
6 I N T R O D U C T I O N .
les Oiseaux-mouches restent stationnaires en présence de chaque fleur 1 :
la poussière des étamines est l’objet de leurs désirs; ils la recueillent au
moyen de leur langue longue et bifide. Cette langue a la propriété de
s’alonger comme celle du Torcol et des Pics, et sans doute par un moyen
analogue à celui qui meut la langue de ces oiseaux.
Et comme si l’intention de la Nature en créant ces êtres privilégiés,
eut été de rassembler sous un petit volume tous_ les excès, elle leur a
donné des passions vives et turbulentes ; ils sont impatiens , colères
et même belliqueux. Lorsque cherchant des fleurs nouvelles ils en rencontrent
de fanées, ils se dépitent, les déchirent, et dispersent au loin leurs
pétales; ils combattent les individus de leur genre qu’ils rencontrent sur
leur passage, et l’on prétend meme qu’ils osent attaquer des oiseaux plus
gros qu’eux, qu’ils les frappent, les percent de leur long bec, et les mettent
en fuite.
Buffon dit que les Oiseaux-mouches vivent solitaires, ce qui peut être
vrai à l’égard de-certaines espèces; mais Stedman nous apprend qu’il en
est qui vivent en sociétés même très-nombreuses. «Les Oiseaux-murmures,
» dit cet Officier, se plaçoient en tel nombre sur les tamariniers, à l’Espé-
» rance , qu’on les eût pris pour des essaims de guêpes " ».
Dans le temps des amours, ces petits animaux construisent un nid de la
forme et de la grosseur d’unê moitié de noix : ce nid composé de la bourre
soyeuse de la thâpsie , est attaché à quelque fine branche d’oranger bu de
café - et quelquefois, selon Stedman, sur une feuille d’ananas sauvbge ou
d’aloès nain : il contient deux oeufs blancs , de la grosseur d’un pois , que
le père et la mère couvent alternativement pendant treize jours : les petits
nouvellement éclos sont à-peu-près de la grosseur d’un taon, et la mère les
nourrit du miel qu’elle va recueillir sur les fleurs. Rien n’est égal à la vivacité
de son amour pour sa progéniture : si l’on change son nid de lieu ,
qu’on le place même dans une chambre , elle ne craint pas d’y porter la
becquée.
Ces beaux oiseaux sont trop délicats pour être élevés en esclavage ; ils
1 Un observateur éclairé ( Viellot ) , qui a résidé à S. Dominguc pendant quelque temps, in’a dit
avoir remarqué que les oiseaux de ce genre se perchent de préférence sur des branches mortes, et
qu’ayant à dessein placé de petits morceaux de bois secs près des fleurs souvent visitées par les Colibris,
il vit ces oiseaux s’y appuyer et pomper le suc des fleurs, comme ils le font ordinairement en voltigeant.
3 Voyage à Surinam et dans l’intérieur de la Guiane, par le capitaine J. G. Stedman , traduit par
Henri, t. 3 , p. 6.
I N T R O D Ü C T I ON. 7
meurent éntre les mains des hommes, et ceux qu’on prend adultes, expirent
à l’instant même où ils sont pris.
Les Indiens leur avoient donné lè nom de Cheveux du soleil ; ce nom
exprime assez que l’éclat et le mouvement de ces petits oiseaux, du moins
quelques espèces , produisent un effet pareil à celui de ces feux aériens
qui filent dans les belles nuits d’été, et que le vulgaire appelle étoiles
tombantes.
Lors de l’arrivée des Espagnols au Pérou, ces conquérans virent avec
admiration des tableaux que les Indiens exécutoient avec des plumes de
Colibris : tous les voyageurs s’accordent sur la beauté et la délicatesse de
ces tableaux 5 et en effet il ne faut pas un grand effort d’imagination pour
se représenter leur éclat et leur fraîcheur.
. Non-seulement le plumage des Oiseaux-mouches étincelle des couleurs
les plus vives , mais encore ces couleurs ont la propriété de changer de
nuance selon la direction du jour qui les éclaire. C’est ici le lieu d’examiner
ces plumesT^et de chercher la cause de leur éclat. Pour le faire avec
quelque succès , il est bon de les comparer aux plumes d’oiseaux de
différens genres.
Les couleurs qui embellissent les oiseaux en général, peuvent être
divisées en plusieurs classes : elles sont ou mattes ou brillantes, changeantes
ou métalliques.
Les couleurs mattes sont celles qui ne sont point susceptibles de changer
de nuances par les différentes directions du jour : les barbes des plumes
qui sont ainsi colorées, ont leur tige garnie de chaque côté depuis leur
base jusqu’à leur extrémité , de barbules très-fines et très-déliées.
( PL 1 3 fig. 1. ) La plupart des oiseaux de notre pays nous offrent des
exemples de couleurs mattes.
Les couleurs brillantes sont celles qui, sans avoir la propriété de changer
de nuance , ont cependant un éclat analogue à celui des corps polis î cet
éclat est dû à la forme particulière desbarbes des plumes. Un grand nombre
d’oiseaux ont des couleurs très-brillantes 5 telles sont les plumes rouges
des Pics,les plumes jaunes ou rouges des Cassiques, celles des Manakins ,
celles des Guit-Guits, etc. Les barbes de ces plumes (fig. 2 ) n’ont de
barbules qu’à leur base , le reste est nu , cylindrique, lisse et très-poli $
mais cette forme cylindrique n’est pas complète 5 vues en dessous, ces