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ils ch e rch en t les ch aton s des trem b le s i des
marfaules , des cou d rie rs , les fleurs & les b outons
du co rnouiller , & c . : en é té , ils o n t de quoi
choifir ; mais ils p ré fè ren t le s feigles à tous les
au tre s grains , & la b ou rgen n e à tous les autres
b o is.
E n te rm e s de ch a f fe , o n diftingue les cerfs en
daguet ^ jeune cerf 3 cerf de dix cors jeunement s
cerf de dix cors & vieux cerf
L e daguet e f t un jeu n e cerf p o rtan t les dagues ,
c ’e ft-à -d ire , fa p rem iè re tête o u p rem ie r bois ,
qui lui v ien t au com m en cem en t de la fécondé
an n é e . L e jeu n e cerf eft celui qui e ft dans la
tro iflèm e , q u atrième o u cinquième année de
fa v ie ; le cerf de d ix co rs jeu n em en t , celui
qui e f t dans la fixième ; le cerf de dix co rs ,
celu i qui e ft dans la f e p tièm e , & le v ie u x cerf,
ce lu i qui e ft dans la huitième année de fa v ie &
a u -d e là .
E n g é n é r a l , ce s an imau x fo n t p o rté s à d em eu rer
en fem b le & à m a r ch e r d e comp agn ie ; ils fe
m e tte n t en hardes , ( trou p e s ) dès le mo is de
d é c em b r e , & p endant les grands froids ils ch erch en t
à fe m e ttre à l’abri dans des endro its fourrés ou
ils fe tien n en t ferrés les uns co n tre les autres , &
fe réchauffent de leu r haleine. A la fin de l’h iv e r
ils g agn en t le b o rd des f o r ê t s , & fo rten t d a n s l e s
b lé s .
A u printemps leu r bois tom b e la tête ( le bois
en tie r ) fe d étach e d’e lle -m êm e , ou p ar un p e tit
effo rt qu’ils fo n t en s’a c c ro ch an t à quelque bran ch e :
il e ft ra re que les d eu x cô té s tom b en t p récifémen t
e n m êm e -tem p s , & fo u v en t il y a un jo u r ou
d eu x d’in te rv a lle e n tre la chû te de chacun des
cô té s de la tê te . L e s v ie u x cerfs m e tten t bas les p rem ie rs , v e rs la fin de f é v r i e r , o u au com m
e n c em e n t de mars ; ce u x de dix co rs n e m e tten t
b as que yprs le milieu ou la fin de mars ; ce u x
d e d ix co r s jeu n em en t , dans le mo is d’a v ril ;
le s jeu n e s cerfs, au com m en cem en t , & les
daguets , v e rs le milieu & la fin de mai ; mais
il y a fur to u t çe la b e au cou p de y a r ié té s , & l ’on
v o it quelquefois de v ie u x cerfs m e ttre bas plus
ta rd que d’autres qui fo n t plus jeu n es . A u r e f t e ,
l a mue de la tê te des per fs a v a n c e lorfque l’h iv e r
e f t d çu x , & re ta rd e lorfqu’il .eft rude & de .longue d u ré e .
D è s que les cerfs o n t mis bas , ils fe féparent
le s uns des a u t r e s , & il n’y a plus .que les jeunes
qui d em eu ren t enfemble ; ils ne fe .tiennent pas
dans les f o r ê t s m a i s ils gagn en t les b e au x p ay s ,
le s buiffons , les taillis clairs où ils demeu ren t
to u t l’é té p ou r y refaire leu r tête , Ô fd an s c e tte
faifon ils m a rch en t la t ê t e b a f f e , cra in te de la
froiffer entre les branches ; c a r elle eft fenfible
ta n t qu’elle n’a pas p ris fon en tie r .acjproiffement.
L a tê te des plus v ie u x eerfs n’e ft e n co re qu’à
m o itié refaite v e rs le milieu de m a i , & n’eft
to u t-à -fa it along ée & endurc ie que yers la fin
dp ju illet ; ce lle des plus jeunes cerfs tom b an t
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plus tard , repouffe & fe refait aufli plus tard ;
mais dès qu’elle eft entièrement alongée & qu’elle
a pris de la folidité , les cerfs la frottent contre
les arbres pour la dépouiller de la peau dont elle
eft revêtue, & comme ils la frottent pendant
plufieurs jours de fuite , on prétend qu’elle fe
teint de la couleur de la feve du bois auquel
ils touchent ; qu’elle dévient rouffe comme les
hêtres & les bouleaux, brune contre les chênes,
& noirâtre contre les charmes & les trembles.
On dit aufli que les têtes des jeunes cerfs qui
font liffes & peu perlées , ( peu mamelonnées ou
fillonnées & chargées de rugofités ) ne fe teignent
pas à beaucoup près autant que celles des vieux
cerfs dont les perlures font fort pîès les unes des
autres, parce que ce font ces perlures qui retiennent
la fève qui colore les bois ; mais tout
cela nous paroît hafardé^, car on a vu des cerfs
privés & enfermés dans des enclos où il n’y
avoit aucun arbre , defquels cependant la tête
étoit colorée comme celle des autres.
Peu de temps après que les cerfs ont bruni
leur tête, ils commencent à reffentir les imprefi-
fions du rut ; les vieux font les plus avancés :
dès la fin d’août & le commencement de fep-
tembre , ils quittent les buiffons, reviennent dans
les forêts , & commencent à chercher les bêtes,
( biches ) j ils raient d’une voix forte ; le cou Sc
la gorge leur enflent ; ils fe tourmentent ; ils
traverfent en plein jour les guerêts & les plaines ;
ils donnent de la tête contre les arbres ; ils pa-
roiffent tranfportés, furieux, & courent de pays
en pays , jufqu’à, ce qu’ils aient trouvé des femelles,
qu’ils font encore obligés de pourfuivre,
de contraindre & d’affujettir ; car elles les évitent
d’abord : elles fuient & ne les attendent qu’après
avoir été long-temps fatiguées de leur pourfuite.
Lorfque deux cerfs fe trouvent auprès de la même
biche , il faut combattre avant que de jouir ; s’ils
font d’égale force, ils fe menacent, ils gratent la
terre, ils raient d’un cri terrible, & , fe précipitant
l’un fur l’autre , ils fe battent à outrance ,
& fe donnent des coups de tête & d’andouillers
fi forts j que fouvent ils fe bleffent à mort. Le
combat ne finit que par la défaite ou la fuite de
l’un des deux ; & alors le vainqueur ne perd
pas un inftant pour jouir de fa victoire, à moins
qu’un autre ne furvienne encore , auquel cas il
part pour l’attaquer & le faire fuir comme le
premier. Les plus vieux cerfs font toujours les
maîtres, parce qu’ils font plus fiers & plus hardis
que les jeunes, qui n’ofent approcher d’eux , ni
de la biche , & qui font obligés d’attendre qu’ils
l’aient quittée pour l’avoir à leur tour : quelquefois
, cependant, ils fautent fur la biche pendant
que les vieux combattent, après avoir joui
fort à la hâte , ils fuient promptement. Les vieux
cerfs font beaucoup plus ardens & plus chauds
que les jeunes : ils lonf aufli plus ineonftans ;
ils ont fouvent plufiçurs bêtes à la f o i s &. lorfqu’ils
<i’en
n'en ont qu’une , ils ne s’y attachent pas, ils ne
la gardent que quelques jours , après quoi ils
s’en féparent & vont en chercher une autre auprès
de laquelle ils demeurent encore moins &
paffent ainfi fucceflivement à plufieurs , jufqu’à
ce qu’ils foierit tout-à-fait épuifés.
Cette fureur amoureufe ne dure que trois fe-
maines ; pendant ce temps, ils ne mangent que
très-peu, ne dorment ni ne repofent nuit & jour :
ils font fur pied & ne font que marcher, courir ,
combattre & jouir ; aufli fortent-ils de là fi fatigués
, fi maigres, qu’il leur faut du temps pour
fe remettre & reprendre des forces : ils fe retirent
ordinairement alors fur le bord des forêts, le
long des meilleurs gagnages, (terres enfemencées) ,
où ils peuvent trouver une nourriture abondante,
6c, ils y demeurent- jufqu’à ce qu’ils foient rétablis.
Le rut, pour les vieux cerfs, commence au
premier de feptembre, & finit vers le 2.0 ; pour
les cerfs de dix cors & »de . dix cors jeunement,
il commence vers le 10 fëptembre , & finit dans
les premiers jours d’oCtobre ; pour les jeunes cerfs ,
depuis le 2.0 feptembre jufqu’au 18 oCtobre , &
fur la fin de ce même mois, il n’y a plus que les
daguets qui font en rut, parce qu’ils y font entrés
les derniers de tous. Le rut eft donc entièrement
fini au commencement de novembre, &
les cerfs 3 dans ce temps de foibleffe, font faciles
à forcer. Dans les années abondantes en gland ,
ils fe rétabliffent en peu de temps, par la bonne
nourriture , & l’on remarque fouvent un fécond
rut à la fin d’oCtobre , mais qui dure beaucoup
moins que le premier.
Dans les climats chauds , où les faifons font
plus avancées qu’en France , le rut eft aufli plus
précoce. En Grèce , . par exemple , il paroît ,
par ce qu’en dit Ariftote, qu’il commence dans
les premiers jours d’août ; &. qu’il finit à la fin
de feptembre. Dans ce temps du rut, les cerfs
ont une odeur fi forte , qu’elle infeCte de loin ;
leur chair même en eft fi fort imbue & pénétrée
, qu’on ne peut ni la manger ni la fentir,
& quelle fe corrompt en peu de temps.
Le cerf eft en état d’engendrer à l’âge de dix-
huit mois , car on voit des daguets , c’eft-à-dire,
des cerfs , nés au printemps de l’année précédente
, couvrir des biches en automne , & l’on
doit préfumer que ces accouplemens font prolifiques
, quoiqu’ils n’aient encore pris alors que
la moitié ou les deux tiers de leur accroiffement ;
puifque, dès la fécondé année , ils pouffent des
dagues, (premiers jets du bois ) , ce qui eft le figne
le plus certain de la puiffance d’engendrer. D’ailleurs
, les animaux qui ont un temps marqué pour le
rut, engendrent plutôt que les autres animaux ,
qui ne font en état d’engendrer que lorfqu’ils ont
pris la plus grande partie de leur accroiffement.
Gette différence qui fe trouve entre les animaux
qui, comme le cerf, ont un temps marqué
pour le rut, & les autres animaux qui peuvent
Hifioire Natter elle, Tom, 7.
en g en d re r en to u t tem p s , ne v ie n t q u e de la
m an iè re d o n t ils fe nourriffent : l’h om m e & le s
an im au x domeftiques q u i , tous les jo u r s , p ren n en t
à p eu près une égale q u an tité de n o u rritu re , fouv
e n t m êm e tro p ab on d an te , p e u v e n t en g en d re r
en to u t tem p s : le cerf, au c o n t r a i r e , & la rilû-
p a r t des au tres an im au x fauv ages , qui fouffrent
p en d an t l’h iv e r u n e g ran d e difette , n’o n t rien
alo rs d e furab on d an t , & ne font en é ta t d’eng
en d rer qu’ap rè s s’ê tre refaits pen d an t l’é té ; &
c ’eft aufli im m éd ia tem en t ap rès c e t te faifon que
com m en ce le r u t , p en d an t lequel le cerf s’épuife
fi f o r t , qu’il re fte pendant, to u t l’h iv e r dans un
é ta t de langueur ; fa chair e ft m êm e alors fi
d énuée de b on n e fubftance , & fo n fang e ft fi
fo rt a p p a u v r i, qu’il s’en g en d re des v e r s fous fa
p e a u , lefquels au gm en ten t e n co re fa m isè re , ôc
ne’ tom b en t qu’au p r in tem p s , lorfqu’il a rep ris ,
p o u r a in f i-d ù e , une n o u v e lle v ie p ar la n ou rritu
re aCtive que lui fourniffent le s ' prod u ction s
n ou velles de la te r re . T o u t e fa v ie fe paffe dans
des alte rn a tiv e s de plénitude ôc d’inanition , d’em b
on p o in t & d e m aig reu r , fans que c e t é t a t , to u jou
rs e x c e f l if , a ltè re fa çon ftitu tion : il v i t aufli
lo n g -tem p s que les autres an im au x qui n e font
pas fujets à ce s v iciflitud es. C om m e il e ft cinq
o u fix ans à c ro ître , il v i t aufli fep t fois cin q
o u fix a n s , c ’e ft-à -d ire , tr e n te -c in q o u qu a ran te
ans. C e que l’on- a débité de la lon gu e v ie des
cerfs , n’e ft ap p u y é fur au cu n fo n d em en t , &
n’e ft qu’un p réju g é p op u laire.
L a p roduction du b o i s , le ru t & la g én é ra tio n
dans c e s a n im a u x , d ép en d en t e n tiè rem en t de la
fu rab on d an ce de la n o u rritu re . T a n t que ^ ’animal
c ro ît ( & c ’eft tou jou rs dans le 'p rem ie r âge q u e ,
l’a c c ro iffem en t e ft le plus p rom p t ) , la n o u rritu re
e ft en tiè rem en t em p lo y é e à l’e x te n f io n , au dév
e lo p p em e n t du co rp s ; il n’y a d o n c nulle fu r-
ab o n d an ce , & p a r con féq u en t nulle p rod u ction , f
nulle fe c ré tion de liqueur leminale ; mais lorfqu’ils
o n t pris la plus gran de p a rtie de leu r a cc roiffem
e n t , la furabondance com m e n c e à fe manifefter
p a r de n ou velles prod u ction s . E l l e ’ p ro d u it dans
le cerf h tête , le g on flem en t des daintiers ou te f ti-
cu le s , l’enflure du c o u o u de la g o rg e , la v e n a i -
fon , le r u t , bc. E t com m e le cerf c ro ît fo rt v ite
dans le p rem ie r âge ,, il n e fe paffe qu’un an
depuis fa n aiffance jufqu’au tem p s où c e tte fu r -
ab o n d an ce com m en ce à fe m arq u e r a u -d e h o r s
p a r la prod u ction du bois \ & à mefu re que c e
b o is p ren d fon a c c ro i f fem e n t, l’animal a ch è v e de
fe ch a rg e r de v e n a ifo n , qui e ft u n e graiffe abond
a n te , p rod u ite aufli p a r le fuperflu de la n ou rritu
re , qui d ès-lo rs com m e n c e à fe d é te rm in e r
v e rs les parties d e la g é n é ra tio n , & à e x c ite r le
cerf à c e tte ard eu r du ru t qui le ren d fu rieu x . E t
ce qui p ro u v e é v id em m en t que la p rod u ction du
bois & celle de la liqueur f ém in a le , d ép en d en t
de la m êm e cau fe , c’e f t qu’en détruifant la fo u rce
de la. liquevj! fçp ii^ a le paç la c a f tra tio n , o n fu.p