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Au pied (lu Tijucca, du côlé du sud, s'étend un assez grand lac, appelé Jaquarppagua
j 011 y voit arriver les lorrcns des montagnes qui réflécliissent dans ses ondes
leurs rocliers et leurs forets, tandis que pendant le flux 11 est rempli d'eau salée,
par l'Océan, auquel il est lié par un étroit canal : au sud-est il est borné par le rocher
colossal de Gaviao. Du pied de ce roclicr part un clieiniii qu'en plusieurs endroits
des sables profonds rendent dlificile, mais qui compense cet inconvénient par des
points de vue magnifiques, d'une part sur la nier, de l'autre sur le Corcovado et
sur la montagne opposée, appelée Dois-Iniiaos (les deux frères); il conduit en passant
près du jardin botanique de la Lagoa dus Freitas à Botafogo, où les beautés
pittoresques de ce pays encliantcur se développent avec encore plus de variété.
Aussi celte baie, que deux routes unissent à la Catete de Rio-Janeiro, et qui n'est
éloignée de la ville mciuc que d'une lieue, est-elle principalement habitée par des
Européens, et entourée de jolies maisons de campagne et de jardins fort agréables.
La côte opposée (celle de l'est) et celle du nord, qui s'étendent de San-Christovao vers
l'Jllia-Grande, sont, sous le rapport pittoresque, inférieures au pays que nous venons
de nommer et aux environs de Rio-Janeiro ; les formes des collines et des montagnes
ne le redeviennent que lorsque l'on quitte la baie, et qu'en remoniant les
petites rivières on s'approche de cette chaîne qui compose au nord le fond du
tableau que présente la baie de Rlu-Jancii'o, et que tout voyageur qui de ce point
veut pénétrer dans l'intérieur du Brésil, doit traverser.
Dans le voisinage de Rio la première habitation de quelque importance est le
petit bourg de Porto-de-Estrella, sur la rivière d'Inliomcrim, qui se jette dans la
baie de Rio. Les marchandises destinées aux provinces de l'intérieur, comme Minas-
Geraes, Minas-Novas, Goyaz, etc., sont d'abord conduites, ainsi que les voyageurs,
dans de petits bateaux de Rio-Janeiro à Porto-de-Estrella, qui en est éloigné de sept
lieues; là, elles sont conliées à des caravanes de mulets {tvopas)^ qui, de leur côté,
apportent la cargaison de retour des paquebots et des bàtimens qui s'en vont à Rio. M
y a, sous ce rapport, une analogie frappante entre le commerce qui se fait de
Porto-dc-Esti-ella avec Rio-Janeiro et celui de l'A Idea-Gallega avec Lisbonne: on
sait que l'A Idea-Gallega est dans le fond de la baie de Lisbonne, et que toutes les
marchandises et les voyageurs qui arrivent d'Alcnlejo et d'Espagne, y viennent aussi
à dos de mulet, pour être charges sur de petits bàtimens et conduits à Lisbonne en
traversant la baie, et récijiroquemcnt. Celte analogie de situation entre l'ancienne
capitale de la métro])ûle et la nouvelle capitale des colonies, cette ressemblance qu'on
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pourrait établir encore sur beaucoup d'autres points, dut faire une grande impression
sur les premiers Portugais qui s'établirent en ce lieu.
La route qui va de Porto-de-Estrella Minas passe devant beaucoup de belles
plantations, derrièi'e lesquelles on aperçoit dans le lointain les pointes anguleuses
de la Serra-dos-Orgaos, s'élevant au-dessus do la Sen-a-de-Esti-ella, dont l'escarpement
est toujours encore TcHroi des tropeiros et le tourment des mulets, quoiqu'une
large route, construite et pavée à grands frais, y ait été établie : en plusieurs endi'oits
elle offre l'aspect d'une inmiense muraille, large de dix pieds.
D'après cette position, il n'y a pas lieu de s'étonner que Porto-de-Estrella soit à
la fois très-animé et très-industriel. Tous les étrangers, et surtout les peintres,
feront bien de le visiter, quand meme leur chemin ou leurs affaires ne les y
conduiraient pas. C'est un lieu de réunion pour les hommes de toutes les provinces
de l'intérieur; il y en vient de toutes les conditions: on y remarque leurs
costumes originaux et leur bruyante activité. C'est ici que l'on organise les caravanes
qui parlent pour l'intérieur, et c'est ici seulement que commencent pour l'Européen
les véritables moeurs du Brésil ; il faut souvent qu'il y prenne congé pour longtemps
de toutes les aisances de la vie européenne et de tous ses préjugés. Nous ne
trouverions dans cet omTage nul endi-oit plus favorable de communiquer à nos lecteurs
quelques observations générales sur la manière dont on voyage au Brésil; de
la sorte nous ajouterons quelques ti-aits et quelques nuances à l'image que nous
nous eiforçons de présenter pour faire connaître cette contrée.
Au Brésil, le seul moyen de transport pour les liommes, comme pour les marchandises,
est dû aux chevaux et aux mulets : dans l'état actuel des communications
et des chemins on ne peut songer à l'emploi des voitures ; c'esl tout au plus si
quelques dames de distinction se font porter ckns des litières, néanmoins elles voyagent
fori rarement. On doit donc conseiller très-sérieusement à quiconque veut visiter le
Brésil ou toute autre partie de l'Amérique méridionale, d'apprendi-c à monter à cheval
a\ant de quitter l'Europe. Quoique les Brésiliens ne soient pas des Centaures nés,
comme les habitans des Pompas de Colombie et des Leanos de Biiénos-Ayres, les
savaus les plus estimables et les naturalistes qui parcourent le Brésil, s'ils négligeaient
de suivre cette règle de conduite, qui, au ¡«-eniier abord, a quelque chose
de singulier, se trouveraient souvent en telle position qu'ils n'auraient que fort pen
de choix entre le ridii-ulc et le danger. Le voyageur isolé peut bien pour un petit
trajet louer un ou plusieurs niulets, et se joinch-e à une tropa régulièrement organisée;
mais pour un voyage de long cours, surtout quand il y a nombreuse société