs dims la ville
même du l'ai'uinaribo. en leur disant c|iie ce serait en même temps
l'occasion d'une féte que la colonie s'empresserait de leur donner.
Le gi'anmam, sou])çonDanl dans celle inviUition quelque piéj];e où
on voulait attirer les envoyés des bosch-ncgres, se leva eu secouant
la léte, cl répondit que ni hiiniseshcnorables Frèi-es ne vieodraient
jamais recevoir des présents dans un pareil filet. Au.isi, comme
on le pense bien, il ne Fui plus question de revenii' h celle proposition
, el l'on procéda immédiatcmunl nu serment, alîn de ne
pas exciter davantage la défiance de ces homme» avec lesquels on
a tant de motifs de vivre en paix.
On apporta un vase coutenaul du vin : chacun des députés se
pratiqua une petite incision au bout du doigt, el laissa le sauQ
qui en sortit s'imbiber <laos un peu de coton, qui Fui ensuite
pressé dans le vin. Aiors loin ceux qui sont chargés de donner au
traité sa forme aullienti([ue. boivent de ce vin ou même siiuplement
le louclienl de leurs livres. Par cette cérémonie l'acte reçoit
sa simction suprême. et la paix est de nouveau conclue pour le
terme de quatre années. En général. les bosch-nèjjres sont assez
fidèles à ce serment, el il s'est rarement vu qu'ils aient faussé
une parole une fois donnée dans la forme que nous venons de
décrii'e,
Chacun de ces chefs prend , dans les présents donnés par lu
colonie, la part qui lui revient, el la disü'ibue dans son village
ou combé. La pari de chacun n'est guère importante, comme
on l'a vu par la liste des objets qui composent le tribut.
Soit dans leurs camps, soit dans les villages, il n'y a aucun
signe de distinction particulier enti-e les chefe el les autres nègiis.
Ils vont lous nus, même les Femmes et los filles. Ils se bornent
simplement à cacher leiu' sexe, Les chefs seuls porUnit vin bâton
comme une marque de leur aiUorilé. (|uand ils se rendent dans
un villujje voisin ou dans une tribu amie.
Voici quelques détails siu' la inanièi-e de commercer des boschnègi'es,
ilans les endroits qui leui-s sont désignés piu- le Imité
de paix.
Un de leurs canots ou curiales, qui soiJl ordinairemeni de la
longueur de trente pieds, vint abordcrr à la planlation Itaka-liakc
où je me trouvais alors (Fig. 9C). Ils apporlaieul du riï, des bois
rares, des singes, ilos peri-oqufils, du miel, et prenaient en
«'•change, suivant leui- usage, du dram ou genièvre, du viu de
I''rail ce et de Hhin. du porter, dos clous, du plomb, du beurre, du
fi'omag;c, etc. J'ai moi-même échangé avec eux des perles fausses
el îles coraux contre des armures el des instriimenls indicrns.
Avant leur départ, el tous leurs mai-ehés conclus, ils verscnl du
ilram dans une cullebasse. l'ii levant la main vers le ciel, ensuite
ils boi veni et crachent al terna tivemcnl trois fois de suite. Après
cela, ils se meltentà Jouer d'une espèce de flûte pour éloigner le
malin esprit, s'embarquent el l'opartent. On voit que tout cela ne
laisse pas que d'être fori bizarre. Aussi, l'ari'ivée des trafîc|uants
des bosch-nègres est un singulier objel de curiosili pour les
élrangei-s qui visitent la colonie. C'est un specUicle toujours
animé, toujours nouveau, toujours piltoi'csque.
On voit IrÈs-raremenl paraître des femmes parmi les députalions;
el, en général, toutes celles des boseh-nègi'es ont peu de
rapports avec la colonie, même pour les relations de commerce.
Cela provient de ce que, lors de la formation des peuplades de
nègres-marrons, ceus-ci se trouvèrent forcés de faire des incursions
sur les plantations et d'y enlever des femmes. Par les motifs
doni nous avons parlé plus haut, ces enlèvements ne purent pas
être punis, el il devint impossible aux colons de rentrer en possession
des négresses qu'ils avaient pei-dues, parce que les bosehnègres
mirent la plus grande allcntion à cacher ces Femmes au
fond de leurs forets inabordables el à ¡es mettre à l'abri des recherches
el ties poursuites de leui-s maîtres. C'est donc en quelque
sorte par mesure de précaution qu'ils ne permettent jamais aux
femmes de les accompagner dans la colonie; car ils craignent
qu'on ne revendique aujourd'hui les descendantes des esclaves
enlevées il y a plus d'un siècle, Précaution fort inutile, du
reste, parce qu'on ne désire rien autant que de rester en
paix avec cette population si dangci'cuse poiu- le repos de la
colonie.
D'un auli-e còlè, ])hisieurs de ces négresses avaient des atUichementsdans
les planlations, et ne souffraient qu'avec peine la
nouvelle position que les enlèvements leur avaient donnée. Aussi,
profilant quelquefois de la liberté qu'on leur laissait à i'origine,
elles s'échappaient, par la suite, des établissements des boschnègres
et revenaient dans les planlations. Ce fut là un nouveau
motif pour engager les marrons à les éloigner de la colonie. el ù
leur ôtcr les moyens de s'écha])per. Pour diminuer autant que
possible la facilité des évasions, ils recoururent ò un procédé assez
bizarre et attachèrent au cou de cns femmes des sonnettes ou
des grelots, pour être avertis du moindre moii\enient qu'elles
Feraient, soil pour prendre la fuite, soit lorsqu'elles seraient enlevées
p<ir d'auti-es nègres. J'en ai vu moi-même une dans une
plantation, (|ui avait au cou el au corps des grelots et une sonnette.
J'en demandai la raison au capitaine bosch-nègres, qui me
raconta tout ce que je viens do dire. Il ajouta que celte femme
s'était déjà évadée, et s'était retii-ée cher d'autres bosch-nègres
qui l'avaient restituée au propriétaire. Les grelots el la sonnette
devaient, pensail-il. s'opposer elRcacoment h luie évasion nouvello
(Fig. 1)1. a).
Depuis cette époque, les femmes se sont multipliées chez les
bosch-nègres; mais l'habitude s'est perpétuée, et leurs femmes
ne viennent que fori i-arement à la colonie nu à la ville. Elles sont
oixl inai renient nues chez elles, et elles ne mellent leurs habillements
de luxe que pour recevoir les élrangers ou pour aller dans
les tribus voisines, où elles meltent une certaine coquetterie.