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Ces Vers font voraces & grofliffent en peu de temps. Plufieurs changent
de peau cinq à fix fois & fouvent de couleur à chaque fois. Ces chàngemens
d’habit s’annoncent comme une maladie : l’Infeête cefle alors de manger pendant
quelque temps ; il eft prefqu’immobile ; il paroît accablé & malade : il doit l’être
en effet, puifque plufieurs y perdent la vie. Quand il eft relié pendant quelque
temps dans cet état, la peau commence à fe fendre fur le dos, & un peu au-
deflfous de la tête : peu à peu l’Animal, en fe gonflant & fe retrecilfant tour à
tour, augmente cette fente ; fa tête fort la première, enfuite le ventre, & tout
le relie du corps fe fépare entièrement de fon ancienne peau. Une ferriblable
opération doit être un travail bien pénible à l'infecte ,_puifqu’en développant
cette peau, on fera aifément convaincu qu’elle contenoit exactement toutes les
parties de fon corps. Ce font-là les révolutions périodiques de fon premier
état.
Tous ceux qui fubiffent ces différents chàngemens d’habit fi laborieux, fe
dépouillent enfin pour la derniere fois, & prennent une forme tout-à-fait différente
de celle qu’ils avoient eu jufqu’alors. C ette fécondé forme qui eft leur moyen
état, s’appelle Chryfalide, Nymphe dorée, ou Fève. Ces trois noms expriment
la même chofe.
Le Ver ayant donc acquis toute fa groffeur, cefle abfolument de manger;
il s’enferme dans une efpéce d’étui qui varie fuivant chaque efpéce différente.
C ’efl-là que, fous une enveloppe qui préferve fon extrême délicateffe de toute
infulte, il tend à fon état le plus parfait, par une efpéce de nouvelle conception,
& une fécondé naiffance. Prefque tous, enfermés dans cet étui, comme dans
une efpéce de tombeau, paroiffent dans un état de mort (a) & fans aucun
mouvement (b) fenfible. C ’efl-là que l’Infeête prend-fa derniere forme fous
laquelle il doit paroître, pour multiplier fon efpéce par la génération.
( a ) Lorfque nous nous fervons ici des termes de mort, métamorphofes, Sec. nous les croyons les
plus propres pour peindre les chàngemens que fubiffent-ces petits Animaux, q ui, 'malgré cela, font
toujours les mêmes, depuis leur naiffance , jufqu’à l’âge parfait ; mais leurs différents développemens
extérieurs préfentent l’idée de ces métamorphofes qui ne varient jamais dans chaque efpéce.
(b) 11 en eft cependant quelques efpéces qui marchent & mangent dans l’ état de Chryfalide, comme
la Sauterelle ; mais ces efpéces ne font qu’ une légère exception à la régie générale.
Quand
Quand il eft dans cet état d’inaflion apparente, on le nomme, comme il
a été dit, Chryfalide, Aurelie ou Nymphe dorée ; parce que la pellicule plus
ou moins dure, dont il eft revêtu, prend peu à peu dans plufieurs, une
couleur plus vive & plus brillante. Les uns. y relient plufieurs femaines, d’autres
des mois, & même des années entières: après quoi ils rompent les barrières
de leur fépulture, dont ils fortent métamorphofés, & d’Infefftes rampans qu’ils
étoient, ils deviennent des InfeQes volans. C ’eft le dernier état de l’infecte qu’il
ne quitte plus qu’à la mort, & cet état eft le plus brillant de fa vie. Ce n’eft plus
ce ver hideux, qui infpiroit auparavant de la répugnance, & rampoit triftement :
il ne.refpire maintenant que la gaïeté & le plaifir: il s’y livre avec une telle
ardeur, qu’épuifé en peu de temps, il perd ordinairement le jour avant la naiffance
de fa pollérité.
M. le Boffu, dans fes nouveaux voyages aux Indes occidentales, rapporte
des métamorphofes bien plus furprenantes encore. Un Ver blanc, qui fe nourrit
dans les vieux arbres, & qu’il affure avoir vu, fe transforme en un arbriffeau
qui prend racine en terre, porte tiges, feuilles, & monte à la hauteur de plus
dun pied. Peut-être en eft - il une infinité d’autres, dont les chàngemens
font aufli extraordinaires. Ce qu’il y a de certain, c’eft que tout ce que
nous voyons dInfettes volans, paffe par les trois états que nous venons de
décrire ; & chacune de ces efpéces eft affujettieà des loix particulières dont elle
ne s’écarte jamais.
Quoique nous ne puiflïons pas toujours diftinguer la différence qui caraâérile
chaque efpéce d’Infeêle, elle n’en exifte pas moins. Il n’eft pas deux efpéces
femblables. Elles différent autant par leur conduite & leur caraêlere, que par
leur figure & lés chàngemens qu’elles éprouvent. Les individus même de chaque
efpéce, quoique revêtus d’une livrée qui les rend parfaitement reconnoiffables,
laiffent toujours appercevoir une différence fenfible,...s’ils font examinés de près.
Cette étonnante variété fe remarque dans tout ce qui exifte dans l’univers : une
feuille ne reffemble pas à une autre du même arbre ; un grain de fable n’eft pas
femblable à un autre, &c.
De tous ces Infeâes, il en eft beaucoup d’efpéces qui nous font de la plus
grande utilité. Le Ver à foie nous procure les étoffes les plus magnifiques, &
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