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36 P L A N T E S É Q U I N O X I A L E S ,
O B S E R V A T I O N S .
La plante que nous venons de décrire est bien positivement la même que celle
qui a été figurée par M. de la Cbndamine1, ainsi qu’il est prouvé par l’échantillon
qui a servi à faire sa description, et son dessin, qui sont déposés chez M. de Jussieu,
où* je les ai vus.
J’ai comparé les échantillons de notre plante, pris à Loxa, avec ceux envoyés du
Pérou par M. Joseph' de Jussieu, et avec celui de M. de la Condamine; ils appartiennent
tous à la même espèce, et sont remarquables par le petit enfoncement qui
s’observe sur les feuilles, dans l’aisselle de chaque nervure principale. C’est sur .cet
enfoncement, qui n’avoit pas été observé par M. de la Condamine, que nous établissons
le caractère spécifique de cette première espèce.
Le genre Cinchona a été établi, pour la première fois, par Linné, en 1742, dans la
seconde édition du Généra plantarum : on ne connoissoit encore que l’espè.ce de la
Condamine, qu’il désigna sous le nom d'qfficinalis. Depuis 1767, c’est-à-dire depuis
la douzième édition du Systema naturce, on a confondu successivement sous le même
nom quatre plantes: le Cinchona officinalis, Linn.*; le Cinchona macrocarpa, Vahl3;
le Cinchona pubescens du même auteur4; et enfin le Cinchona nitida de Don Hypo-
lito Ruiz et Don Josèph Pavon.5 Comme plusieurs espèces sont vraiment officinales
et peuvent être substituées l’une à l’autre , nous avons cru devoir supprimer pour la
première le mot vagup d’oflicinalis, et la désigner sous le nom de coridaminea, en
mémoire de celui qui le premier la fit connôître.
En 1738, M. Joseph de Jussieu examina à Loxa le Quinquina décrit et figuré par
M. de la Condamine ; il trouva de plus quelques nouvelles espèces, qui toutes sont
dans l’herbier de son neveu : c’est une d’elles que M. Vahl a publiée sous le nom de
Cinchona pubescens.6
En 1753, M. de Saütisteban découvrit, dans les environs dé Popayan, entre le village
de Guanacas et le Rio-Juananbu, une espèce de Quinquina. L e Docteur MutiS en
envoya un échantillon à Linné, en 1762, avec une description, et celui - ci lë. publia
dans la douzième édition du Systema naturce (page 164), sous le nom de Cinchona
officinales, croyant que c’étoit la même plante que cèlle décrite à Loxa par.M. de la
Condamine. Cette erreur s’est propagée, et on la voit, successivement, dans la treizième
édition par Mùrray, dans le Supplément de Linné fils, etc. Nous possédons un
échantillon de cette espèce, qui nous a été donné par M. Mutis liii-mêmë; nous en
avons d’autres que nous avons recueillis près de Popayan, où il ne croît que cette
1 Acta Paris., C o n d am . , 173 8 .
* Mat. med., Limn., pag. 66; Syst. nat., edit. 10, pag. 929 ; Spec., L im n . , edit. 2 , pag. 244.
3 V a h l , Act. Soc. hist, nat., Hafn. , 1 , pag. 20, t. 3 , exclusis Synonymiis; L a m b e r t , pag. 22, t. 3 ;
W il d . , Spec, plant., pag. 698, excl. Syn.
4 Cinchona officinalis, L in n . , Syst. nat., edit. 12, pag. 164; L in n . , Syst. veget., e d it..i3 , pag. -178;
Supplem., pag. 144; Cinchona pubescens, V a h l, Act. Soc. hist, nat., Hafn ., 1 , pag. 19 , !t. 2; V a h l ,
Symb. hot., pars 2 , pag. 37; Lamb., pag. 2 1 , t. 2; Wil d . , Spec, plant., pag. 958 ; Cinchona officinalis,
G a r t n e r , De fruct. et semim., t. 1 , pag. 169, t. 3 3 , f. 4.
5 Flor. Peruv. et Chil., t. 2, pag. 5o , t. 191; Cinchona officinalis, R»u 1 z , Quinol., art. 2 , pag. 5 6 .
6 In Act. Hann., 1 , pag. 19, t. 2 ; L a m b . , pag. 2 1 , t. ,2.
C I N C H O N A C O N D A M I N E A.
seule espèce de Cinchona. Nous les avons comparés avec ceux que M. de Jussieu a
reçus de son oncle : tous se rapportent au Cinchona pubescens.
Il résulte de là que la Synonymie donnée par Vahl lui-même, lorsqu’il cite le
macrocarpa pour être l’espèce publiée dans la douzième édition, dans la .treizième,
dans le Supplément, est fausse; puisque cette dernière est l’espèce qu’il nomme pubescens.*
En effet, si on compare la description, donnée par le Doéteur Mutis avec le
pubescens et-le macrocarpa, on voit qu’elle convient à là première de ces plantes
et nullement à la seconde.
Le Cinchona macrocarpa de Vahl1 a une Synonymie assez nombreuse. Mutis est
le premier qui lç publia, sous le nom de Cinchona ovalifolia, dans les Périodiques
de Santa-Fé.^ Ruiz et Pavon, dans le tome second de la Flore du Pérou et du Chili
(pàge 54, fig ure C X C V I I I ) , lui ont donné le nom de Cinchorîa grandiflora p et
dans le troisième volume, ils en font un genre nouveau.* s.ous le nom de Cosmibuena.%
Le Docteur Mutis nous a assuré n’avoir jamais envoyé cette plante à Linné : ce qui
prouve encore que ce ne peut être celle-là que l’auteur suédois a publiée, pour la
première fois, dans la douzième édition, de son Species, sous le nom d! officinalis;
mais bien que c’est le pubescens, qui est la seule espèce que M. Mutis lui ait envoyée..
Don Hypolito Ruiz avoit dit, dans sa Quinologie, que l’espècë qu’il nomme nitida
dans la Flore du Péroü étoit la même plante que celle de la Condamine, et lui avoit
donné le'nom dojflcinalis. Relevant lui-même cette erreur, à la page 6 de son Supplément,
il en commet une autre, en croyant que l’espèce de Quina la plus estimée
à Loxa n’ést pas la plante, figurée par le célèbre académicien françois. Par ce que j’ai
dit plus haut il est bien prouvé que M. de la Condamine a décrit la première espèce
connue , celle dont on fait le plus de cas dans le commerce et que l’on connoît généralement
dans le pays sous le nom de' Cascarilla fina.'
Le Docteur Mutis, dès son arrivée-en Amérique en 1760, y chercha des arbres
de quinquina'; en 1772, il en trouva pour là première fois dans les montagnes de
Tena, et l’année suivante il en vit de nouveau dans les forêts épaisses de la ville de
Hunda, sur les bords' de la rivière, de la Madeleine : il découvrit successivement plusieurs
espèces, dont l’Institut et -le Muséum possèdent les magnifiques dessins, remis
par M. dè Humboldt de -la part de M. Mutis.
Don Francisco Renjifo trouva des arbres de quinquina au Pérou, en 17,76, près
de Huanuco. En 1779, Don Hypolito Ruiz et Don Joseph Pavon en examinèrent et
découvrirent un grand nombre d’espèces nouvelles, qu’ils ont publiées dans les tomes
I I et I I I de la Flore du Pérou. Don Juan Tafalla, botaniste distingué et élève de
MM. Ruiz et Pavon, leur remet tous les. ans des (.plantes, parmi lesquelles on compte
déjà plusieurs espèces nouvelles de Cinchona. Lorsque nous vîmes M. Tafalla, à
Guayaquil, il y a deux ans, il se disposoit à aller examiner les quinquinas de Cuenca
et de Loxa. Il seroit à désirer qu’il prolongeât ses excursions dans toute la Cordil-
lière jusqu’à Santa-Fé ; il réuniroit dans ce voyage toutes les espècés connues de ce
genre, et pourroit éclairçir .les Synonymies que M. Zea3 a données dès Cinchona du
Pérou,- et celles données par MM. Ruiz et Pavon de ceux de Santa-Fé. Nous possé-
1 V a h l , Act. Soc. hisl. nat., Hafn., 1 x pag.
V i ld . , Spec. plant., pag. 598, excl. Syn.
* Cosmibuena obtusifolia, t. 3 , pag. 3 , icoi
3 Directeur du jardin botanique de- Madrid.
0, t. 3 , exclusis Synonymiis ; L a m