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Olì s'étonnera peut-être ele retrouver chez les Nègi-es du Brésil si peu de iraccs
des idees religieuses et des usages qui règuent dans leur patrie; mais en cela, coiiimc
en beaucoup d'autres choses, ou acquiert la preuve que pour ies Nègres la traversée
qui les conduit eu Amérique est une véritable mort. Ij'exccs des violeuces qu'ils
éprouvent, anéantit presque entièrement toutes leurs idées antérieures, eflace le
souvenir de tous les intérêts : l'Amérique devient donc pour eux un monde nouveau;
ils Y recommencent une nouvelle \ic. L'iniluence de la religion callicJique est
incontestable à cet égard; elle est la consolalricc du Negre; ses niinisti-es lui apparaissent
toujours comme ses protecteurs italurels, et le sont en circi. D'un autre côlé,
les formes extérieures de cc culle doivent produire une impression irrésistible sur
l'esprit et sur l'imagination de l'Africain. Oit courait donc (¡u'au Ih-csil les ÎScgres
deviennent promptcmcnt de zélés chréiiens, cl que lous les souvenirs de paganisme
s'elTaccnt en eux ou leur deviennent odieux.
Il ne faut pas s'étonner si, dans les colonies des autres nations, les Ni'grcs conservent
beaucoup de leurs premières idées, ou du moins s'ils n'y substituent rien de mieux.
Cette absence de progrès est remarquable surtout dans les colonies anglaises, où l'on
néglige, sans aucune espèce de conscience, l'cducalion morale et rcligieu.se des esclaves,
où les prêtres anglicans que l'on dit si éclairés, s'accoutument à peine à regarder
les Nègres conmie des liommcs, et ne songent pas mêuie à sacrifier une
seule des aisances de la vie pour descendre jusqu'à ces malheureux. Cela cx[)iiquc
aussi l'iniluence clioquante et presque incroyable que les obeahs ou magiciens exercent
dans les colonies anglaises : on a eu occa;>ion de remarquer aussi plusiei.ii-s Iraitsdc
cette influence à l'ile d'IIaïii à l'époque où l'on y faisait la guerre contre les Français.
Toutefois les Nègres du Brésil ne sont pas entièrement libres de ce genre de superstition.
Ces magiciens y portent le nom de Mandini^os ou Manilingueiros. On leur
croit entre autres la puissance de manier sans danger les serpens les [ilus venimeux,
et de préserver les autres personnes de l'cfiel de leur poison par leurs chanis et leurs
conjurations. Ces conjurations, dit-on, font sortir les reptiles de leurs retraites,
et les rassemblent autour des Mandingos ; elles agisseni encore sur d'autres êtres
venimeux ou mallaisans; et cette espèce de magie domine surtout le serpent à sounettes.
Les euclianleurs ont coutume d'apprivoiser les serpens (jui ne sont pas \enimcux,
et l'un regarde ces animaux comme doués d'une puissance sui'naturelle. L'un
redoute priucij>alement l'cfiel «le ce qu'on appelle niandin^ua, sorte de (alisnian, an
moyen duquel le ]\¡aiunn-¿uinro peut faire mourir d'une mort lente les pei-,soi mes
qui l'ont uileiisé, ou celles aiLxquelles il a des raisons de nuire : il pc-ui aussi s'en
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servu- pour les frapper d'un sort quelconque. Cette mandmpm consiste en un
grand nombre d'herbes, de racines, de terres; il y enu-c de plus des ingrédiens du
règne animal. Le mélange s'opère sous l'empire de formules magiques; on enveloppe
ces maléfices, et on les place, soit dans le lit, soit SQUS le lil de la personne
à laquelle on en veut. On appelle aussi ces encliantemcns Feillcos, et les initiés
FdLiceiros. Il y en a de plusieurs espèces; par exemple, pour exciter l'amour et la
haine, etc., etc. Cette superstition n'est pas particulière aux Nègres, elle règne sur
toutes les classes du peuple : il serait difiicile de dire si elle est d'origine africaine
ou européenne; car, malgré son nom africain, ce talisman a la plus grande analogie
avec des idées qui sont fort répandues en Europe depuis les temps les plus anciens.
Néanmoins les Mandingueiros sont presque toujours des Nègres : la plupart d'entre
eux joignent à cette profession la danse de corde et les tours d'adresse; ils y sont
fort habiles, et il leur faut très-peu de moyens pour produire des effets étonnans.
Quoique ces Mandingos soient pour les Noirs un objet de haine et de crainte,
quoiqu'on ne les honore nullement, et que beaucoup de Nègres condamnent cette
superstition comme antichrétienne, ces hommes exercent souvent une influence
très-puissante sur ceux qui les environnent, au point qu'ils occasionnent quelquefois
des désordi-es sérieux et font même commettre des crimes. Pour rétablir le repos
et l'ordre dans un distinct, il n'y a bien souvent d'autre moyen que leur éloigncmcnt.
En général, les di ver lisse m ens des Nègi'es amèncnl des querelles, qui sont d'autant
plus graves que rarcmcnl ils ont l'esprit dégage des efTets de l'ivresse, non-seulement
parce qu'ils boivent immodérément, mais encore parce qu'ils supportent fort mal la
boisson, et qu'il suflit d'une très-petite dose de cachaza, assez mauvaise espèce de
rhum, pour les enivrer complètement. Tout aussitôt les couteaux sont tirés, et rien
n'est plus ordinaire alors que les blessures graves et les meurtres. La punition de
ces crimes et d'auLres de même importance esl confiée à l'autorité publique; mais
conimc elle entraîne Irequenmient pour le maître la perle d'un esclave, qui peut
subir le supplice de la perche, la déportation ou les travaux publics, il arrive assez
ordinairement que le maître fait tous les cfTorts imaginables pour arracher l'esclave
des mains de l'aulorilé, pour l'échanger ou le vendre furtivement, de manière à ce
qu'il s'en aille dans un pays éloigné. Il y a même des colons qui profilent volontiers de
ces occasions d'augmenter à bon compte le nombre de leurs esclaves, s'en reposant sur
leur fermelé et sur leur courage personnel, du soin de contenir de pareils hommes.
Il en résidtc qu'il y a des plantations où l'on voit un assez bon nombre de Nègres
dont chacuii pcut-èu'c a mérité la mort, sans que cependant les autorités s'en
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