
bas du corcelet. Cette fente une fois faite, le corps commence 1 fe détacher
-du fourreau de chaque côté : il n y tient plus que par deux efpéces de charnières*
J’une à droite, l’autre à gauche : le chaperon s’ouvre de même, enforte que
le Papillon n’a que de très-légers efforts à faire pour en écarter les parties. Il
dégage enfuite fes pattes & fes antennes, & l’ouverture fe trouve fuffifante pour
qu’il puifTe fortir avec aifance. Le foureau feul relie en entier comme une
efpéce de gaine d’une feule pièce. Dans les Papillons de jour, & dans quelques-
uns de nuit (a) , toute l’enveloppe ou coque de la Chryfalide, au moment
où le Papillon va fortir, eft féche & caffante, enforte qu’en la preffantun tant
foit peu avec les doigts, elle fait un petit cliquetis femblable à celui de la
peau d’une châtaigne cuite fous la cendre. Ce cliquetis eft une preuve fenfible
quelle n’eft plus adhérante au Papillon, _& qu’il y a un vuide entre lui & la
coque, lequel ne peut être que l’effet d’une émanation des liqueurs quelle
contenoit, par la tranfpiration qui fe fait infenfiblement pendant tout le temps
que l’Infeâe y refte enfermé. Cette tranfpiration prouve -un mouvement interne ,
quoiqu’à l ’extérieur on n’en apperçoive aucun, du moins dans quelques efpéces
qui reftent long-temps dans cet état.
Au fortir de fa coque ou Chryfalide, le Papillon eft encore tout couvert dé
l ’humidité de fa prifon; fes ailes font mouillées & chiffonnées : tout fon corps
paroît plus gros qu’il ne fera par la fuite. I l refte pendant quelques inftans
Immobile, & pendant c e temps , l’air qui l’environne, le féche & l’affermit ;
fes ailes fe déployent & prennent de la confiftance : il les effaye & s’envole
auffitôt qu elles ont acquis la force néceffaire : mais fi quelque caufe s’oppofe
à l’extenfîon de fes ailes pendant qu’elles font encore humides, la féchereffe en
arrête le développement : elles reftent contrefaites, & le Papillon fe voit condamné
à périr faute de pouvoir en faire ufage. Il rend communément quelques
gouttes de liqueur par l’anus, ce qui, joint au defféchement de fon corps, le
fait paroître moins gros. Cette liqueur eft rougeâtre ; elle reffemble à des gouttes
de fang : on en voit fouvent le long des murs dans les Campagnes ; ils en font
quelquefois couverts, & la crédulité populaire les a fait regarder comme étant
{a) Il en fera fait mention dans des defcriptions particulières»
la fuite d’une pluie de fang. Pendant que les ailes fe développent & fe féchent
les Papillons, dont la trompe eft allongée fur l’enveloppe de la Chryfalide la
retirent : elle fe roule en ligne fpirale, & va fe loger dans la place qui lui
convient.
Auffitôt que le Papillon eft fuffifamment affermi, il prend fon effor, ôc voltige
de fleurs en fleurs. Il parcourt les vergers, les prairies, les plaines : l’inconftance
femble former fon caractère ; il n’eft plus occupé que de fa progéniture. Quelques
efpéces même ne paroiflent jouir de leur nouvelle vie que pour cette fin. II
en eft qui ne prennent point de nourriture ; ils femblent même totalement privés
des organes néceffaires pour s’alimenter: auffi périffent - ils en peu de jours
après avoir dépofé leurs oeufs. Le Ver à foie eft dans ce cas. Il n’a pas de trompe;
ou s’il en a une, elle eft lî courte qu’il ne peut en faire aucun ufage. Les Papillons
qui ont une trompe vivent plus long-temps. Ils tirent avec cet organe le miel
qui fe trouve dans les. calices des fleurs : il en eft même quelques-uns de ceux-
là qui paflënt l ’hiver dans des trous de murailles ou de quelques vieux arbres
où ils reftent engourdis, jufqu a ce que les' premières chaleurs du printemps
leur redonnent le mouvement & la vie.
L ’Amateur, a laide de la loupe ou du microfcope, trouve des fu jets d’admiration
& de plaifir, en examinant les richeffes des couleurs prodiguées fur le Papillon.
Le premier mouvement, même des plus indifférents, en l’appercevant, les porte
a s en faifir ; & cet Animal, bien loin de reflembler à ces objets qui n’ont de
beauté qu’autant qu’ils font vus à une certaine diftance, gagne à être rapproché
& détaillé. Ses ailes fur-tout qui à la première vue ne paroiflent qu’une foible
membrane chargée d’une pouffiere colorée, jettée comme au hafard ôc qui
s’attache aifément aux doigts, confidérées à la loupe, font voir un arrangement
très-régulier auffi beau qu’inimitable : ce n’eft plus une pouffiere qui les couvre,
ce font des écailles arrangées avec beaucoup de fimétrie qui fe recouvrent les
unes fur les autres, comme les ardoifes qui font fur nos maifons. Ses yeux,
qui au premier abord ne préfentent que deux petites portions de fphére d’uns
couleur allez commune, font des diamans taillés à facettes, dont tout l’art du
Lapidaire ne fçauroit donner aucune idée. Ces facettes font fi multipliées, qu’en
détachant la cornée de l’oeil d’un Papillon, nettoyant fes furjfaces intérieures