é ta t d e le s b ie n o b f e rv e r ; il p a r o i t , e n e f f e t , p a r
fo n o u v ra g e , q u ’il les c o n n o ilïo it p e u t- ê tr e m ie u x
& l'ous d e s v u e s p lu s g é n é ra le s q u ’o n n e les c o n n o ît
a u jo u r d ’h u i.
A r if to te c om m e n c e fo n h ifto ire d e s a n im a u x
p a r é ta b lir d e s d iffé ren c e s & des re f fem b lan c e s
g é n é ra le s e n tr e les différens g e n re s d ’a n im a u x ;
a u lie u d e les d iv ife r p a r d e p e tits c a ra& è re s p a rt
ic u l ie r s , c om m e l’o n t fa i t les m o d e rn e s ; il r a p p
o r te h if to r iq u em e n t to u s le s . faits 6c to u te s les
o b fe rv a tio n s q u i p o r te n t fur d e s r a p p o r ts g é n é ra u x
& fu r des c a ra é iè re s fenfibles ; il tir e ce s c a ra& è re s
d e la f o rm e , d e la c o u l e u r , d e la g ra n d e u r &
d e to u te s le s q u a lités e x té r ie u re s d e l’an im a l e n t i e r ,
6c auffi d u n om b re & d e la p o f itio n d e fes
p a r t ie s , d e la g r a n d e u r , d u m o u v em e n t , d e la
f o rm e de fes m em b re s , d e s r a p p o r ts fem b lab le s
o u différens q u i fe t ro u v e n t d a n s ces m êm e s p a rtie s
c om p a r é e s , & il d o n n e p a r - to u t d e s e x em p le s ,
p o u r fe fa ire m ie u x e n te n d re : il c o n fid è re auffi
le s diffé renc e s d e s a n im a u x p a r le u r fa ç o n d e
v iv r e , leu rs a v io n s 6c le u r s m oe u r s ; leu rs h a b ita
t io n s , & c .
I l p a rle d e s p a r tie s q u i fo n t c om m u n e s & eflen-
tie lle s a u x a n im a u x , & d e c elles q u i p e u v e n t
m a n q u e r 6c q u i m a n q u e n t e n e ffe t à p lu fieu rs
e lp è c e s d ’an im a u x . L e fens d u to u c h e r , d it- il
e f t la feu le chofè q u ’o n d o iv e re g a rd e r c om m e
n é c e f fa ire , 6c q u i n e d o it m a n q u e r à au cu n
a n im a l , 6c c om m e ce fen s e ft c om m u n à to u s
le s a n im a u x , il n ’e ft p a s , p o ffib le d e d o n n e r u n
' n om à la p a r tie de le u r co rp s d a n s la q u e lle r é -
f id e la fa c u lté d e fen tir. L e s p a rtie s les plus e ffen -
tie lle s fo n t c elles p a r lefq u e lle s l’an im a l p r e n d fa
n o u r r i tu r e , c e lle s q u i r e ç o iv e n t & d ig è re n t c e tte
n o u r r i tu r e , & c e lle s p a r o ù il e n r e n d le fuperflu.
I l ex am in e e n fu ite les v a r ié té s d e la g é n é ra tio n
d e s an im a u x , celles d e leurs m em b re s 6c des
d iffé ren s o rg an e s q u i f e rv e n t à leu rs m b u v e -
m e n s 6c à leu rs fo n d io n s na tu re lle s . C e s o b fe r -
v a tio n s gé n é ra les & p ré lim in a ire s fo n t u n tab le au
d o n t to u te s les p a r tie s fo n t m té re f fan te s , & ce
g r a n d p h ilo fo p h e d it auffi q u ’il les a p ré fe n té e s
io u s c e t afpeéf , p o u r d o n n e r u n a v a n t g o û t de
c e q u i d o i t fu iv r e & faire n a ître l’a tte n tio n q u ’e x
ig e l’h ifto ire p a rtic u liè re d e c h a q u e o b je t.
P lin e , a v e c m o in s d ’o rd re & d ’e n fem b le , mais
a v e c l’é n e rg ie , l a g râ c e 6c la f ie r té q u i caraéférifent
fa to u c h e lib re 6c m â le , a tra ité l’H if to ire des
A n im a u x c om m e celle d e to u te s les produirions
d e l’u n iv e rs . P a r - to u t fa p ro fo n d e é ru d itio n e ft
e n c o re r e le v é e p a r la n o b le f le d e fo n f ty le & la
fo rc e de fes id ée s . Sans fe p ro p o fe r d e d o n n e r
u n e fu ite c om p le tte fu r a u c u n e d e s p a r tie s d e la.
fc ie n c e d e la N a tu re , il a laifie fu r c h a cu n e d e
m ag n if iq u e s fragm en s : ce fo n t fi l’o n v e u t , des
e fq u i f le s , m ais o ù u n e m ain h a rd ie c r a y o n n e le
p lu s g r a n d tab le a u .
Depuis le fiècle de Pline , jufqu’âu nôtre , la
Nature n’avoit été interrogée que par des doâes ,
peu propres à recevoir ou à tranfmettre fes réponfes.
Rendons néanmoins honneur aux favans travaux
des Gefner & des Aldrovande : leurs recherches
laborieufes ont raffemblé tous les matériaux de la
fcience ; quoiqu’alors , accablée fous la fcience
meme, la Nature eût peine à fe reconnoître.
Belon, de fa touche naïve , chez nos ancêtres *
lui rendit quelque grâce ; mais il étoit réfervé au
plus beau génie de nos jours de la peindre avec le
charme, l’ame & la vie quelle refpire. Que d’intérêt,,
que de grâce , quelle majefté dans fes tableaux L
quelle élévation dans fes penfées ! quelle étendue
& quelle fécondité dans fes vues 1 quelle profondeur
dans fes principes ! admirable dans l’enfemble 5
précieux dans les détails , fublime 6c fimple à la
fois, vafte comme fon objet, il remplit fa noble
devife : il embrajfe toute la Nature.
A ces traits, qui ne reconnoîtl’illuftre B u f f o n E
Sa plume éloquente a fçu rendre animées toutes les
parties de l’Hiftoire Naturelle , & fa métaphyfique
lumineufe , analyfer les principes des méthodiftes ,
en fixer la »véritable valeur ; tandis que fon brillant
pinceau, traçant tous les objets en traits-lumineux
6c diftinfts, le difpenfoit d’employer le froid crayon
de la méthode. Continuons ici, comme dans toutes
les parties de cet Ouvrage , de fuivre ce grand
interprète de la Nature, & cherchons à établir avec
lui , par la mafi'e des reffemblances 6c l’enfembls
des caractères, les familles des animaux.
Entre tous les animaux terreffres-, il n’eft que
quelques efpèces ifolées- qui, comme celle de
l’homme, faffent en même-temps efpèce 6c genre.
L’éléphant , le rhinocéros ,• l’hippopotame , la
giraffe forment de même des genres- ou des
efpèces {impies qui ne fe propagent qu’en ligne
direCte , 6c n’ont aucunes branches collatérales ;
toutes les autres paroiffent former des familles
dans lelquelles on remarque ordinairement une
fouche principale 6c commune, de laquelle femblent
être forties des tiges différentes 6c d’autant plus
nombreufes que les' individus dans chaque efpèce
font plus petits & plus féconds.
Sous ce point de vue , k cheval, k/zébre 6c
l’âna font tous trois de la même famille ; fi le
cheval eft la fouche ou le tronc principal, le
zèbre & l’âne feront les tiges collatérales: le nombre
de leurs reffemblances entr’eux étant infiniment
plus grand que celui de leurs différences, on peut
les regarder comme ne faifant qu’un même genre
dont les principaux caractères font ciairemènt
énoncés 6c communs à tous trois : ils font les feuls
qui foient vraiement folipédes, c’eft-à-dire , qui
aient la corne des pieds d’une feule pièce , fans
aucune apparence de doigts ou d’ongles ; &
quoiqu’ils forment trois efpèces diftinétes , elles
ne font cependant pas abfolument ni nettement
îèparées, puifque l’âne produit avec la jument j
le cheval avec l’âneffe , 6c qu’il eft probable que
fi . l’on vient à bout d’apprivoifer le zèbre & d’af-
foupir fa nature fauvage & récalcitrante, il pro-
duiroit auffi avec le cheval & l’âne , comme ils
produifent entr’eux.
La fécondé famille eft celle des grands pieds-
fourchus à cornes creufes & permanentes : elle eft
compofée des efpèces du boeuf, du buffle , du
bubale , du nilgaut, du canna ; 6c fe ralliant par
ces derniers aux grandes gazelles , elle femble
defcendre à la famille des petits pieds - fourchus ,
à cornes également creufes 6c permanentes , favoir,
les brebis, les chèvres ; les chamois & bouquetins,
&c. dont nous parlerons toüt-à-l’heure : tous ces
animaux font ruminans.
Les animaux qui portent des Lois , quoique
ruminans 6c conformés à l’extérieur comme ceux
qui portent des cornes , femblent faire un genre ,
line famille à part, dans laquelle l’élan eft la tige
majeure , & le renne , le cerf, l’axis , le daim
& le chevreuil font les branches mineures 6c collatérales
; car il n’y a que ces fix efpèces d’animaux
( 6c peut-être la giraffe ) , dont la tête foit
armée d’un bois branchu qui tombe & fe renouvelle
tous les ans ; 6c indépendamment de ce caractère
générique qui leur eft commun , ils fe
reffemblent encore beaucoup par la conformation
& par toutes les habitudes naturelles, on obtiendroit
donc plutôt des mulets du cerf ou du daim mêlés
avec le renne 6c l’axis , que du cerf 6c de la
yache.
On feroit encore mieux fondé à regarder toutes
les brebis & toutes les chèvres comme ne faifant
qu’unë même famille , puifqu’elles produifent en»
femble des mulets qui remontent directement &
dès la première génération à l’efpèce de la brebis ;
on pourroit même joindre à cette nombreufe
famille des'brebis 6c des chèvres , celle des.gazelles
qui ne font pas moins nombreufes. Dans ce genre
qui contient plus de trente efpèces différentes , il
paroît que le mouflon , le bouquetin, le chamois ,
l’antilope, le condoma, &c. font les tiges principales
, 6c que les autres n’en font que. des branches
acceffoires qui toutes ont retenu les caraCtères principaux
de la fouche dont elles font iffues , mais
qui ont en même-temps prodigieufement varié
par les influences du ‘ climat 6c les différentes nourritures
, auffi bien que par l’état de fervi-tude 6c
de domefticité auquel l’homme a réduit la plupart
de ces animaux.
" . Le chien, le loup , le renard , le chacal & l’ifatis
forment un autre genre , dont chacune des efpèces
eft réellement fi voifine des autres , & dont les
individus fe reffemblent fi fort , fur-tout par la
conformation intérieure 6c par les parties de la
génération; qu’on a dû s’étonner avec.raifon,
tant que l’on a vu ces animaux refufer de produire
enfemble.
Le chien paroît être l’efpèce moyenne & commune
entre, celles du renard & du loup , car lë
renard eft moins voifin de ce dernier, puifque ces
deux animaux fe. trouvent enfemble dans le même
climat 6c dans les mêmes terres, & que fe fou»
tenant chacun dans leur . efpèce laris fe chercher ,
fans fe mêler, il faüdroit fuppofer une dégénération
plus ancienne que la mémoire des hommes
pour les réunir à la même efpèce.
Pour réduire ces deux efpèces à l’unité , il
faut donc remonter à un état de nature plus ancien ;
mais dans 1 état actuel , on doit regarder le loup
& le renard comme les tiges majeures du genre
des cinq animaux que nous avdns indiqués ; le
chien , le chacal 6c l’ifatis n’en font que les branches
latérales , & elles font placées entre les deux premières
; le chacal participe du chien & du loup,
6c l’ifatxs du chacal & du renard ; auffi paroît-il
par un affez grand nombre de témoignages, que
le chacal 6c le chien produifent aifément enfemble ;
6c l’on voit par la defcription de l’ifatis 6c par
l’hiftoire de fes habitudes naturelles , qu’il ref-
femble prefqu’entièrement au renard par la figure
6c par le tempérament, qu’il fe trouve également
dans les pays froids , mais qu’en même-tenaps
il tient du chacal le naturel, l’aboiement continu,
la voix criarde & l’habitude d’aller toujours eii
troupe s.
Le chien de berger que j’ai dit être la fouche
première de tous lés chiens, eft en même-temps
celui qui approche le plus de la figure du renard ;
il eft de la même taille ; il â comme lui , les
oreilles droites , lé riiufeau pointu , la queue
droite & traînante ; il approche auffi du renard
par la voix, par »l’intelligence 6c par la fineffe de
l’inftinCt ; il fe peut donc que ce chien foit originairement
iflù du renard , finon en ligne droite ,
du moins en ligne collatérale. Le chien qu’Ariftote
appelle canis laconicus , 6c qu’il allure provenir
du mélange du renard & du chien , pourroit bien
être le même que le chien de berger , ou dû
moins avoir plus de rapport avec lui qu’avec
aucun autre chien : ‘ ori feroit porté à imaginer
que l’épithète laconicus qu’Ariftote n’interprête pas ,
n’a été donnée à ce chien que par la raifon qu’il
fe trou voit en Laconie , province de la Grèce,
dont Lacédémone étoit la ville principale ; mais
fi l’on fait attention à l’origine de ce chien laconic9
que le même Auteur dit venir du renard 6c du
chien, on fentira que la race n’en étoit pas
bornée au feul pays de Laconie, & qu’elle devoir
fe trouver également dans tous les pays où il y
avoit des renards, & c’eft ce qui fait préfumer
que l’épithète laconicus pourroit bien avoir été
employée par Ariftote dans le fens moral, c’eft-à-
dire , pour exprimer la brièveté ou le ion aigus