
xxij
■ s’enveloppent, laquelle féchant peu à peu, prend la forme de la Chryfalide
•qu’elle renferme.
Beaucoup d’autres efpéces , fans avoir recours à la maçonnerie, ni à la
charpente, s’enveloppent d’une étoffe précieufe qu’elles tirent de leur propre
fubftance. Ce font toutes celles qui forment des Cocons avec leur foie. Quoique
c e travail foit long & pénible en apparence,, elles l’exécutent cependant avec
une ardeur & une complaifance toute particulière. Elles commencent par les
dehors : elles choififfent exprès une efpace qui les environne en partie, comme,
quelques petites branches d’arbres rapprochées, quelques angles ou trous de
murailles, ou même quelques feuilles d’arbres ou de plantes qu’elles ont
le talent de rouler ; elles les recourbent avec leurs fils, fuivant leurs
befoins.
Quelques gros fils, qui reffemblent à de la boure, jettés d’abord çà & là comme
par hafard, forment les premières attaches de l’édifice pour le tenir ferme, &
le confolider de toutes parts. Le peu de prétention qu’elles mettent dans ce
premier travail qui, à l’inlpeftion, le rendrait méprifable, paraît avoir le motif
de dérober leur demeure aux yeux de l’ennemi, ou du moins de former une
barrière hériffée & inacceffible au-dehors : cette boure, recroifée fans ordre,
forme infenfiblement un intérieur comme encloifonné de toute part, & qui ne
laiffeà l’Infefte que l’efpace néceffaire pour tapiffer avec des fils de foie, conduits
tantôt dans un fens tantôt dans un autre, toutes les parois du dedans. Lorfque
ces fils font affez multipliés pour former une épaiffeur qui fuffife, non-feulement
à dérober à la vue la Chenille, mais à l’entretenir chaudement ; du refte de
la glu qui jufques-là avoit fervi de matière au fil, elle fait une efpéce d’enduit
prefque général, pour fermer le paffage à l’air & au froid. Cette opération finie,
elle quitte enfin fa derniere peau, fe change en Chryfalide, & cette peau relie
en paquet comme un petit chiffon dans un coin de l’appartement.
Il eft bon d’obferver que, quoique la plupart fe changent en Chryfalide auffitôt
après que le Cocon eft filé, il en eft cependant quelques efpéces qui , après avoir
fini leurs Cocons, relient dedans dans leur état de Chenille, fans prendre
.aucune nourriture pendant huit à neuf mois : ce n’eft qu’après ce temps qu’elles
quittent leur derniere peau pour paffer dans l’état de Chryfalide, dans lequel elles
ne relient que pendant trois femaines environ, après quoi elles fe convertiffent
en Papillons.
Quelque pénible que puiffe être, pour un fi petit Animal, la conftruûion
du Cocon, il s’en occupe jour & nuit prefque fans relâche, & fou vent pendant
plulieurs jours de fuite. L ’intérieur de ce réduit eft femblable à l’intérieur d’un
neuf de pigeon, gros par un bout, & un peu pointu de 1 autre. C’eft du côté
de l’extrémité pointue qu’eft la tête de la Chryfalide, & c’eft par-là que le
Papillon doit fortir. Audi la Chenille a-t-elle toujours l’attention de difpolèr
fon travail de façon, que ce bout ne foit point en face de quelque corps, qui
pourrait gêner l’iffue au Papillon.
Plulieurs Chenilles ramaffent des brins de feuilles ou de bois ; elles les arrangent
au tour d’elles en forme de manchon, ou comme une couverture de chaume.
D ’autres forment avec leur glu & des brins d’écorce, des elpéces de tuiles
qu’elles attachent avec fimétrie : elles les difpofent de façon que l’eau n’y puiffe
féjourner. On en voit qui découpent une feuille dont elles fe font une elpéce
de jufte-au-corps, dont elles ferment l ’extrémité avec une pièce de rapport
cintrée exaâement fuivant le plan, & fi bien jointe qu’on ne peut fe figurer
qu’elle ne fait pas un tout avec le refte. Enfin il exifte une diverfité fi confidérable
de Cocons, ôt leur travail eft fi varié, que le détail en deviendroit ennuyeux,
fi on le pouffoit plus loin. Toutes les efpéces qui bâtiffent ont chacune leur
maniéré différente quelles ne changent jamais, & toutes le font avec cet arc
inimitable que l’éducation même la plus foignée ne donnera jamais.
Il n’eft aucun Cocon qui préfente une utilité plus réelle que celui du Ver
à foie. Tous les autres ne font compofés que d’une efpéce de boure dont,
jufqu’à préfent, on n’a pu faire aucun ufage.
Toute Chryfalide eft une efpéce d’oeuf qui contient l’embrion du Papillon
avec les liqueurs propres à le nourrir & à le perfeûionner. Il y refte jufqua ce
qu’il foit formé, & qu’une douce chaleur l’invite à fortir. Les uns n’y demeurent:
que quelques jours, d’autres des mois- ou des années entières, fuivant l’efpéce des
Chenilles qui les ont produits. On pourroit cependant faire éclore les Papillons
plutôt, par un certain dégré de chaleur qui accélérerait leur développement;
comme on pourroit au contraire les retarder en les mettant dans un lieu frais :