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par cette raifori, la defcription de cette
manipulation.
Après avoir foupoudré d’alun la peaudefti-
née à être confervée fans être montée fur le
champ, il faut la remplir de coton, ainfi que
le cou , & la place qn-’occupoient les cuif-
fes ; on l’introduit peu à peu dans les cavités
, telles que le cou , les cuiffes, par
le moyen d’une baguette ou d’un fil de
fer : il faut également en remplir le vuide
que le corps a lailfé. Il n’eft pas nécelfaire
d’y en accumuler beaucoup & de le fouler
très-fort, ni même que la peau en foit
entièrement remplie. Il faut prendre même
garde de la trop diftendre ; on ne pourrait
plus la faire revenir, & elle prête beaucoup
quand elle eft fraîche. Il vaut donc
mieux ne la remplir qu’aux trois quarts
ou moitié à peu près de ce qu’elle pourrait
contenir; puis on rapproche les bords
de la peau dans toute la longueur de l’in-
cifion qui a été faite , & en paffant un fil
qu’on conduit par le moyen d’une aiguille
d’un bord à un autre, en forme de lacet,
on contient la peau. On lilfe les plumes,
on les remet en état; ce qu’on exécute en
les relevant avec un ftilet qu’on paffe def-
fous de diftance en diftance ; puis les abaif-
l’ant avec la main ; elles reprennent de
cette manière leur lituation par leur propre
élafticité , qu’on met en aftion en les foule-
vant. Il ne relie qu’à rapprocher les aîles
des deux côtés du corps, à les mettre dans
la pofition naturelle, & à les contenir par
une ou deux bandes de rubans qui les enveloppent
en paffant autour du corps , &
qu’on noue ou que l’on fixe par une couture.
Avant de parler des précautions néçeffaires
pourconferver les peaux, les emballer & les
envoyer, je ferai quelques obfervations.
Il eft très-important de remplir de coton
la place que Je cou .& la partie de la
cuiffe, appellee le f ilo n , occupoient. Faute
d’avoir pris ce foin, des peaux bien préparées
d’ailleurs, n’ont pu être montées,
parce qu’il a été impofîible d’étendre les
parties de la peau, qui s’étoient trop ref-
ferrées : c’eft un inconvénient dans lequel
les voyageurs tombent fouvent; ils font
au contraire affez communément dans l’ha*
G É N É R A U X
bitude de bourrer beaucoup la peau à l’endroit
où elle couvrait le haut del’aîle. C’eft
une très-mauvaife méthode. La peau diften-
due ne revient pas : il faut mettre très-peu 8c
prefque pas de fourrure dans cet endroit.
Quelques perfonnes font dans l’ufage
d’ajouter de la chaux à l’alun pulvérife,
dont j’ai dit qu’il falloit foupoudrer la peau
en dedans ; d’autres ' fe fervent d’alun calciné.
Cette dernière poudre & la chaux,
même éteinte , font très-mauvaifes ; elles
brûlent les peaux & les rendent très-difficiles
à monter par la fuite.
La peau étant féparée du corps, remplie,
contenue, comme je l’ai dit, il eft
à propos de la laiffer quelques jours ex-
pofée à l’air pour qu’elle fe deffèche , &
pour fàvorifer l’évaporation des parties
putrides, qui peuvent s’en exhaler; mais
il faut la placer dans un lieu où il y ait
le moins à craindre qu’il eft poffible de
la part des infeftes, des reptiles, des rats ,
fi communs dans les pays chauds. Quelques
voyageurs ont coutume de fufpendre
■ les peaux au plat-fond d’une chambre par
un fil qu’ils font paffer à travers les narines
: cette méthode n’eft pas mauvaife,
fur-tout fi l’on a foin de cboifirune chambre
qui foit tournée au nord ; car il y
entrera beaucoup moins d’infeftes. S’il
étoit poffible de fufpendre les peaux dans
une boëte bien fermée, dont le deffus fût
couvert d’une gaze, d’une mouffeline, ou
d’une toile de crin claire, on préviendrait
tous les rifques, fans avoir rien à craindre,
même de la part des infeftes..
Après que les peaux, expofées à l’air, fe
font defféchées durant quelques jours, il faut
les enfermer dans des boëtes, qui fervent à
lés conferver jufqu’au moment de les emballer
pour les faire paffer dans le lieu de
leur deftination. Ces boëtes & celles dans
lefquelles on enferme les peaux pour les
envoyer, devant être conftruites de la même
manière , & les précautions qu’on doit
prendre d’ailleurs étant femblables, ce que
je vais expofer fera relatif aux boëtes dans
lefquelles on confervera les peaux dans le
pays où on les aura amaffées, & aux
. boçtes dans lefquelles on en fera l’envoi.
S U R L A N A T U R E D E S O I S E A U X .
Le mieux eft de faire ces boëtes d’un
bois dur, odorant & réfineux, fi on le
peut : ce qui n’eft pas difficile dans les pays
chauds, où il y a le plus à craindre que
les infeftes ne percent les boëtes, inconvénient
qui arrivera moins fouvent, fi le
bois eft réfineux. Il faut que le deffus de
la boëte foit à rainure & à couliffe, qu’on
ouvre en tirant le couvercle qui gliffe le
long des côtés entre deux rainures, & qu’on
ferme en pouffant le couvercle qui doit à fon
extrémité s’engager par une languette dans
une rainure creufee fur le fond de la boëte.
La forme d’un quarré oblong eft la
meilleure & la plus commode. Il eft probable
que ces boëtes qui ferment très-
exaftement, font communes à la Chine &
dans toutes les parties de l’Inde, que les
Hollandois fréquentent ; car c’eft dans de'
femblables boëtes qu’on apporte .les collections
d’infectes, dont les naturels de ces
pays font commerce, & qu’ils tiennent
prêtes d’avance. C’eft dans de pareilles
boëtes, que M. Sonnerat, qui n’a voyagé
que dans l’Inde, & qui a mieux garanti
qu’aucun autre, les animaux qu’il a raf-
fêmblés , a apporté fes différentes collections.
Je.fais cette réflexion pour prouver
l’utilité des boëtes qui ont cette forme.
Sides boëtes dont je viens de parler font
bien faites , fi on y a employé du bois
bienfec, & fi on n’y a pas enfermé dé peaux
déjà iiifeftées d’infeftes ou de leurs oeufs,
je ne crois pas qu’il foit néceffaire de
prendre d’autres précautions. Les peaux
relieront intaûes dans ces boëtes auifi
long-temps qu’on voudra les y conferver :
lorlqii’on voudra faire un envoi, il ne
s’agira que de ranger les boëtes remplies
des peaux dans une caiffe qui fupporte ,
dans la route , les chocs, les coups , le
poids des fardeaux qu’on pourra pofer
deffus, & pour que ces caiffes garantiffent
encore de -l’humidité les boëtes qu’elles
pourront contenir, il fera bon de les en-
tourrer de paille & de les couvrir d’une
toile graffe ou gaudronnée.
Si Fon n’a pu fe procurer des boëtes
femblables à celles que j’ai décrites, qu’on
n en ait que d’ordinaires , on les colerà en
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dedans & en dehors en plein avec du fort pa-
' pier ,ou encore mieux avec une toile ferrée
quoique fine ; on aura foin de mêler à la collé
dont on fera ufage, une décoftion qui la
rende amère, telle que celle de la coloquinte
ou de l’abfynthe ; lorfqu’on aura enfermé les
peaux dans cette boëte , on appliquera au
tour du couvercle la même fubftance dont
on aura couvert l’intérieur & l’extérieur
de la boëte ; on la renfermera dans une
caiffe de la manière que j’ai dit.
Indépendamment de la façon dont les
boëtes font faites , de la nature du bois
qu’on y emploie, du. foin d’y appliquer
une toile ou un papier qui bouche exactement
toutes les ouvertures, précautions
qui me paroiffent les plus importantes &c
les plus utiles , plufieurs perfonnes mettent
dans les boëtes avec les peaux des matières
qu’elles croient propres à faire périr ou à
éloigner les infeftes. C’eft le camphre dont
on fe fert le plus généralement. Je n’affure
pas que fon odeur n’écarte point les infecles,
quoique j’aie de fortes raifons de penfer le
contraire ; mais je fuis certain , après mon
expérience & celle que d’autres en ont faite,
que fi on enferme dans une même boëte
du camphre, à quelque dofe que ce foit,
des infeftes ou de leurs oeufs & des peaux
d’animaux, elles ne feront pas moins endommagées
que fi l’on n’eut pas enfermé en
même - temps du camphre dans la même
boëte. Il m’a paru que de toutes les fubf-
tances qu’on peut employer pour garantir
les peaux du ravage des infeftes , la
meilleure étoit une poudre compofée de
plantes aromatiques defféchée à l’ombre,
& groflièrement pulvérifée : on peut com-
pofer cette poudre des fragmens de feuilles
de laurier , de fauge, de lavande , de
tanaifie ou d’autres plantes aromatiques &
amères, fuivant les pays. Aucune n’eft
préférable au tabac ; mais s’il n’eft pas bien
fec, fi il y a de l’humidité dans les boëtes,
le tabac fournit une liqueur qui tache les
plumes & dont l’empreinte eft ineffaçable.
Il faut donc avoir foin de ne l’employer
qu’extrêmement fec, car il eft d’ailleurs
excellent. J’ai eu auifi la preuve, par plufieurs
envois' faits de la Louifiane , qu’une