
» A chaque fois, elles ramènent leur long bec sur leur poitrine et elles
» relèvent vivement la tête. Quelquefois aussi elles poussent un son
» rauque et désagréable en un seul temps ». Au printemps, elles en ont
encore un autre : celui du mâle, à cette époque, s’entend de très-
loin : il paraît exprimer bou bou bou. Les Voyageuses sont en Egypte,
comme ici, très-grasses, ont la chair tendre et de bon goiitj mais les
sédentaires qui séjournent près des villes y passent pour un fort mauvais
manger. Ce n’est pas la seule différence qui existe entre elles : leurs
habitudes offrent un contraste aussi grand. Les Voyageuses portent sous
ce climat leurs moeurs sauvages , ne recherchent que les endroits écartes,
et fuient la société des sédentaires. Au contraire, celles-ci se plaisent dans
les villes même les plus tumultueuses. C’est près de l’homme et sur sa
demeure qu’elles se sont fixées. Souvent elles choisissent , une terrasse
pour lui confier ce qu’elles ont de plus cher. Rien n’interrompt
leurs caresses amoureuses , rien ne trouble leur innocent ménage, rien
ne les distrait des soins qu’exige leur progéniture j car l’arme meurtrière
ne jette jamais l’épouvante parmi ces volatiles à demi-domestiques '. Si
elles ne doivent leur tranquillité qu’au seul dégoût qu’inspire leur chair,
c’est sans doute parce qu’on ignore leur utilité dans un pays où les oiseaux
insectivores a ne peuvent être trop nombreux, puisqu’ils purgent l’air
ét la terre des insectes qui y fourmillent, sur-tout à l’époque où le Nil
en se retirant, dépose ce limon gras auquel l’Egypte doit sa fertilité ;
mais qui, échauffe par un soleil brûlant, favorise leur développement,
et les fait pulluler.
Vers le milieu du printemps -, j’ai souvent rencontré des Huppes à
leur arrivée en France, voyageant avec les Merles à plastron, sur la lisière
des bois , le long des haies , et même sur les montagnes qu’elles ne fréquentent
pas ordinairement (dans les Hautes-Vosges, on en voit seulement
quelques-unes sur les collines). Hors cette époque, jeles ai toujours
vues dans les plaines, sur les terreins humides , où leur nourriture favorite
est en plus grande abondance.
La Huppe, comme je l’ai déjà dit, place son nid dans des trous d’arbres,
mais très-rarement à plus de dix pieds de haut. Elle le construit
aussi dans des trous de muraille, même à terre dans les racines et les
trous caverneux des vieux arbres. En Lorraine , on prétend qu’elle
* Voyez le Hoyage en Egypte, par le même.
* Les habitans des Etats-Unis savent apprécier ces oiseaux ; car c’est chez eux un acte inhospitalier
que de détruire les hirondelles.
l’enduit de terre glaise et des matières les plus infectes ■ ; ce qui donne
aux jeunes Huppes une exhalaison dégoûtante.
Les nids que j’ai vus étaient composés de mousses et de feuilles sèches,
mais en petite quantité. Ils ne portaient point cette odeur fétide. Cependant
cela ne me paraît pas suffisant pour affirmer que tous sont pareils ; car
ce que j’ai dit ci-dessus m’a été commupiqué par un homme digne de foi,
qui m’a de plus assuré que la chair des Huppes est si désagréable dans
cette contrée, qu’elle est absolument rejetée par les habitans. Il n’en est
pas de même de celles qui habitent dans d’autres parties septentrionales
de la France; seulement quelques-unes ont, plus ou moins, un fumet
approchant du musc. Cet oiseau, qui devient très-gras en automne, est
recherché en Italie, dans les îles de l’Archipel 1 et dans nos provinces
méridionales. Il paraît qu’il n’est pas du goût des chats ; du moins Mont-
beillard assure que ces animaux si friands d’oiseaux, ne touchent jamais
à ceux-ci.
La Huppe, prise jeune ou vieille, s’accoutume aisémentà la captivité,
devient même très-familière, et s’accommode volontiers de divers ali—
mens auxquels elle ne toucherait pas lorsqu’elle est libre. Elle saisit sa ’
nourriture du bout du hec, qu’elle relève avec rapidité, et faisant un
mouvement comme pour lancer sa proie en l’air, l’aspire et l’avale. Sa
maniéré de boire est aussi remarquable. Elle plonge brusquement le bec
dans l’eau et ne le retire pas de suite, lorsqu’il est plein, comme font la
plupart des oiseaux, mais pompe et avale en même temps la quantité qui
lui est nécessaire. Cette manière a quelqu’analogie avec celle des pigeons.
Comme presque tous les entomophages et vermivores, elle boit peu : c’est
pourquoi on la prend rarement dans les pièges que l’on tend près des fon-
taines et des abreuvoirs. Son vol est lent, sinueux et sautillant; elle ne se
soutient en l’air que par un mouvement d’ailes souvent répété. Sa marche
est uniforme et posée comme celle des perdrix ; mais elle ne court pas
comme ces dernières lorsqu’on lui porte ombrage, elle s’arrête, fixe l’objet
et s’envole. Si on en croit quelques Auteurs, elle ne vivrait que trois
ans; mais cette observation n’a été faite que sur des Huppes captives, dont
les jours ont peut-être été abrégés parl’ennuiet des alimens contraires. Il
est probable qu’etant libre, sa vie est plus longue ; car cette brièveté
serait extraordinaire et meme unique parmi les oiseaux : cependant on
■ Not« manuscrite communiquée par Sonnini. C’était l’opinion des Anciens. Le fait est combattu
par Montbeillard. Hist, des Oiseaux de Buffon.
* Les denx éP0<lues de son passage dans ces îles sont à la fin de mars et au commencement d’août.
Les Grecs l’appellent Xilope&no, poulet de bois. Voyage en Grèce et en Turquie, par Sonnini.
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