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conduire tout gouvernement à sa perte, deviendraient inévitables, et cela lors même
que les esclaves ne réussiraient pas il prentb'e le dessus. Néanmoins cela ne manquerait
pas d'arriver tôt où lard, puisque la force brute à laquelle on s'en remettrait se
uouverait de leur côté. 11 n'y a donc plus de choix : ou bien il faut émanciper les
Nègres qui sont préparés à la liberté civile, à l'égalité des droits, ou bien il faut se
soumettre à souffrir l'explosion de toutes les passions dont la nature animale de
l'bomme est capable.
Mais l'on soutient que l'agriculture, dans les parties de l'Amérique où elle se fait
par les mains des esclaves, ne peut subsister que par l'esclavage, et que, par suite
de l'émancipation, à quelque condition que celle-ci ft\t faite, les colons iraient à leur
perte. Lors même que cette assertion serait fondée, elle ne prouverait rien conU'e
l'émancipation; car, d'après ce que nous avons dit, il est des faits qui la rendent
inévitable, et il ne nous reste que le choix entre deux chemins qui y conduisent
également. D'un autre côté il n'est pas difficile de se convaincre combien peu cette
assertion est fondée. L'émancipation ne pourrait avoir d'autre suite que de substituer
les travaux de journaliers libres à ceux des esclaves, et l'e.xpérience prouve qu'ils sont
bien supérieurs. Un fait reconnu dans les pays où l'on se sert des uns et des autres,
c'est que, toutes choses étant d'ailleurs égales, une pièce de teiTc cultivée par des
hommes libres est d'une valeur bien supérieure à celle que cultivent les esclaves.
Les raisons pom- lesquelles un ouvrier libre accomplit le travail plus vite et mieux
que l'esclave, sont trop évidentes pour qu'il soit besoin de les développer. L'augmentation
du revenu du sol, l'économie du prix d'achat de l'esclave, décideraient bientôt
le colon en faveur du salaire qu'il faut p.aycr à l'ouvrier, et quand on objecte le taux
élevé des journées des hommes libres, on oublie que ce prix est précisément la
conséquence de l'esclavage. Celui-ci a, de jilus, deux ineonvéniens fort graves : d'abord
il place les plus grandes valeurs dans une j.ropriété trta-peu sûre; car la mort ou la
fuite des esclaves peuvent causer des pertes fort considérables, et en même temps
elles diminuent dans la même proportion la propriété la ]>lus sûre, celle du fonds.
En second lieu, l'esclavage est un obstacle ii toute espèce d'amélioration, soit en
agricultm-e soit en toute autre allàire; car le but des améliorations est toujours
d'épargner la main-d'oeuvre et d'allcindi-c aux plus grands résultats possibles, en y
employant moins de temps, de force et d'argent : l'esclave cependant, des (|u'il ne
travaille pas, dès qu'mic machine le remplace, n'est plus qu'un capital mort. Mais,
disent quelques défenseurs de l'esclavage, quand une fois nous n'aurons plus d'esclaves,
nous ne trouverons plus d'ouvriers; car les Nègres sont tellement paresseux, qu'ils
ne travaillent que quand on les y contraint. Cette assertion tist si absurde qu'elle
n'a pas besoin d'être réfutée. L'expérience de tous les j o u r s ne montre-t-elle pas a
quelle infatigable activité les esclaves mettent à profit chaque instant de liberté, m&ne
ceux qui leui- sont concédés pour se reposer des travaux les plus pénibles! Ne les
emploient-ils pas 4 gagner de quoi alléger leur situation, de quoi racheter un jour
leur liberté? Que l'on s'en rapporte avec confiance au voeu inné dans tout homme
d'améliorer sa position et celle des siens; il déterminera le Nègre comme les'auti-es
à chercher son existence dans le travail. Rien n'est plus insensé que de croire que
l'émancipation progressive des esclaves puisse être dangereuse pour les blancs et pour
l'État. Il faut, ou ne point connaître le véritable état des choses, ou le dénaturer i
dessein, pour prétendre que les Nègres visem à la domination, et qu'ils menacent la
vie et la propriété des blancs. Le Nègre affi-anclii prend de lui-même sa place dans
les classes inférieures de la société, c'est celle que lui assigne sa capacité et sa fortune;
sa plus grande ambition est dans l'espoir que ses descendans un jour, au moyen
d'unions avec des races moins noires, se confondront dans la population des hommes
de couleur, et de la sorte atteindront h la possibilité d'obtenir des emplois et des
dignités. C'est l'État qui gagnera le plus à l'émancipation progressive des esclaves;
car elle aura pour effet de substituer à une population dépourvue de possessions, ou
du moins très-pauvre, et qui dans certaines circonstances peut devenir Ibrt redoutable,
une population aisée, prêt e à contribuer à tous les besoins de la société et à la défense
du pays. L'accroissement de la population d'Haïti, après d'aussi li omb l e s dévastations,
prouve quels avantages aurait pour l'Europe la cessation de l'esclavage. Que l'on
réilcchisse combien petite est la consommation des produits de rindustrie de k part
d'un peuple pauvre, ne esclave, et combien d'importance acqueirait celte consommation
de la part d'un peuple de Nègres libres. A estimer les choses à leur moindre
valeur, elle doublerait en peu d'années.
Nul observateur ne peut douter de la nécessité ni de l'utilité de l'émancipation
progressive des esclaves noirs. Les moyens d'y parvenir sont très-simples : au Brésil
surtout on pourrait arriver aux résultats les plus lieureux sans aucune mesure
extraordinaire, sans blesser aucun droit, aucun intérét et en très-peu de temps. D'une
pan il stillirait d'empéclier l'importation de nouveaux esclaves, en sidisfaisant sur
ce point il des engageinens déjii pris, en appliquant avec rigueur les lois existantes;
d'autre part il faudrait par des lois sages, et par une stricte observation de ces lois,
assurer aux esclaves tous les bienfaits intellectuels et physiques qui sont compatibles
avec leur position, et auxquels ils participent déjà en grande partie par la douceur
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