plettement dans nos campagnes plus couvertes
, 8c qui ne ceffent de l’être, que
quand les avantages qu’elles procurent ,
ne font plus néceffaires. S’il ell évident
que c’eft le befoin de fe nourrir, qui fait,
à l’automne, paffer les oifeaux des terres
du Nord, où les vivres leur manque-
roient, fur celles du Midi, où ils continuent
à en trouver qui leur convienne ;
il ell probable que ce font les foins néceffaires
pour les petits, dont ils favent
prévoir la nailfance, 8c les befoins, qui les
rappellent, au printemps, dans les pays
qu’ils avoient quittés, 8c qui les font
revenir du Midi au Nord : ainfi ce n’eft: pas
fans fondement, que j ’ai dit qu’en ayant
égard à la maniéré de vivre des oifeaux,
on feroit porté à penfer que c’ell moins la
température, que les befoins qu’elle fait
naître , qui détermine leur palfage d’une
contrée à une autre.
Il n’eft pas bien difficile de comprendre
comment ceux, dont les voyages bornés
confident à paffer dans la même partie du
inonde , des provinces du Nord à celles du
Midi en automne, & à revenir de ces
dernieres au printemps, dans les premières,
exécutent ces courtes émigrations dont la
route leur eft indiquée par les infectes que
le froid détruit dans lès lieux qu’ils quittent,
qu’ils trouvent en petite quantité
fur leur chemin, qu’ils fuivent à la pifte ,
& qui ne leur manquent pas même enhiver
dans les lieux où l’abondance des alimens
les invite â fe fixer pour paffer cette faifon I
on çomprend de même comment, au printemps,
ils fe rapprochent aifément des
provini^s feptentrionales., quand les alimens
, y devenant par le retour de la chaleur
, auffi abondans que dans les pays
chauds, les befoins de leurs petits, dont
j ’ai parlé , les portent â quitter ces pays
pour paffer dans ceux où des. campagnes
plus verdoyantes, des prairies .plus fréquentes,
plus fournies, des arbres plus
touffus, des bois plus fréquens,. plus ombragés,
leur offrent des retraites plus sûres
pour l’éducation de leur famille. Mais ceux
q u i, dans leurs longs voyages, traverfent
les eaux qui diyifent • les terres , que la
hauteur des monts n’arrête pas, qui paffent
les mers, 8c qui vont ou qui paroiffent
aller d’une partie 8c d’une extrémité du
monde à une autre, ont à vaincre des difficultés
qui, mifes en parallèle avec leur
puiffance , femblent difproportionnées.
Cependant, ou ils exécutent réellement
ces longs voyages , & ils en ont par con-
féquent les moyens , ou les apparences
nous trompent à cet égard; c’eft ce que
je me propofe d’examiner.
Nous ne pouvons pas douter que certains
oifeaux, comme l’hirondelle de cheminée,
les cailles, ne paffent alternativement d’Afrique
en Europe 8c d’Europe en Afrique,
leur abondance furies rivages de la m er,
fur les ifles de la Méditerranée, dans la
faifon de leur paffage , leur rencontre en
mer qui a fouvent lieu, ne permettent pas.
non plus de douter que ces oifeaux ne traverfent
la Méditerranée entre l’Europe èc
l’Afrique. Mais cette mer remplie d’ifles ,
de rochers, offre des lieux de repos, qui
paroiffent bien fnffifans pour mettre des
oifeaux légers, comme le font les hirondelles
dont le vol eft auffi rapide , 8c
qui font capables de le foutenir auffi long-
tems , en état de franchir les intervalles
d’une ifle â une autre. La difficulté paroît
plus grande par rapport aux cailles q u i,
après un vo l court, font obligées de fe
repofer dans nos campagnes, qu’on force
au bout de trois ou quatre vols , fi à
chaque fois qu’elles fe pofent, on les oblige
de reprendre leur effor fur le champ. II
eft difficile., de comprendre comment des-
oifeaux auffi pefans peuvent franchir les.
intervalles de mer qu’ils font obligés, de
traverfer. On a imaginé que les cailles
exercées . par le trajet qu’elles font pour
s’approcher des rivages , qu’amaigries parla
route, & débarraffées de la furehargè
de l’embonpoint qu’elles avoient contraûé
dans leur ftation, arrivoient fur les bords,
de la mer, capables de foutenir un v o l
plus long & plus rapide,.que quand elles
•vivoient dans nos campagnes,, appefanties
par les fuites de l’abondance qu’elles y?
trouvent ; d^autres ont cru, avec les an-
. ciens , que les c a ille s e n quittant la terre„
Emportaient en leur bec un fragment de
bois ou d’autre matière légère, qui leur
fervoit de radeau quand elles fe fentoient
fatiguées; que fe pofant d’un côté fur ce
frêle efquif, elles élevoient l’aîle du côté
oppofé, 8c que l’aîle pouffée par le vent
leur fervoit de voile.
Mais, fans nous arrêter aux fuppoütions
futiles qui ont été faites, nous pouvons ,
d’après les obfervations rapportées par
M. de Buffon, d’après ce quia étéexpofé
fur le méchanifme du v o l , reconnoître le
fecours qui fupplée à la foibleffe des cailles,
& qui les met en état de franchir les ef-
paçes qu’elles ont à traverfer. Elles n’abordent
à Malte au printemps, qu’avec le
nord-oueft , & en automne, qu’avec le
fud. Dans le premier cas, le vent les éloigne
des côtes d’Europe ; dans le fécond,
de celles d’Afrique; & dans l’un & l’autre,
leur arrivée à Malte eft une route détournée
& forcée : les marins ont fouvent
obfervé que quand le vent eft contraire
à la direéhon de leur v o l , elles fe repofent
fur les vaiffeaux qu’elles rencontrent, &
que celles qui ne peuvent les atteindre,
tombent dans la mer, où elles périffent
après s’être débattues quelque temps fur
les flots. Mais fi le vent leur eft favorable,
on ne les voit point chercher à s’arrêter
pour fe repofer ; fon fouffle qui les pouffe
alors du même côté vers lequel leur vo l
eft dirigé, fuffit pour les foutenir, 8c il
les porte dans l’efpace avec la vîteffe dont
i l le parcourt, augmentée du produit des
efforts qu’elles peuvent faire ; elles n’ont
donc befoin , pour être foutenues, que -
d’étendre leurs aîles qui, courbées 8c arquées
allez fortement , offrent beaucoup
de prife au vent ; il leur fuffit de frapper
l ’air de haut en bas de temps à autre, pour
s’é lever , 8c de faire également agir par
intervalles la partie de l’aîle qui fert de
rames, pour accélérer la vîteffe que le
vent leur communique. Cet exercice n’a
rien de bien fatiguant, 8c l’on conçoit
comment il peut être foutenu le tems nécef-
faire pour paffer d’une ifle, d’un rocher à un
autre, par le même oifeau, qu i, dans nos
campagnes où il ne s’élève, ne fe foutient ôi
n’avance que par fes propres efforts, eft épui-
fé après quelques vols courts 8c pénibles.
L’exemple que je viens de rapporter
fuffit pour démontrer comment , aidé ,
foutenu 8c pouffé par un vent favorable,
un oifeau lourd 8c pefant peut traverfer
un long efpace ; un oifeau léger comme
l’hirondelle, ou fort comme la cigogne,
traverfera le même efpace avec le même
fecours encore plus facilement : ainfi le
paffage des oifeaux d’Afrique en Europe ,
d’Europe en Afrique, n’a rien qui doive
nous étonner , puifque nous pouvons le
comprendre. Mais devons-nous penfer que
le même fecours fuffife à certains oifeaux
pour paffer d’un continent à un autre, pour
fe porter alternativement aux extrémités
de la terre ? Ainfi dois - je , croire que le
loriot, le grimpereau de muraille, envoyés
delà Chine, y avoient paffé de nos contrées
; que le pluvier doré , le pluvier à
collier , le coulond chaud,-qui fe trouvent
en Sibérie, aux Indes , en France , dans
l’Amérique feptentrionale 8c méridionale ,
parcourant le globe fans relâche, abordent
tous les ans dans les quatre parties du
monde ? Enfin , parce qu’on trouve des
oifeaux de paffage de la même efpèce dans des
contrées très-éloignees , eft-ce une raifon
de croire qu’ils vont de d'une à l’autre ?
Peut-on le penfer quand le trajet eft irn-
menfe , 8c que les difficultés du voyage ,
la foibleffe des êtres qui auroient à l ’exécuter
, paroiffent le rendre impoffible ? Le
. jafeur 8c le fouci peuvent - ils paffer de
l’Europe à la Caroline , 8c en revenir en
Europe ? Quelque rapide que foit le vol
des oifeaux, quelque reffource qu’ils aient
par eux - mêmes , 8c malgré le fecours du
vent le plus favorable, font-ils en état de
traverfer d’une feule tenue non plus des
mers femées d’ifles & d’écueils fur lefquels
ils peuvent fe repofer, mais ces immenfes
amas d’eau qui féparent les parties du globe
,_8c fes deux continens? Cependant objectera
t-on les oifeaux traverfent ces efpaces,
. puifque fouvent les marins les rencontrent
fur les mers à la diftance de deux 8c trois
cens lieues des terres : mais qu’on faffe
attention à leur état lorfqu’ils font ren-
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