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femelle ( fig. 20 ) sont également terminées en fer de lance , mais ses
dernières barbules sont blanches , ce qui contribue beaucoup à diminuer
l’éclat de la gorge de cet oiseau.
Toutes les plumes métalliques des Oiseaux-mouches ne brillent pas d’un
éclat aussi radieux que celles dont nous venons de parler ; les barbes des
plumes du dos de ces oiseaux (fig. 21 ) ne sont pas creusées en gouttière,
elles sont plates et terminées en pointe , leurs barbules sont noires à leur
base et à leur extrémité, le milieu seul est coloré ; ce qui fait que ces
barbes ont de chaque côté de leur tige une ligne longitudinale dorée : aussi
les plumés du dos et du ventre de ces oiseaux sont-elles d’autant moins
brillantes que ces lignés sont plus étroites.
De tout ce qui vient d’être dit, il résulte que les plumes métalliques
doivent leur brillant à leur densité I au poli de leur surface et à ce grand
nombre de petits miroirs concaves qu’on remarque sur leurs barbules; que
les plumes très-brillantes des Oiseaux-mouches ne différent des autres
plumes dorées, qu’en cé que leurs barbes sont creusées longitudinalement
en gouttière , et produisent un effet semblable à celui d’un réverbere-m
De si beaux oiseaux n’ont pu manquer de devenir des objets de notre
admiration. Les Sauvages lestaient et s’en font des pendans d’orêilles 1 et
les Européens lés recherchent comme objets de curiosité. On les chasse a
l a l l R l les prend à la glu, ou on les abat avec de l’eau lancee
contre eux au moyen d’une seringue.
Mais la Nature, en comblant ces petits animaux de tous ses dons, ne les
a pas soustraits à la loi qui condamne les foibles à servir de pâture aux plus
forts; l e s Oiseaux-mouches sont la proie d’une énorme araignee noire ,
qui habite les mêmes contrées que ces jolis oiseaux.
L ’Araignée aviculaire, Aranea avicularia, Linn. (pl. dernière ) , construit
un grand nid en forme de conque, sur les arbres, entre autres le
Gayave; elle s’y tient à l’affut des insectes : ce hideux animal enlève les
petits des Colibris et des Oiseaux-mouches , et les emporte dans ses
énormes pinces, pour les sucer à son aise. La force de cette araignee ne
permet pas de douter qu’elle n’emporte aussi les adultes ^lorsqu’elle peut
les saisir, et qu’elle ne les dévore aussi bien que leurs petits.
Cette Araignée est toujours en guerre avec une espèce de Fourmi, qu on
appelle Grosse-tête; elle est souvent dévorée elle-même par ces insectes,
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qui se jettent sur elle en si grand nombre, qu’ils finissent par la mettre en
pièces.'
Les Nomenclateurs ont décrit un grand nombre d’espèces d’oiseaux de
ce genre; mais ce nombre doit' etre beaucoup réduit -, parce que, comme
je l’ai dit, ces petits animaux changent de plumage. Dans le jeune âge, la
plupart n’ont pas ces. belles plumes dorées qui les parent lorsqu’ils sont
adultes. Le Rubis-topaze, par exemple, est brun sur la tête et sur le dos,
blanc s o u s la gorge quand il est jeune; mais vieux, sa tête a l’éclat du rubis,
et sa gorge celui de la topaze. Il en est qui ont été décrits plusieurs fois;
sous des noms différens : tel est le Grenat, que Buffon et l’éditeur de Linné
Gmelin ont donné, d’après Edwards , sous le nom de Colibri à gorge de
carmin;il est vrai que les teintes delà figure d’Edwards sont plus vives et
plus claires que celles du Grenat : mais qu’on lise la description de cet
Auteur, on reconnoîtra bientôt que c’est une faute de l’Enlumineur, et
que c’est bien le Grenat qu’Edwards a décrit. On a même donné le nom
de Colibri à des oiseaux de genres différens : tel est le Brin bleu , tiré de
l’ouvrage de Séba, qui paroît être un Sucrier, ou peut-être un Guêpier ;
car cette figure de Séba est trop mauvaise pour indiquer même un genre.
Enfin il est très-permis de soupçonner qu’on a décrit quelques espèces qui
n’existent pas : on sait avec quelle facilité les Empailleurs ajoutent des
plumes aux oiseaux qui en manquent, et combien- les marchands de ce
qu’on appelle des curiosités, sont peu délicats sur les moyens de gagner de
fargent. Je doute même que la science ait des ennemis plus dangereux
que cette sorte de gens, et peut-être qu’il est peu d’ouvrages qui ne soient
entachés des suites de leur friponnerie ’ .
1 Dans l'Histoire Naturelle des Quadrupèdes de Buffon, on trouve sous le nom de Tamandua, un
animal fabriqué èt bien différent du Tamandua de Linné. Cette fraude de l’Empailleur a été reconnue
par le Professeur Geoffroy, qui, en examinant de près l’animal décrit .par Buffon, vit qu’il étoit
composé de diverses bandes de peaux collées les unes près des autres.
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