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deux à leur extrémité, se trouvent toujours pliées en dessous, suivant toute leur longueur
: la face inférieure et les pétioles sont recouverts par une substance blanchâtre, •
pulvérulente, qui se lève par écailles et leur donne une belle couleur argentée : la
face supérieure est glabre et d’un beau vert.
La cire n’est pas un produit nouveau des végétaux ; les fruits du mirica cerifera en
sont couverts, et cette production est employée utilement dans une grande partie de
l’Amérique espagnole, comme à Monpox dans la rivière de la Madeleine, à Santa-Fé-
de-Bogota, à Popayan et dans plusieurs- autres endroits. Le palmier que je présente
ici produit cette matière en beaucoup plus grande abondance. Pourquoi ne fixeroit-il
pas l’attention ? Ce n’est pas d’ailleurs le seul avantage qu’on en pourroit tirer ; la hauteur
de son tronc le rendroit préférable à celui des autres palmiers, qui sont principalement
employés à faire des canaux, des aqueducs, etc. Son bois très-dur mériteroit
aussi la préférence dans la construction des maisons : ses feuilles ne seroient pas moins
utiles que celles du cocos' butyracea, dont les Indiens de lOrénoque construisent
toutes leurs chaumières : enfin les filamens qui partent du bas des pétioles pourroient
avoir le même usage que ceux de l’areng à sucre des Moluques, et que ceux que fournit
le palmier chiqui chiqui des Espagnols, qui croît abondamment dans le haut Orénoque,
la rivière Noire, celle des Amazones, et dans presque tout le Para.
M. Proust a annoncé que la poussière blanchâtre et imperceptible a lceil qui donne
aux prunes cette couleur si agréable, étoit de la cire ; il paroît que la poussière qui
donne aux feuilles de nos oeillets la couleur glauque en est aussi ; et sans doute on la
trouvera plus répandue dans le règne végétal,' à mesure que la chimie, qui recule les
bornes de toutes les sciences, y portera son flambeau.
Si c’est un phénomène frappant de trouver un palmier qui croisse a la hauteur du
canigou, il est bien plus frappant encore de le voir transsuder un mélange de cire
et de résine. Cette substance éminemment inflammable, qui couvre toute la plante
comme d’un vernis p o li, est le produit d’un suc végétal qui paroît tout aussi insipide
et aqueux que celui que l’on exprime du- bois du cocotier. Mais 1 action vitale,
ce jeu d'affinités chimiques dont nous ne connoissons que l’effet, fait naître -dans. un
même végétal les productions les plus hétérogènes.
Dans quelques palmiers les sucs élaborés se portent vers les fruits, qui donnent du
sucre et des émulsions semblables au lait d’amandes : dans d’autres, comme dans -le
pirijao de l’Orénoque, les fruits sont enchâssés dans une matière farineuse, semblable
à celle que donnent le jatropha manïhoc, le solarium tuberosum et d’autres plantes
à racines tubéreuses : d’autres encore, tels que le cocotier, et surtout le cocos butyracea,
fournissent de l’huile en abondance, et deviennent par là un objet intéressant
de spéculation commerciale. Le mauritia, sur lequel les Indiens Guaraunos se réfugient,
en pratiquant des échafaudages pour communiquer d’une sommité à 1 autre lors
de l’inondation de l’O rénoque, porte dans son tronc une fécule qui nourrit aussi bien
que le sagou du cycas de l’Asie et du sagus genuina des Moluques. Nombre d’autres
palmiers enfin présentent un suc abondant en sucre, et par là très-propre à la fermentation
vineuse; mais ce sucre n’y existe en abondance qu’au moment où le régime des
fleurs se forme, comme si la nature employoit dans la formation des fleurs, et surtout
du pollen, ce qui rend le suc si facile à fermenter.
Dans le palmier que je viens de décrire, toute la masse acidifiable se porte au
dehors du tronc, et la cire semble tenir lieu d’épiderme. Il est intéressant d’observer
que les anneaux formés par la chute des feuilles ne transsudent-pas cette-.matière
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inflammable : ce sont de vraies cicatrices, dans lesquelles l’organisation est détruite, et
dont le carbon, séparé de l’hydrogène par le contact de l’oxigène atmosphérique, est
mis à découvert Ainsi la nature produit dans une famille de végétaux, et dans des
organes dont la structure paroît très-uniforme, les mélanges les plus hétérogènes, tant
elle se plaît à varier les combinaisons des élémens et les jeux mystérieux de leurs
affinités.
*
Nota. M. Correa m’a communiqué une lettre tirée de la correspondance de M. de
Jussieu, dans laquelle il est parlé d’un palmier du Brésil dont on tire de la cire des
feuilles. Ce palmier, connu dans le pays sous le nom de camauba, donne des feuilles
palmées.