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à l ’arbre par leur f il, elles fe précipitent en le laiffant allonger, & fe fufpendent
en l’air. On voit fouvent, après quelque vent impétueux, beaucoup de Chenilles
fufpendues à leur f il, remonter aux arbres à des hauteurs confidérables : ce
qu’elles font en avalant leur f i l , qui vraifemblablement fe liquéfié de nouveau
-dans leur corps. Ce qu’il y a de plus furprenant dans la fabrique de ce f il, qui
.prend fur le champ allez de confiftance à l’air pour porter fans rompre, tout
le poids du corps de i’Infeûe, c’eft que la matière qui le produit, ne foit qu’un
-fluide qui s’écoule lorfqu’on écrafe une Chenille.
Plufieurs Chenilles font revêtues de poils ou de pointes allez folides, qui
les avertiffent à la moindre preffion de fe lailfer gliffer : fi le fil qui les porte
vient à rompre, comme il arrive fouvent, ces pointes ou épines dont elles font
hériffées, recevant le premier choc, empêchent quelles nefoient brifées dans
leurs chûtes.
Il en eft beaucoup dont le fond de couleur principale reffemble à celle des
feuillages, ou de 1 écorce des arbres qui leur fervent de nourriture & de foutien.
Cette couleur eft un de leurs meilleurs préfervatifs. Elles font moins apperçues par
les Oifeaux qui en font très-avides. Les Chenilles font , pour ainfi dire, le lait
.avec lequel ils nourrilfent leurs petits. Elles feraient prefque toutes dévorées
par ces Oifeaux, fans les rufes qu’elles employent pour leur échapper ou fe
cacher. Par exemple, il eft rare qu’on les apperçoive fur les feuilles qu’elles
-rongent, mais elles font communément deflbus. Souvent elles contrefont les
mortes pour amùfer l’ennemi ; elles le rendent négligent, & profitent d’un
moment de diffraction pour fe cacher.
I l eft à remarquer qu’on ne voit les Chenilles fe répandre fur les arbres, que
lorfque les Oifeaux commencent leur ponte, c’eft-à-dire, au mois d’A v r il, &
qu elles difparoiffent en Août ou Septembre, lorfque les petits font allez forts
pour fe palier d’elles, & aller chercher d’autre nourriture de toute efpéce dont
la terre eft alors couverte.
Les Chenilles doivent à leur étonnante multiplication, la confervation de leur
efpéce. Quelque quantité que les Oifeaux puiflënt en manger, il en eft encore
beaucoup qui leur échappent ^ & qui fuffifent pour les nouvelles poftérités qui
reparoilfent tous les ans.
Lorfque les Chenilles font parvenues à leur parfait accroiffement, elles ceffent
de manger, & prefque toutes tombent dans un état d’accablement & de langueur.
On les voit couchées fur le côté fans prefqu’aucun ligne de vie. Elles paroilfent
infenfibles & dégoûtées de tout. Si elles font quelque mouvement de. temps
en temps, ce ne font que ceux qui peuvent exprimer la douleur, dont elles
femblent marquer la violence, en frappant de leur queue le lit fur lequel elles
font étendues. A la fin, comme par un dernier effort, elles fortent de cette
léthargie pour travailler à leur derniere -retraite.
Les unes fe conftruifent des habitations allez folides pour les préferver de toute
infulce. D ’autres au contraire, & ce font les Epineufes, ne couvrent leur Chryfalide
que d’une feule membrane écailleufe : auffi font-elles fouvent la proie des Oifeaux,
des Léfards, des Grenouilles & des Mouches qu’on appelle Ichneumones. Ces
Mouches les piquent ordinairement aulfitôt après quelles fe font formées, &
qu’elles font encore tendres, pour y dépofer leurs oeufs. C ’eft pour cela qu’il eft
rare de trouver une douzaine de Papillons dans un canton où les Chenilles épineufes
abondoient. Si ces-Chenilles, qui n’ontrien à redouter, ni des Oifeaux, ni des autres
Jnfettes, n’étoient pas détruites dans leur état de Chryfalide, elles couvriroient en
peu de temps la face de la terre ; puifque i o ou 12 Papillons au plus, qui fe fau vent
tous les ans dans chaque canton, donnent l’année d’après une poftérité auftl
nombreufe que celle que l’on avoit vu les années précédentes;
Les Chenilles rafes au contraire, qui, comme nous l’avons dit, font en partie
détruites dans leur état de Chenille, n’ont rien à craindre dans celui de Chryfalide,
à caufe de la folidité des coques dans lefquelles elles fe renferment (a).
Parmi les Chryfalides qui relient à nud, il en eft qui fe fufpendent par la
queue, avec une adreffe étonnante, aux toits, aux premiers pieux, à la première
branche qu’elles rencontrent. Elles attachent pour cet effet plufieurs de leurs fils
à ces corps avancés ; & elles y engagent les deux pattes de derrière. Ainfi fulpen-
dues la tête en bas, mais un peu relevée, elles relient dans cet état pendant deux
ou trois jours avant de quitter la peau de Chenille : leur corps fe racourcit, & plus
il fe racourcit, & plus leur tête parôît s’en féparer; cependant elle tient toujours
Ça) Il en eft quelques-unes qui ne font pas de coques; mais c’eft une exception.