
ij D I S C O U R S P R É L I M I N A I R E
Cependant, quelqu’immenfe fit quelque prodigieufe que foit la variété fit
la multiplicité des Infeâes, elle offre à ceux qui cherchent à les connoître,
l’occupation la plus agréable fit fouvent la plus utile. Chaque variété, chaque
nouvelle découverte elt un plaifir toujours piquant, toujours intéreflant, qui
donne à la curiofité naturelle des fujets continuels de furprife fit d’admiration.
Si la petitefle de plufieurs femble autorifer le mépris que le premier coup d’oeil
înlpire, elle eft une raifon de plus d’admirer le méchanifme furprenant de leur
ftruâure, qui dans un fi petit efpace renferme, comme dans les plus grands
animaux, des vifceres, des vaifleaux, des liqueurs, des refforts enfin de toute
efpéce qui opèrent les mouvemens les plus furprenans, les- mieux combinés,
fit dans un dégré de perfeâion au-deflus de ce que l’art fit l’induftrie des Hommes
{ peuvent produire.
En effet, le charme de l’induftrie humaine dilparoît ; fes chefs-d’oeuvres,
quelques furprenans qu’ils foient, ne font plus que des travaux greffiers, fi on
les compare avec un fimple Infeâe, dont la petitefle échappe fouvent à la vue ;
qui v a , v o le , marche, attaque fa proie, combat ou évite fes ennemis, mange
fit fait toutes les fonâions animales; dont l’indullrie merveilleufe offre à nos
yeux des travaux admirables, fuggérés pour leurs feuls befoins ou la propagation
de leur efpéce, fit dont il eft impoflible même de fe former une jufte idée :
fi l’on fait attention fur-tout à cette éducation étonnante, qui met l’Infeâe
dès fa naiflance, en état de pourvoir à fes befoins comme à fa fureté : éducation
qu’il apporte avec lui : qu’il ne doit ni à l ’exemple, ni à l’imitation, puifque
la plûpart font néceflairement orphelins avant de naître, fit qu’il ne relie aucun
individu de leur efpéce qui puifle les inftruire : éducation confiante fit invariable
depuis la création, fie l’unique qui puifle convenir à leurs facultés comme à leur
conformation : fi l’on confidére enfin que cet Animalcule ne doit fon exiftence
actuelle qu’à la mort d’un pere fie d’une mere, dont la vie n’a été qu’un tiflii
de révolutions fie de métamorphofes, plus furprenantes encore que toutes celles
que nous offrent l’Hiftoire fie la Fable même : qui pourra alors n’être pas étonné !
L ’objet de cet Ouvrage étant de préfenter une defeription exafile des Infeâes,
avec leurs figures peintes au naturel ; nous croyons ne pouvoir le commencer
d une.maniéré plus utile, 6c en même-temps plus intéreflante pour nos Lecteurs,
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que- de leur donner dans ce Difcours, une idée générale des Infectes, qui
puifle. piquer leur curiofité, fit leur infpirer le defir de s’inftruire. Nous le
terminerons par un point de vue plus détaillé fur les Chenilles, les Chryfalides fit
les Papillons, qui font les efpéces dont nous allons nous occuper particulièrement.
L ’I n s e c t e en général eft, des habitâns de la terre, la partie la plus
confidérable par le nombre 6c la variété. Tout ce qui exifte ôc tout ce qui
refpire eft, en quelque façon, fournis à fon empire. La mer, les rivières, les
étangs, ôcc. en contiennent une fi prodigieufe quantité, que fouvent une feule
goutte-d’eau en renferme un fi grand nombre, qu’il feroit difficile de les compter.
La. furface de la terre, ôc même fon fe.in jufqu’à une certaine profondeur,
en font remplis , ainfi que l’air qui l’environne. Les bois, les champs, les
pays habités , comme les plus déferts, font peuplés par une infinité de ces
petits Animaux. Les plantes ,'les animaux, tant aquatiques que terreftres, l’Homme
enfin lui-même leur fervent d’afyle ôc de nourriture.
Leur variété n’eft pas moins étonnante. Il n’eft rien dans le régne animal
ou végétal, dans quelque lieu qu’il foit fîtué, qui n’ait un ou plufieurs Infeâes
parafites. Le microfcope a fait découvrir d’autres Infeâes fur le corps des Mites
mêmes, dont la petitefle échappe fouvent aux meilleures vues. Quelle idée
pourroit-on fe former des organes des fens de ces Animalcules, dont le corps
en entier eft à peine apperçu avec le microfcope? Il n’eft pas douteux cependant
qu’ils n’aient les organes néceflaires à la vie. Il eft très-probable qu ils ont des
yeux, puifqu’on ne connoît point d’Infeâes aveugles, 6c qu en général ils paroilfent
plus libéralement pourvus de ce fens, que les grands animaux. Ceux-ci nen
ont que deux, au lieu que les Infeâes en ont fouvent une grande quantité, 6c
de différentes figures : ils en ont pour voir de loin, 6c d’autres pour voir de
près. L ’orbe de l’oeil de ces petits Animaux étant d’une petitefle inconcevable,
ils ne pourroient voir les objets que de très-près, s’il n’étoit taillé a facettes,
qui font fur ces orbes des furfaces multipliées, un peu convexes. On les.doit
fuppofer telles : car fi ces furfaces étoient planes, elles ne pourroient pas réfléchir
les rayons vifuels qui émanent des objets, ôc qui viennent fe peindre en petit
fur là retine. Ces yeux, ainfi taillés à facettes, s appellent des yeux a refeaux,