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situé sur le continent vis-à-vis de l'ile, cl dont les liabilans jouissent d'une grande
aisance. Parmi ceux de l'ile se trouvent beaucoup de pêclieurs à la baleine; on voii
les nombreux débris de ce cétacée employés dans les haies des cours et des jardins,
et ils attestent que les pêcheurs sont à la lois habiles et secondés par la fortune, en
même temps qu'ils prouvent le grand nombre de baleines qui existent dans ces mers.
Quant à la ville de Bahia, elle est bâtie à l'entrée du Keconcavo, sur la rive orientale,
en partie sur la plage, en partie sur le penchant de la colline. Les édifices,
surtout dans la ville haute, sont entourés de jardins et de bosquets, qui, vus du
port, présentent un aspect fort pittoresque. Dans la partie la plus ancienne, les maisons
sont bâties à l'Européenne; elles sont pour la plupart fort hautes, pourvues de
balcons et surmontées de toits plats.
Dans le voisinage de la douane et du lieu de débarquement les maisons ont la
plupart trois, quatre et même cinq étages, et cependant elles n'ont guère en largeur
que trois à quatre fenêtres. Les rues sont étroites et irrégulières, parce que le peu
d'espace qui sépare la paroi de rochers de la mer ne permettait pas de les mieux
espacer. Trois rues ascendantes et fort rapides unissent la ville commerciale aux
autres quartiers et aux faubourgs. Là les maisons sont plus basses, plus claires et
plus accommodées au climat; les rues sont plus larges, plus propres et mieux
pavées. 11 y a dans Bahia une grande quantité d'édifices publics; mais ils sont plus
remarquables par leur étendue que par la beauté de l'architecture; la plupart sont
déjà fort vieux, eu égard à la durée des édifices au Brésil. Nous citerons, comme
méritant d'être remarqués, le théâtre et le palais du gouverneur, tous deux construits
sur une belle place, d'où la vue s'étend au loin sur le Reconcavo; nous citerons aussi
l'église et le collège des Jésuites, puis l'église des Barbadinhos italianos. En général,
Bahia est riche en églises et compte jusqu'à vingt-cinq couvens.
11 n'y a dans la ville basse que des commerrans; les plus riches, et notamment les
étrangers, ont de j)Ius des maisons de campagne et de vastes jardins sur les hauteurs,
hors de l'enceinte de la ville. Le marclic aux esclaves, la bourse, les magasins des
négocians, l'arsenal et l'atelier de construction maritime sont aussi dans la ville basse.
On fait un cas particuher des bâlimens construits à Bahia, tant à cause du mérile
de la construction que pour l'excellence du bois qu'on y emploie.
Après Rio-Janeiro, Bahia est aujourd'hui la ville la plus imporlante du Brésil;
son commerce est même plus considérable que celui de cette capiiale. Le sucre est
le principal article d'exportation; on envoie aussi en Europe beaueouji de colon, du
café et des peaux de bêtes. Le commerce de Bahia avec les jirovinces voisines Piaulii,
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Sergipe del Rey, llheos, etc., est florissant et va toujours s'aniéliorant. Pendant
la domination portugaise, le gouverneur comte dos Arcos, le même qui fut
depuis ministre de la marine, embellit beaucoup Baliia et la dota de beaucoup
d'établissemens utiles. Sous son administration, qui dura plusieurs années, on vit
s'élever une verrerie, une imprimerie, une bourse, un théâtre; les promenades furent
rendues plus belles, plus spacieuses; il fonda la bibliothèque, créa des écoles et fit
naîti-e chez les liabitans le goût des sciences.
L'histoire de Bahia ne manque pas d'intérêt, et ce pays est en général si pauvre
en souvenirs, qu'elle mérile d'être indiquée. En i5i6 le roi Jean 111, conformément
au système de colonisation alors usité, investit don Francisco Pereira Coutinho de
toute la côte depuis la Punta de San Antonio jusqu'au fleuve San Francisco. Lorsque
Coutinho aborda dans la Bahia de Todos os Santos pour y fonder son établissement,
il trouva parmi les Tupinambas qui l'habitaient un Portugais qui s'appelait
Alvares Correa; plusieurs années auparavant une tempête l'avait jeté sur celte plage,
et il s'était uni à une Indienne, fille d'un chef Cet Alvares était parvenu à se former
un parti puissant, et son crédit d'abord favorisa beaucoup rétablissement de ses
compatriotes. Mais il ne tarda pas à éclater des dissensions entre les Portugais et les
Tupinambas; car Coutinho, loin de réprimer les violences de ses subordonnés, assurait
leur impunité en leur donnant lui-même l'exemple de toute sorte d'excès. Correa,
qui voulut protéger ses anciens amis contre les nouveaux colons, fut arrêté par
ordre de Coutinho. Alors Paraguaçu, son épouse, appela à la vengeance son père et
sa tribu, et il fallut peu de temps pour contraindi-e Coutinho à quitter la contrée;
il s'enfuit à llliéos, emmenant avec lui son prisonnier. Il y aurait vraiment matière
à un roman, ou à un poème héroïque, si, pour nous faire une idée de cette héroïne
des Tupinambas, nous pouvions oublier l'aspect repoussant des Indiennes de nos
jours. Après quelque temps, une faction qui s'était formée chez les Tupinambas
invita Coutinho à revenir, et comme ses vaisseaux entraient dans la baie, survint
une violente tempête qui les jeta sur la côte de l'ile Itaparica, où ils furent tous brisés;
lui et tous ceux de ses compagnons qui purent échapper au naufrage, tombèrent au
pouvoir des Tupinambas et furent mangés comme étant de bonne prise. Cette catastrophe
rendit la liberté à Alvares Correa ; les Indiens lui firent bon accueil, et il vécut
encore fort long-temps parmi eux. Par la mort de Coutinho CO pays fit retour ii la
couronne de Ponugal. Jean III, vovanl tout ie parti qu'on pouvait tirer de la haie
de ïodos os Santos, résolut d'y fonder la capitale de tout le Brésil. Pour accomplir
l'entreprise, on fil partir cintj gros vaisseaux, six cents volontaires et tjuinze cents
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