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toises) au-dessus du niveau de la mer, et occupe une zone de douze cents mètres
(600 toises) de largeur. Nous l’avons' observé abondamment jusqu’à deux mille huit
cent vingt - cinq mètres ( 145o toises ), ce qui est presque dix - neuf cent cinquante
mètres ( 1000 toises ) plus haut que ne se trouvent les végétaux de cette famille. Il
nest donc plus éloigné que de huit cents mètres (4oo toises) de cette région à laquelle
le sol se couvre quelquefois de neige sous les tropiques. Nous en avons même trouvé
des individus jusqu’à 17° du thermomètre centigrade, et le terme moyen de la température
de l’air dans lequel il végète paroît être tout au plus, de 19 - 20°; Ge qui
est 170 de moins que la température sous l’influence de laquelle croissent les autres
palmiers.
Il paroît donc que ce végétal précieux pourroit croître dans la partie la plus australe
de l’Europe, où le thermomètre descend rarement à la glace, et*où les dattiers
viennent abondamment.
Comme le,myristica, en Asie, le caryocar amygdaliferum et le dionoea miiscipula,
en Amérique, n’occupent qu’une petite partie du globe, de même la nature ne paroît
avoir destiné à cette plante qu’un terrain de quinze ou vingt lieues. Nous avons parcouru
la Cordillière des Andes pendant trois ans, et nous n’avons pas trouvé un seul
pied de ce palmier dans l’hémisphère austral, quoique nous ayons dirigé nos recherches
sur des endroits également élevés : aussi les Indiens ne le commissent-ils qu’auprès
de Guaduas1 et dans la montagne de Quindiu, entre les quatrième 'et cinquième degrés
de latitude boréale, quoique son port et son utilité le rendent intéressant aux
yeux même du vulgaire.
M. Humboldt a dessiné cette plante sur les ‘lieux; mais le format de son dessin
étant plus petit que celui des fascicules que nous allons publier sous le nom de Plantes
équinoxiales, nous avons été obligés d’en donner un dessin plus grand : c’est celui que
je présente ici. Il est exécuté par M. Turpin, qui joint au talent d’un habile artiste des
connoissançes distinguées en botanique.
Ce palmier porte sur le même pied des régimes très-rameux, longs de dix à- douze
décimètres, chargés de fleurs femelles; et d’autres, de même dimension, portant des
fleurs maies a-leur partie inférieure, et à leur partie supérieure des fleurs hermaphrodites,
qui avortent constamment. Chaque régime a une spathe allongée, terminée en
pointe, et dune seule pièce. Celle qui renferme les fleurs mâles réunies aux hermaphrodites,
ne se détache que très - long - temps après la fécondation, et elle a une
plus grande dimension que l’autre, qui ne tarde pas à tomber lors du développement
des fruits.
Les fleurs mâles, de même que les hermaphrodites, ont un calice double : l’extérieur,
dune seule pièce, est divisé jusqu’au milieu en trois parties égales; l’intérieur,
six fois plus grand, est composé de trois folioles aiguës, alternant avec les divisions
du calice extérieur. Les étamines, assez constamment au nombre de douze (rarement
treize ou qiiatorze), sont attachées par des filets courts à un épaississement charnu
du fond du calice intérieur; les étamines alternent avec ces mêmes divisions, étant un
peu plus longues que les autres. Les anthères, linéaires et divisées à leur base, s’ouvrent
latéralement en deux loges et répandent une poussière d’un beau jaune doré.
Il s’élève du centre des fleurs hermaphrodites un ovaire dont les fleurs mâles n’offrent
pas le moindre vestige : cet ovaire est terminé par trois stigmates aigus, légèrement
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écartés les uns des autres. Sans doute il y a trois loges correspondantes au nombre des
stigmates ; mais il devient un drupe à une seule loge, de forme sphérique, dont le diamètre
n’excède pas treize millimètres (un demi-pouce). Ce drupe prend une couleur
violette en mûrissant; alors le brou a acquis une saveur légèrement sucrée, qui le fait
rechercher, des oiseaux et des écureuils. L ’amande, qui est fort dure, a la transparence
de la corne; l'embryon s’y voit dans une petite cavité, située à la partie inférieure et
latérale. Chaque amande a deux enveloppes : l’une, extérieure, de couleur de rouille,
veinée, épaisse, friable, et se séparant d’elle-même; l’autre, très-min ce, de couleur
pâle de cannelle, adhère fortement à l'amande.
Les principaux caractères qui constituent ce nouveau genre, sont une spathe d’une
seule pièce, des régimes portant des fleurs femelles, d’autres des fleurs mâles avec des
fleurs hermaphrodites, tous sur le même pied. Les fleurs mâles ont assez constamment
douze étamines, de même que les fleurs hermaphrodites, dont l’ovaire avorte toujours.
Celui des fleurs femelles, surmonté de trois styles, devient un drupe à une seule loge,
renfermant une amande..
Le genre avec lequel il a le plus de rapport est Xiriartea, décrit à la page 149 du
Prodrome de la Flore du Pérou> et figuré à la table 32 : mais il en diffère essentiellement,
i.° par ses fleurs polygames, tandis que dans l’iriartéa elles sont monoïques;
2.0 par la spathe d’une seule pièce, celle de l’iriartéa étant divisée; 3.° enfin, par ses
trois stigmates, liriartéa n’en ayant qu’un seul, qui se remarque comme un point fort
petit sur le,sommet de l’ovaire.
Parmi les nombreuses espèces de palmier que nous avons observées pendant cinq
années de séjour en Amérique, aucune n’est assurément plus élevée que le céroxylon
andicola. Il porte sa cime à la hauteur de cinquante-huit mètres ( 160-180 pieds), a y a n t
des feuilles de six à sept mètres de long ; c’est par conséquent un des végétaux les plus
élevés, qu’on, commisse. Pline rapporte qu’une poutre de larix, de cent vingt pieds de
long, servoit à l’amphithéâtre de Néron; et M. Labillardière parle, dans son Voyage
a. la recherche de Lapeyrouse, d’énormes eucalyptus, qu’il a observés aù cap de
Diemen ; mais les plus élevés atteignoient à peine cent cinquante pieds, de sorte que
notre palmier les dépasse d’environ dix mètres.
Il tient à la terre par des racines fibreuses, très-multipliées, la racine pivotante étant
plus grosse que le corps même du palmier. Le tronc, renflé par son milieu, s’élève
droit, son diamètre moyen étant à peu près de quatre décimètres. Dans toute sa longueur
il montre des anneaux résultant de la chute des feuilles ; et les espaces compris
entre eux, de couleur jaune et lisses comme des roseaux, sont recouverts d’un mélange
de résine et de cire, qui forme une couche de cinq à six millimètres d’épaisseur. C’est ce
mélange que les habitans regardent comme de la cire pure, et qu’ils fondent avec un tiers
de .suif pour faire des cierges et des bougies, dont l’usage est aussi agréable que varié.
M. Vauquelin, à qui nous avons remis un petit flacon de ce produit, a bien voulu,
en .faire l’analyse. .11 résulte de .ses expériences que ce produit inflammable consiste à
peu- près en deux tiers d e . résine et un tiers d’une substance qui se précipite elle-
même de l’alcool et a toutes les propriétés chimiques de la cire. Cependant je dois
observer, qu’elle est plus cassante que la cire des abeilles. Le travail de ce grand chimiste
sera inséré bientôt dans les Annales du Muséum. .
Les feuilles, dont le nombre n’excède jamais dix, sont pinnées; les pétioles affectent
une.forme triangulaire, et donnent de chaque côté de leur base des filamens longs de
dix à douze décimètres : les folioles, coriaces; nombreuses et constamment fendues en