( M )
Negro seni, porem direito (je suis Nègre, il est vrai, mais je suis di'oit). Les
Ncgi-cs libres, et surlout ceux des classes inférieures, prennent ilaiis la société le
rang que l'on accoi'derait sous les mêmes conditions aux hommes d'autres couleurs.
Cependant il est fort rare de voir des mariages entre des femmes vraiment blanclies
et des noirs : les unions formelles ne sont pas fréquentes non plus entre les Lianes
et les Négi-esses; mais les alliances réciproques entre Nègres libres et hommes de
couleur également libres n'en sont que plus fréquentes, et d'autant plus que les
hommes de couleur se rapprochent davantage du noir. Comme dans la gz-ande niasse
des classes populaii-es il est rare que la race blanche se présente sans mélange, l'exclusion
qui empêche les noirs de s'unir aux blancs est beaucoup moins humiliante et
beaucoup moins préjudiciable qu'on pourrait le penser. Les lois prononcent contre
l'admission des noirs aux emplois beaucoup de restrictions, et bien que les horiimes
de couleur libres doivent être frappés des mêmes prohibitions, rien n'est plus facile
que d'éluder ces lois. Quand des circonstances Ihvorables, des richesses, des rapports
de famille, des talens personnels rendent un homme recommandable, la moindre
nuance un peu claire le fait passer pour blanc, surlout à raison de ce que les blancs
eux-mêmes sont fort souvent d'un teint très-brun. Au surplus cette loi, presque
tombée en désuétude, ne frappe réellement que ceux qui sont noirs sans mélange,
cl qu'aucun prétexte ne pout faire ranger parmi les blancs. D'ailleurs cette exclusion
légale n'est pas aujourd'hui aussi liumiliantc, aussi oppressive qu'elle pourrait le
paraître au premier coup d'oeil : parmi les Nègres libres il en est fort peu dont les
connaissances, la fortune et la position sociale puissent autoriser des prétentions
aux emplois. Dureste.il est liors de doute que,plus lenombre des noirs libress'accroit,
plus leurs qualités personnelles, leurs propriétés leur donnent de droits, et que,
pour é\itcr une guerre civile entre les noirs et les honnnes d'autres couleurs, il en
faudra venir à l'abolition totale de cette loi d'exclusion. Quant à présent, les noirs
libres se contentent de la pensée que leurs descendans, hommes de couleur, pourront
arriver aux honneurs, cl les hommes de couleur s'en tiennent à la tolerance
qui leur assure les principaux avantages auxquels ils prétendent. Mais il y aurait
de la folie à s'imaginer que ces dispositions suffisent pour assurer au Brésil un repos
durable. Une politique sage, au contraire, saura en proliter pour prévenir, par des
ameliorations volontaires dans la législation, la possibilité d'une explosion violente,
explosion qui serait d'autant plus diflicile à éviter, que dans ce pa;ys, comme dans
les autres Etats de l'Amérique, il existe beaucoup d'élémens de discorde. Il y aurait
de la démence à s'imaginer que dans ces Élats l'on puisse comprimer par la force
une classe aussi nombreuse et, dans le cas où ce serait à la violence à décider,
une classe aussi puissante que celle des Nègres et des hommes de couleur, et
cela pour leur refuser des choses auxquelles ils se prétendent des droiu, tandis
que parmi les blancs les factions se disputent aussi des droits fondés ou imaginaires.
Le Brésil est-il menacé de révoludons et de lutte entre les partis? de
quelle nature seront-elles ? sera-t-il en la puissance de ceux qui gouvernent de
prévenir ces révolutions? Ce sont des questions que nous n'entreprendi-ons point
de décider. La seule chose qui me paraisse certaine, c'est que par des modifications
opérées à jn-opos dans la situation légale des hommes de couleur et des noirs, on
peut empêcher qu'à la lutte future des factions politiques ne se mêle la lutte plus
terrible des couleurs. Il est d'autant plus urgent de faire ce pas, qu'au jugement
dos houmies les plus entendus et les plus sensés, l'émancipation des esclaves, toute
nécessaire, toute désirable qu'elle soit, ne peut se faire que très-lentement, et que
dans les circonstances les plus favorables elle ne s'accomplira peut-être qu'au bout
d'un siècle. Cependant si la marche des événemens, l'imprévoyance des partis ou
l'imprudence des gouvernans amenaient un jour une révolte d'esclaves, on ne pourrait
opposer de digue à ce torrent qu'au moyen de la population libre des hommes de
couleur et des noirs. Il est donc in.portant de les attacher définitivement aux blancs
par un intérêt commun.
Il est une autre exclusion des Nègres, mais jusqu'ici ils s'en accommodaient
fort : ils ne pouvaient servir dans aucun régiment de ligne, et n'entraient que dans
les corps exclusivement créés pour eux. Par là ils échappaient aux abus et aux vexations
sans nombre, auxquels le service militaire expose les autres habitans, qu'on y
contraint par toute espèce d'extorsions. Il y a au Brésil trois régimens de Nègres:
soldats et officiers, tous sont des noirs. Par leur discipline et par leur bonne tenue
ils se distinguent de toutes les autres troupes, et ta plus parlaite union règne
entre les soldats et les ofTiciers. Ces régimens portent le nom d'Henriquez, en commémoration
de Hcnriqucz, général nègre, qui s'acquit une gloire immortelle dans
l'Iiistoire du Brésil par sa valeur dans la guerre de Fernanjbuc, soutenue contre les
Ilullandais pour la liberté.
fi^'-SI!
Ei • ; .
ii: 1.1 • I
. ? ¡
i
iipáí|
El.. •-•
l< I'
r li$!f!il