tude : ainfi, le corps humain tend à fa fin ,
& opère ta propre deftruétion, depuis l’âge
de retour jufqu’à la mort ; il périt par parties
, à mefiire que quelques-uns de fes
organes perdent leur aftion. Le mouvement
du coeur eft le plus durable; lorlqu’il ceffe ,
l’Homme a déjà rendu ton dernier foupir:
il paflê de' la vie à là mort.
Mais il n’y a qu’un très - petit nombre
d’Hommes qui parcourent tous les âges de
la v ie , & qui ne meurent qu’au ternie de la
nature :- mille & mille' cailles accélèrent
la mort. On ne peut imaginer combien
d’accidens' & de maladies brifent & corrompent
les différentes parties du corps ,
retardent OU accélèrent leurs mouvemens ,
au point de tfaufer Une mort prématurée.
De quelque manière que la mort doive
arriver , on n’en connoît ni le temps , ni
les circonftances ; cependant, on imagine
qu’elle eft toujours affreufe & épouvantable,
& l’on n’y 'longe jamais qu’avec
peine. Il faut pourtant penfer à la mort,
puifque nous y fommes deftinés , & que
cette idée peut nous fervir pour la retarder
ou pour en prévenir de mauvaifes fuites,
par une bonne conduite.
La mort naturelle , conlidérée fans prévention
, nous paroîtra préférable aux infirmités
de la décrépitude. D ’ailleurs ,
lorfque les fonctions du corps font prefque
nulles , lorfqu’on n’a plus de mémoire ,
lorfqu’on a perdu Image des fens , il
relie peu à perdre. Un corps exténué, des
organes ufés , n’oppofent qu’une foible
réfiftaiice à la mort. Quels regrets, quelle
douleur pourroit-elle caufer ?
Dcjlruciion des, cadavres.
Après la mort, l’organifation du corps
de l’Homme commence à fe détruire; toutes
fes parties fe relâchent«^ s’altèrent & fe
défuniffent : cette opération fe fait par un
mouvement intellin de fermentation, qui
caufe la putréfa&ion & qui réduit les cadavres
en alkali v o la t il, en huile fetide
& en terre. On donne le nom de terreau
à celle qui vient de la décompofition des
animaux Sc des végétaux.
La chaleur & l’humidité favoriftnt la
putréfaâion ; mais les cadavres en font
préfervés par la grande chaleur sèche & par
le grand froid : ils fe confervent lorfqu’ils
font gelés , tant qu’ils relient dans cet
état. Ceux qui font expofés à une grande
chaleur perdent ‘leurs parties fluides, par
l’évaporation, & fe deffèchent avant de fe
corrompre. Les terres abforbantès pompent
lés humeurs des cadavres & les confervent
en les defféchant. Au défaut de ces circonftances
, oh à employé d’ autres moyens
pour empêcher l ’entière deftruétion des
cadavres.
Il étoit affez naturel, après la mort des
perfonnes que l’on chériffoit, ou de -celles
qui avoient été fameufes , de chercher les
moyens de conferver lèiirs trilles relies.
Une momie chez les Egyptiens , ou des
cendres dans une urne, chez les Romains ,
étoient un objët' d’affçûion ou de refpeft ;
chacun devoit même 'être flatté , dans
l’efpérancë qu’il refteroit, après fa mort,
quelques parties de fon propre corps ,.
qui perpétueroient le fouvenir de fon
exillence , ôi qui entretièndroient , en
quelque fa çon, les fentimens qu’il auroit
mérités dès autres hommes. L’embaumement
étoit le moyen le plus facile pour
préferver les corps de la corruption ; auffi
cet ufage eft-il le plus ancien qui ait jamais
été pratiqué dans les funérailles : il a été
reçu par la plupart dès Nations, & il eft
encore en ufage aujourd’hui pour les Rois
& pour les Grands.
Les -Egyptiens font les premiers , que
nous fçachions , qui ayent fait embaumer
les corps' des morts. Nous 'en avons. des
preuves authentiques dans le Livre Sacré ,
au chap. L. de la ' Genèfe, oii il ell dit :
« Jofeph voyant fon père expiré......... , il
commanda aux Médecins, qu’il avoit à. fon
fervice, d’embaumer le corps de fon père ,
& ils exécutèrent-l’ordre qui leur avoit été
donné , ce qui dura quarante jours , parce
que c’étoit la coutume d’employer ce temps
pour embaumer les corps morts ».
Le plus ancien des HiftôriênS profanes,
Hérodote, ell entré dans le détail de cette
pratique. Cet auteur'eft fi précis, que j’ai
cru qu’il étoit A propos de rapporter en
entier l’article dont il s’agit. * On porte le
corps, pour être embaumé-: il y a des
hommes commis à cet effet , & qui - en
font métier,........ Quand les parens font
convenus avec eux du prix de l’embaumement
, ils fe retirent & les laiffent dans
la maifon. Alors ceux-ci embaument le1
corps, avec tout le foin poffiblé , de là
manière fuivante. D ’abord ils tirent la
cervelle par les narines, à l’aide d’un
inftrument travaillé - exprès, & à mefure
qu’ils la font fortir , ; ils verfent des parfums
pour la remplacer. Enfuite.,, avec'
une pierre d’Ethiopie, bien aiguifée , ils
font une incifion vers les flancs, & retirent
, par cette ouverture, tous les inteftins
; & , après les avoir vuidés , puis
lavés avec du vin de palme , ils achèvent
de les nettoyer à l’aide d’une pouffièfe.
aromatique. Enfuite ils rempliffent le
ventre de mirrhë pure & broyée finement
, de caffe & d’autres' parfums , ( il
en faut excepter l’encens ) , puis ils le
reCoufent. Cela fa it , ils l'aient le corps
avec du nître, & l’y laiffent plongé pendant
foixante & dix jours ; car ils n’eft
pas permis de l’y tenir plus long - temps.
Ce terme expiré, après avoir lave le mort,
ils enveloppent tout.fon corps de bandelettes
de lin fin , qu’ils enduifent d’une
gomme dont les Egyptiens fe fervent
ordinairement comme de colle; enfuite les
parens ayant repris le corps , font faire
un cercueil de bois, dont la forme imite
celle du corps humain, & y enferment le
mort ; puis ils le dépofent .dans le lieu
deftiné à cet effet, & le dreffent debout
contre la muraille. Telle eft lamanière la
plus fomptueufe d’embaumer les morts.
Quant à ceux qui ont voulu qu’on mode-'
rât la dépenfe à leur égard , voici comme
on prépare leurs corps. Les embaumeurs
rempliffent une feringue d’une liqueur
odoriférante , que l’on retire du cèdre ,
& ils en font des injections dans le ventre,
par le fondement, fans faire aucune inci-
fiprffâu corps , & fans ôter les inteftins ;
puis ils le falent pendant le nombre de
jours que j’ai marqué , & le dernier jour,
ils font fortir du ventre la liqueur de
cèdre qu’ils y avoient fait entrer, & qui
a tant de vertu, qu’elle réfout les inteftins
& lès vifcères , & les entraîne avec elle.
Quant aii nître-', il confume.les chairs &
ne laiffe fubfifter que la peau & les os
du mort : cela fa it, ils rendent le corps
aux parens, fans aucune autre préparation.
La trôifième manière d’embaumer eft
celle qui fe pratique à l’égard dés plus
pauvres. Les embaumeurs nettoient le
ventre avec une liqueur purgative , lé
falent pendant foixante & dix jours , &
enfuite le laiffent remporter *.
Diodore de Sicile a auffi fait mention
du procédé que fuivoient les Egyptiens
pour embaumer les morts : il y ayoit ,
félon cet Auteur ; plufieurs Officiers qui
travailloient fucceffivement à cette opération
: le premier, que l’on appelloit l’écrivain
, marquoit fur le côté gauche du
corps l’endroit où on devoit l’ouvrir ; le
coupeur faifoit l’incifion, & l’un de ceux
qui dévoient le- faler, tiroit tous les vifcères
, excepté le coeur & les reins ; un
autre les lavoit avec du vin de palme &
des liqueurs odoriférantes; enfuite ôn l’o i-
gnoit pendant plus de trente' jours avec dé
la gomme de cèdre , de la mirrhe , du
cinnamome & d’autres parfums. Tous ces
aromates confervoient lé corps dans fon
entier, pendant très-long - temps, & lui
donnoient une odeur très-fuave : il n’étoit’
défiguré en aucune manière par cette préparation
, après laquelle on le rendoit aux parens
, qui le gardoient dans un cercueil pofé
debout contre une muraille (a).
La plupart des Auteurs modernes qui ont
voulu parler des embaumemens des anciens
Egyptiens , ont feulement répété ce qu’en
a dit Hérodote ; s’ils ajoutent quelque fait
ou quelque circonfiance de plus , ils ne
D) Hiftoire Univerfelle de Diodore de Sicile, traduite par'M. l’Abbé Terrafforît A Paris 1757 ,
Tom, 1, pag. iÿ2 6- fuiv.