et qui doit être cultivée dans tous les climats chauds d’Amérique avec' autant de soin
qu’on cultive ici les noyers et les amandiers. Les fruits qu’il porte sont très-nombreux,
et contiennent chacun quinze à vingt grosses amandes bonnes à manger et d’un goût
exquis, surtout quand elles sont fraîches. Nous avons été très-heureux, M. de Humholdt
et moi, de trouver de ces amandes dans notre voyage sur l’Orénoque. Il y avoit trois
mois que nous ne vivions que de mauvais chocolat, de riz cuit dans l’eau, toujours
sans beurre et souvent sans sel, lorsque nous nous procurâmes une grande quantité
de fruits frais du Bertholletia. C’étoit dans le courant de juin, les Indiens venoient
d’en faire la récolte.
Les Portugais du Para font depuis long-temps un très-grand commerce avec les fruits
de ce nouveau genre; ils en portent des cargaisons à la Guiane françoise, en envoient
à Lishonne et en Angleterre. Il sera facile d’expliquer, d’après les renseignemeris ci-
après, et que M. Correa a bien voulu me communiquer, comment les Brasiliens peuvent
exporter une si grande quantité de fruits du Bertholletia. En 1768, après le
traité de paix et d’alliance que le Portugal conclut avec l’empereur de Maroc, les
familles portugaises de l’établissement de Mazagan, place dont on fit présent à ce
souverain, furent transportées au Macapà, situé au nord des Amazones, où les forêts
abondent en Bertholletia et en Lecythis, pour faire de l’huile de leurs amandes, qui est
un grand article de consommation dans le Brésil.
Un corsaire françois a capturé, il y a plusieurs mois, un bâtiment anglois chargé
des fruits du Bertholletia. Cette prise étant entrée à Rouen, un négociant, dont j’ignore
le nom, a acheté la cargaison et en a fait faire de l’huile très-bonne à brûler, et préférable,
à ce qu’il paroît, à celle que nous tirons dé nos fruits d’Europe. II m’a: été
impossible de pouvoir m’assurer de la quantité d’huile que l’on peut extraire d’une
quantité donnée d’amandes; mais il est probable que l’avantage est très-grand, puisque
de suite ce négociant a écrit à Paris pour savoir le nom botanique des châtaignes du
Brésil et le pays qui les fournit, dans l’intention de s’en procurer une plus grande
quantité.
H seroit facile et peu coûteux aux Espagnols habitant les bords de l’Orénoque et
toute la province de la Nouvelle-Andalousie, de multiplier un arbre dont l’utilité est
si marquée. Le meilleur moyen, à mon avis, seroit d’envoyer quelques hommes
intelligens et de bonne volonté, dans les lieux même où croit naturellement cet arbre;
là ils ramasseroient des milliers de graines dont la germination seroit déjà commencée,
et les mettroient en pépinière6 dans des caisses remplies de la même terre où elles
ont commencé à végéter. L e transport seroit facile, et n’offre aucun inconvénient;
il se feroit sur des trains en forme de radeau, qu’il faudroit avoir la précaution- de
couvrir avec des feuilles de Palmier, afin de préserver les jeunes plantes des rayons
brûlans du soleil. Les naturels, adroits à'naviguer sur l’Orénoque et accoutumés à
conduire des trains, seroient les pilotes ; ils sont assez intelbgens pour qu’on puisse
6 Nous avons transporté ainsi plusieurs plantes depuis les cataractes de l’Orénoque jusqu’il San Thomas de la
Guayana, qui ont parfaitement réussi : tel est, par exemple, le Conmarouna odora figuré à la pl. 296 d’Aublet,
dont nous avons laissé un grand nombre de pieds dans l’habitation de Don Fr. Farreras. Nous savons bien positivement
que deux causes font perdre aux graines leur faculté végétative, pèu de temps après leur parfaite maturité : l’une, c’est
la nature du périsperme corné, qui se trouve surtout dans la plupart des Palmiers et les Coffeacées; l’autre, l’abondance
excessive d’huile qui les fait rancir très-promptement. Je pense qu’il ,y a une infinité d’autres causes qui se manifestent
plus particulièrement sur les grosses graines, et qn’on ne peut faire germer celles-ci qu’en les semant déjà
germées sous l’arbre même qui les produit.
leur en Confier le soin, et connoissent d’ailleurs H p f utilité de Cette plante,
car ils font tous les ans des voyages très-longs pour s’en procurer les fruits. Les
Missionnaires et les Indiens qui habitent les bords de l’Orénoque et des rivières voisines,
recevroient chacun une quantité de jeûnes Bertholletia, qu’ils cultiveraient sans
doute avec autant de soins que la canne à suefe, le Bananier, fAuànâs et le Manyot,
a ou ils tirent leur principale nourriture.
E X P L IC A T IO N D E S F IG U R E S .
P l a n c h e X X X V I . Fig.-i , une feu ille entière.
Fig. 2, fruit entier.
Fig. 5, idem, dont on a entoilé ta moitié supérieure, pont faire -voir la disposition des
graines. r
Fig- 4 > graine entière.
* * S * trdhsvè'rSalëment, pour faire -voir les trois noise gui se trouvent
correspondant aux -angles.
Fig. 6 , une amande.
Fig. -J, colentté serrant t e pàînt ¿finsertion au x graines.