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Il est bien vrai, dit Le Vaillant, que les colons d’Afrique, et particulièrement
les Hottentots, ayant reconnu une fois que rindicateur
se nourrissait de miel, se sont imaginés de suivre cet oiseau pour
découvrir les ruches sauvages auxquelles il se rend nécessairement
chaque jour plusieurs fois pour subvenir à ses propres besoins, et que
son instinct lui indique bien mieux que les recherches de l'homme.
Il est encore vrai de dire que les Indicateurs étant d'un naturel fort
criard, ils donnent par là beaucoup de facilité pour les découvrir
et mieux encore pour les suivre sans les perdre de vue, jusqu’à ce
qu’ils soient arrivés au but de leur course qui n’est rien autre que
celui de prendre un repas accoutumé, et non, certes, celui de déceler
à l homme un trésor dans l ’espoir que celui-ci le partagera avec eux.
S il fallait que chaque Indicateur conduisît ou entraînât, pour ainsi
dire malgré lui, un homme vers une ruche pour que celui-ci l’aidàt
à son tour à s'emparer du miel qu’il aurait découvert, on doit facilement
concevoir que les Indicateurs risqueraient fort de mourir de
faim. Comment vivent donc tous les individus de cette espèce qui
l’unique appui. Ses ouvrages nombreux sur l’oruilhologie, particulièrement les six volumes de
sesOiseaux d’A frique, n’ont pas besoin d’apologie; ils seront appréciés à leur juste valeur partous
les savaus, et serviront aux naturalistes de modèle et de guide à suivre dans une science qui veut
l exactitude des faits basés sur des observations souvent renouvelées, dont le mérite doit prévaloir,
par son utilité, sur tous ces discours pompeux et poétiques d’une éruditiou manquant
souvent de précision dans les détails essentiels de l’histoire des moeurs et des habitudes des
animaux. — Serait-ce pour s’être prononcé avec trop de franchise sur des écrits de ce genre,
et pour avoir émis une critique sévère, peut-être souvent trop amère, que ce savant ornithologiste
s’est vu réduit dans ses vieux jours au plus strict nécessaire, sans aucune espèce d’encouragement
et sans cueillir le plus léger fruit de ses travaux, au milieu des récompenses, des
grâces et des titres donnés à ses compatriotes, et accordés dans tous les temps au vrai mérite
et aux hommes célèbres dont la France s’honore. Faut-il donc des tombeaux pour appeler la
reconnaissance publique sur les travaux des hommes de mérite; les armes de la médisance
et de la jalousie ne s’éinousseiil-elles que contre le marbre qui i-ecouvre leurs dépouilles
G EN R E IN D IC A T EU R ,
pullulent dans ces vastes contrées de l’Afrique où l’on ne voit pas
un homme.
Il est évident, ce me semble, que, d’après tout ce que nous savons,
ce n’est pas l’Indicateur qui, comme on l’a conté, appelle les hommes,
dont il est bien certain qu’il n’a pas besoin, pour s'approprier le miel
qu’il aurait découvert lui-méme; mais que c’est l’homme, au contraire,
qui ayant reconnu Fbabitude qu’a cet oiseau de se rendre aux ruches,
le suit tout naturellement pour les trouver plus facilement; comme
lorsqu’après avoir remarqué en Afrique riiabitude qu’ont les Gangas
de se rendre, à certaines heures fixes, à l’abreuvoir, je m’avisai aussi
de les suivre pour découvrir l’eau à laquelle ils se rendaient tous.
L ’affluence des Vautours dans un lieu quelconque n’indique-l-elle
pas aussi aux Africains une pi’oie terrassée par un animal féroce,
et ces peuples ne savent-ils pas de môme profiter de cet avertissement.
Enfin ces pratiques des peuples sauvages sont si naturelles, que si
l’on suivait de même chez nous un Héron, il est certain qu’on arriverait
à une rivière, un bassin ou un étang poissonneux ; comme
en suivant une bande d’Etourneaux, on parviendrait à une prairie
où l’on trouverait des bestiaux paissant ; que si bon suivait les Corbeaux,
on trouverait une charogne; comme, en un mot, celui qui
suit les pas d’un âne risque fort de ne trouver que des chardons à
recueillir. Au reste Sparmann a redit en Europe ce qu’on lui a conté
au Cap sur cet oiseau, car l’histoire qu’il rapporte est en effet, dans
la colonie, la fable dont on berce les hommes crédules au sujet de
l’Indicateur. On ne connaît au Cap l'Indicateur que par ouï-dire,
puisqu’il habite assez avant dans l’intérieur.
Le Vaillant pense que, par les indications fournies et par l’inspection
des figures publiées dans ses oeuvres ( i ) , les naturalistes seront
(:) Oiseaux d’A frique, vol. 5 , pag. loo et suivantes, et planches 241 et 242.