bout ; que la queue eft, en quelque forte, double,
compofée de dix-huit longues plumes , que l’animal
relève à volonté, & dont l’épanouiffement,
lorfqu’il piaffe, forme les trois quarts d’un cercle ;
que fous ces longues plumes, il y en a de plus
courtes qui leur fervent comme de fupport & que
Foifeau ne relève jamais. Ainfi, le dindon ref-
femble au paon, par l’organifation de fa queue, &
au coq de roche, par la manière dont font terminées
les plumes qui couvrent le dos & le deffus des
ailes. Outre les parties que je viens de décrire, le
dindon mâle a , à la partie poftérieure de chaque
pied, un ergot très-gros, mais fort court. Tout le
monde fçait que le bec & les pieds font noirs
dans les jeunes dindons; mais les pieds rougiffent
à mefure que ces oifeaux avancent en âge ; ils blanchiment
dans l’extrême vieilleffe, & ces change-
mens font fur-tout marqués dans les mâles.
La femelle diffère en ce qu’elle eft plus petite,
qu’elle n’a ni ergot au pied, ni pinceau de crins au
bas du cou. La couleur ordinaire du plumage du
mâle & de la femelle eft un très-beau noir, plus
foncé & plus luftré fur le mâle. Mais il y a des
dindons tout blancs ; on les a même beaucoup multipliés
depuis quelques années, parce que leur
chair paffe pour être plus délicate. Le mélange des
dindons noirs & des blancs, a produit un grand
nombre de variétés, dont les plus rares font les
dindons d’un gris-cendré, & ceux à plumage tirant
fur le brun : il y en a de très-agréables par l’oppo-
fition d’un noir brillant fur un fond blanc , & par
les reflets cuivreux que la première de ces deux
couleurs a pris en s’altérant.
Le dindon pafle pour un animal ftupide & colère
; fon allure ordinaire eft lente & grave ; fon
extérieur a quelque chofe de mélancolique, & fon
maintien eft celui d’un animal craintif. Mais lorfque
quelqu’objet le frappe & l-’anime, il fe redreffe, il
hérifle fes plumes, il épanouit SC relève fa large
queue, il porte fon cou droit, il rejette fa tête en
arrière, il étend & abaifle fes ailes jufqu’à les faire
tramer à terre ; en même-temps les différens corps
mamillaires qui couvrent la tête &le cou,fe rem-
pliflent de fang, & deviennent d’un rouge-pourpre :
dans cette attitude, le dindon marche à pas lents &
mefurés , faifant entendre tantôt un glouffement
grave, tantôt un fon aigu ; au moment de ce dernier
cri, il fait quelques pas plus précipités en
avant, & il fait claquer fes ailes roidies qu’il froifle
contre terre. Il ne prend ce maintien que quand il
eft en amour ou en colère. On excite aifément
les mouvemens de cette dernière paflion, en lui
préfentant quelque corps coloré en rouge, ou en j
le provoquant par quelques geftes. L’air grave i
qu’il a alors, les mouvemens gênés & contraints
qu’il fe donne, en oppofition avec la colère violente
qu’il témoigne , & qui font fl peu propres à
la fatisfaire, joints au peu de valeur que nous
attachons aux fujets qui l’irritent, font les principales
caufes qui l’ont fait regarder comme un animal
fot & ftupide. Pacifique par lui-même, & n’ayant
d autre defaut qu’une colère ridicule, quand on
l’excite, avec un air de fierté, que fes avions démentent
, il eft, après le coq, l’oifeau le plus utile
de la baffe-cour, &. celui qui demande le plus de
foins pour propager fon el'pèce. Un dindon peut
fuffire à cinq à fix femelles ; s’il y a plufleurs mâles
ils fe battent ; mais leurs combats n’ont pas l’acharnement
de ceux des coqs ; aucun des combattans
ne demeure proprement vainqueur, & tous parviennent
au terme de leurs defirs, comme il eft
prouvé par le mélange des couleurs des différens
males qui fe retrouvent fur le plumage des jeunes
dindons : la femelle a befoin, pour devenir plus
féconde,d’être échauffée, & ori lui donne de temps
en temps, dans cette intention, du chenevis, du
farrafln ou de l’avoine : elle ne fait communément
quune ponte par an, quelquefois deux ; ce qui
arrive lorfque la première a eu lieu dès la fin de 1 hiver, & alors le mois d’août eft le temps de la
fécondé ; eHe ne pond guère au-delà de quinze
oeufs; ils font plus alongés que ceux de la poule,
d un blanc plus terne ■ & tachetés de quelques points
dun jaune-rougeâtre : la poule-dinde eft excellente
couveufe ; fon attachement pour fes oeufs
eft meme plus grand que celui de la poule commune
; elle fe laifferoit périr de befoin, fl on
n’avoit foin de la lever tous les jours une fois pour 1 obliger à prendre de la nourriture; elle ne fe
| laffe pas & ne fe rebute pas non plus comme la
poule ; foit defaut d’inftinâ, foit attachement pour
■ les oeufs, une poule-dinde fait fouvent deux couvées
de fuite ; car elle fe charge, comme la poule ,
des oeufs étrangers qu’on lui donne ; elle en a le
même foin, ainfl que des petits qui en naifient,
qu’elle prend des Tiens propres : la durée de l’incubation
eft de trente jdurs. Elle aime à cou»;
ver dans un lieu folitaire & écarté; & ce lieu,
pour lui plaire, doit être en même-temps fec & à
une bonne expofltion ; peut-être le deflr qu’elle a
de fe cacher pendant qu’elle couve, lui eft-il inf-
pire par un inftinél qui l’avertit du danger que
courroit fon nid s’il étoit découvert parle mâle ; il
ne manqueroit pas alors de le détruire & de caffer
les oeufs ; efjpèce de contradiâion dans les vues de
la nature, dont l’hiftoire des oifeaux fournit plufleurs
exemples, mais qui eft plus difficile à expliquer
dans le dindon, dont les deflrs ne paroiffent
pas très-véhémens : les poules de deux ans paflent
pour les meilleures couveufes.
Les. petits font fouvent trop foibles en naiffant
pour fe tirer eux-mêmes de la coquille, il faut les
aider, & cette opération demande autant d’adreffe
que d’attention ; car un mouvement brufque, une
preffion trop forte fuffifent pour faire périr les
jeunes dindons qu’on aide à fe tirer de la coque :
lorfqu’ils en font fortis, ils font très-foibles, &: le
feront encore long-temps après : le froid, l’humidité
, l’excès du chaud leur font nuiflbles. La pluie
les fait mourir, la rofée les morfond & l’ardeur
des rayons du foleil les tue prefque fubitement : on
les tient, par ces raifons, dans un lieu fec & d’une*
chaleur convenable ; on ne les laiffe pas d’abord
fortir, & on les accoutume enfuite à l’air, en les y
expolànt, par degrés, les jours oiî le temps eft le
plus ferein & aux heures les plus favorables. Au
iortir de la coque, on les. fortifie , en leur
foufflant un peu de vin &. en leur en faifant avaler
quelques gouttes mêlées avec de l’eau ; en même-
temps qu’on leur fait prendre cette boiffon alimen«
taire, on leur donne un peu de mie de pain émiétée
très-menue : vers le quatrième jour, on mêle à la
mie de pain du jaune d’oeuf durci; quelque temps.
apres on ajoute de l’ortie hachée : on fupprime les
cèufs au bout de douze ou quinze jours, & on les
remplace par du lait caillé, mêlé avec l’ortie hachée
ou du fon, ou par de la farine d’orge, de maïs ou
de farrafln , qu’on mêle également avec l’ortie ;
lorfque les jeunes dindons commencent à croître ,
il eit bon de leur donner des fruits coupés par
morceaux & quelques herbes potagères : ils font
fujets , comme les jeunes poulets, & encore davantage
, a la diarrhée ; on la prévient, en ne leur
donnant pour boiffon que de l’eau rouillée. Malgré
le choix quon met dans leur nourriture, malgré
la qualité itiptique de la boiffon qu’on leur donne ,
ils paroiffent fouvent languiffans ; le plus léger
froid les morfond, & on eft obligé de les réchauf-'
fer, foit en les enveloppant avec des linges chauf- :
fes, foit en leur foufflant fon haleine dans le bec. !
Cependant les foins de leur mère ne leur manquent !
pas plus , que ceux de la poule ne manquent à i
. les pouffins ; elle les conduit avec la même attention
; elle les rechauffe & les couve avec le même
empreffement : comme elle eft d’un naturel plus
polé & plus lente dans tous fes mouvemens, elle
«ft?moins fujette que la poule à bleffer fes petits ,
& il eft fouvent, par cette raifon, plus sûr de lui
confier, malgré la difproportion de fa taille, les
jeunes oifeaux qui font précieux.
Ce neft qu’à flx femaines que commencent à
paroître, fur latete & le cou des jeunes dindons,
; les mamelons charnus dont ces parties font chargées
dans, les dindons adultes ; c’eft un temps de
maladie pour eux : on dit alors qu’//* pouffent le
rouge, &. ce moment demande qu’on redouble j
d attention ; ils ont fur-tout befoin qu’on les échauffe
en mêlant du vin à leurs alimens, ou en leur don- •;
nant quelque nourriture qui rempliffe le même
but , comme le chenevis,, ou le farr^fin. Lorfque
la tète efl bien formée, c’eft-à-dire quejes mamelons !
qui doivent la couvrir , ainfl qu’une partie dù cou , ■
ont acquis le degré de rougeur qu’ils doivent avoir,
& q u e les p lum e s fo n t e n m êm e - tem p s to u te s d év
e lo p p é e s , les dan g e rs au x q u e ls les je u n e s dindons
é to ie n t e x p o fé s , fo n t à -p e u -p rè s paflési; m ais il en
p é r i t b e a u c o u p a v a n t c e tte ép o q u e : ils q u i tte n t alors
le u r m è re ,& . elle les a b a n d o n n e ; ces a n im a u x , fl d élic
a ts dans le u r j e u n e f fe , d e v ie n n e n t auifi ro b u fte s
q u ’ils o n t é té foibles ; ils a im e n t à c o u c h e r en p le in 1
air, & ne paroiffent fenfibles à aucune- des variations
auxquelles cet élément eft fujet.
Je n’ai expofé que très-fuccintement les foins
néceffaires pour l’éducation des dindons, & je n’ai
dit qu’un mot des maladies auxquelles ils font fujets;
mais on peut confulter, à cet égard, ce que j’ai expofé
relativement aux pouffins & à tous les oifeaux
de baffe-cour en général, dans l’article du coq ; &
d’ailleurs, ces objets d’économie ruftique, ne font
pas précifément de mon fujet. Je ne dois pas
omettre cependant, vu qu’on conduit les jeunes
dindons paître dans la campagne, que la grande
digitale à fleurs rouges eft un poifon pour eux ;
qu’elle leur caufe des vertiges, une forte d’ivreffe ,
des convulfions, &. que lorfque la dofe a été un peu
forte, ils finiffentpar mourir éthiques. Il eft donc
important de connoître cette plante, très-commune
dans les bois,& fur-tout dans les teireins fablonneux,
d’éviter de conduire les dindons dans les endroits
où il y en a , & de la détruire dans les lieux oîi
l’on a coutume de les mener paître. Il ne me
refte , pour achever le précis de leur hif-
toire, qu’à parler de leur origine : il eft bien reconnu
& très-prouvé qu’ils ont été apportés en
Europe de l’Amérique; que leur véritable patrie
eft. la portion feptentrionale de ce vafte continent.
Je n’entrerai point dans l’examen du fentimentde
quelques auteurs, qui ont cru le dindon originaire ,
ou de F Afrique, ou des Indes orientales. Il luffit
que les voyageurs nous aient appris qu’il n’y a en
Afrique & aux Indes que les dindons qu’on y a
tranfportés, qu’ils y réuffiffent même très-mal,
qu’on n’y en trouve point de fauvages, & qu’ils
font au contraire très-communs‘à la Caroline , à la
Virginie, au Canada, & dans ces contrées fi vaftes,
qui font arrofées par le cours du Miffiflipi.
L’exemple de cet oifeau, tranfporté de fi loin ,
devenu fl commun & fl utile, devroit être pour les
voyageurs un motif puiffant de faire à l’Europe de
pareils préfënsy l’occaflon de l’enrichir, en ce
genre , ne leur manqueroit pas, s’ils la cherchoient,
& f i cet objet leur paroiffoit digne de l’attention
qu’il mérite en effet.
Les dindons fauvages qui vivent en Amérique,
dans un pays plus convenable à leur efpèce , font
d’un noir plus foncé & beaucoup plus gros que
nos dindons domeftiques. Quelques voyageurs
aflurent qu’on en trouve qui pèfent jufqu’à foixante
livrés il paroît , en réunifiant les obfervations ,
que le poids ordinaire eft de trente & à quarante :
là domefticité ne paroît pas d’ailleurs avoir influé
fur les habitudes &. le naturel du dindon ; il eft
également lourd & peu rufé dans l’état de liberté.
Ces oifeaux vont par bandes nombreufes, fe perchent
en grande quantité fur un même arbre, & on
peut les tirer les uns après les autres, fans que la
vue de ceux qui tombent, faffent prendre la fuite à
ceux qui font menacés du même fort. Quelques
auteprs font mention d’une variété dans Fefpète du
dindon ; elle eft huppée, & la huppe eft quel