„ P R É F A C E ,
ment du Grand-Para. Nous avons cherché à diriger nos
excursions vers les régions qui ont été les moins visitées
par les Européens. Quelle moisson de'plantes précieuses
ne nous ont pas offerte, d’un côté la chaîne calcaire de
la Nouvelle - Andalousie § les vallées de Cumanacoa, le
Cocollar et les environs du couvent de Caripé,, et de
l’autre, les plaines immenses qui séparent des terrains
cultivés des côtes les forêts épaisses de la Guiane ! Que
d’espèces et de genres nouvëaux n’avons-nous pas trouvés
dans cette navigation pénible exécutée sur l’Orénoque, le
Cassiquiaré, le Rio-Negro et les petites rivières deTemi,
Tuamini et Atabapo ! Dans les. plaines de Carichana,
dans les environs des cataractes d’Aturès et de Maypuré,
sur la pente de la montagne granitique de Duida, située
vers les sources de l’Orénoque ; dans ces régions arrosées
par des pluies continuelles', le sol'est couvert dune
multitude de, végétaux inconnus ; les .travaux de plusieurs
siècles ne suffiroient pas pour en fixer le nombre
et les caractères. M. Mutis a examiné, long-temps avant
nous, les forêts de Turbaco, les belles rives de la Madeleine
et les environs de Mariquita ; mais ce grand botaniste,
dont les bontés nous imposent une reconnoissance éternelle
, n’a pas pu pénétrer par les Andes de Quindiu
dans les provinces de Popayan et de Pasto. C’est dans
ces régions, sur les bords du Cauca et sur le haut plateau
qui s’étend d’Almaguer jusqu’à la ville d’Ibarra, que
nous avons recueilli des végétaux précieux. Une année
de séjour dans le. royaume de Quito nous a procuré
les plantes qui se trouvent sur les cimes les plus élevées
de notre globe. Joseph de Jussieu est le seul voyageur
qui ait été avant nous à Loxa; mais la postérité n’a pu
jouir que d’une très-petite partie de ses travaux. Au Pérou
nous avons examiné de nouveau un grand nombre de
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végétaux que le public doit aux découvertes de MM. Ruiz
et Pavon ; mais ces botanistes zélés n’ont pas poussé à l’est
de la Cordillière des Andes jusqu’à la province de Jaen de
Bracamorros," où , entre le Chinchipé et l’Amazone, la nature
a étalé toutes ses richesses végétales. Le royaume du
Mexique vient d’être examiné aussi par des savans distingués
¡par leurs connoissances autant que par le zèle avec
lequel ils se sont livrés^ à leurs recherches. MM. Cervantes,
Sessé et Mocinô nous feront connoître sous peu la flore
de ¡ce pays.; mais sur un terrain aussi immense la nature
est pour ainsi dire inépuisable , et nous possédons sans
doute plusieurs végétaux mexicains qui ont échappé à la
sagacité de ces botanistes. -
De grandes difficultés se sont présentées à nous pour
le transport de nos collections dans des voyages de terre
de plusieurs milliers de lieues : ces difficultés, faciles à
vaincre pour des expéditions I faites aux frais d’un gouvernement,
deviennent presque insurmontables pour des
particuliers. Le hasard cependant a si bien secondé nos
entreprises, que nous n’avons fait qu’une seule perte bien
considérable. Pour que le public pût jouir du fruit de
nos travaux, même dans le cas où nous aurions péri dans
ces régions incultes, j’avois résolu de partager nos plantes
en trois collections, dont nous garderions l’une avec
nous, tandis que nous ferions passer les deux autres en
Europe par la voie de l’Angleterre et de la France : c’est
une de ces dernières que nous avons perdue dans le
naufrage que le vaisseau qui les portoit fit sur les côtes
d’Afrique.
Le nombre des plantes équinoxiales que nous avons
recueillies dans les deux hémisphères monte au-delà de
six mille deux cents espècés. Les botanistes célèbres qui ont
examiné nos herbiers ont ¡¡été surpris du grand nombre de