Martin Crusius (en 1584) , professeur de grec et de latin à l’université de T u b in g e , s’informa soigneusement du
sort du Péloponèse et de l’A ttique : ses huit livres intitulés Tu rco -Grac ia rendent compte dé l ’état de la Hellade
depuis l’année i 444 jusqu’au temps où il écrivait. L e premier livre contient l’histoire; politique , et le second
l'histoire ecclésiastique : les six autres livres sont composés de lettres adressées à différentes personnes p ar des Grecs
Roméiques. Parmi ces épttres, l’u ne , de Théodore Zygomalas, protonotaire de la grande église de Constàntinople,
est datée de l ’annéè et l’au tre, de Cabasilas, de la ville d ’Acarnanie, aujourd’hui Arta en Ép ire , porte là
rubrique de i 584- Quoique ces lettres fourmillent d ’e rreurs, elles sont précieuses, à cause de l ’ancienneté de leur date
et par rapport au sujet qui nous occupé-
« Moi qui suis né à Nauplie, ville du Péloponèse, peu éloignée d’Athènes, j ’ai souvent vu cette dernière.ville. J’ai
« recherché avec soin les choses qu’elle renferme, l’Aréopage, l’antique Académie, le Lycée d’Aristote; enfin le P anthéon,
« (Parthénon). Cet édifice est le plus élevé, e t surpasse tous les autres en beauté. On y vo it en dehors, sculptée tour à
l ’histoire des Grecs et des dieux. O n remarque surtout au-dessus de la porte principale (les propylées), des
« chevaux qui paraissent vivants, et qu’on croirait entendre hennir. On d it qu’ils Sont l’ouvrage de Praxitèles : Famé et
« le génie de l’hqmiqe; ont passé dans Ie*marbre. Il y a dans ce lieu plusieurs autres choses dignes d ’être vues. Je ne
I parle point de la colline opposée (probablement le mont Hymette), sur laquelle croissent des simples de toute espèce,
« utiles à la médecin? ; colline que j ’appelle le ja rdin d’A donis. Je ne parle pas non p lus de là douceur-de l’a ir , de la
? bonté des eaux et des autres agréments d’A thènes : d ’où i l arrive que ses habitants, tombés maintenant dans la b ar-
« barie, conservent toutefois quelques souvenirs de ce qu'ils ont été. O n les reconnaît à la pureté de leur langage , comme.
« des sirènes, ils charment ceux qui les écoutent, par la variété de leurs accents.. . .Mais pourquoi parlerais-je d’Athènës?
« La peau de l’animal reste, l’animal lui-même a péri. »
Siméon Cabasilas, de la v ille d ’A rta (Acarnania), ajoute quelque chose aux renseignements du protonotaire. « Athènes ,
« dit-il, était composée autrefois de trois parties également peuplées. Aujourd’hui sa première partie , située dans un lieu
8 elevé, comprend la citadelle, et un temple dédié au dieu inconnu: cette p remière partie est habitée p ar les Turcs. Entre
« celle-ci et la troisième, se trouve la seconde partie, où sont réunis les chrétiens. Après cette seconde partie, vient la troi-
« sième , sur la porte de laquelle on lit cette inscription : »
C’EST ICI ATHÈNES,
LA VILLE DE THESÈE.
« O n vo it dans cette dernière partie un palais revêtu de grands marbres e t soutenu par dès colonnes. Ôn y trouve encore
* des maisons habitées. L a ville entière peut avoir s ix à sept milles de tour ; elle possédé environ dôiizéviiiilÎé'^h^èns. »
M. de Châteaubriand fa it quatre remarques au sujet de cette description : r» le Parthénon avait été dédié par lés
chrétiens au dieu inconnu de saint Paul. Spon chicane mal à propos Guillet sur cette dédicace : Deshayes l’a citée dans
son voyage, a» L e temple de Jupiter O lympien (le palais revêtu de marbre) existait en grande partie du temps de Cabasilas:
tous les autres voyageurs n’en ont vu que les ruines. 3° Athènes était divisée, comme elle l ’est encore aujourd’hui ;
mais elle contenait douze m ille habitants, et elle n ’en a plus que hu it m ille (elle en contenait d ix mille au moment de sa
ruine, de 1822 à 1824.) On voya it plusieurs maisons vers le temple de Jupiter Olympien : cette partie de la ville est déserte
depuis 17.70. j j E n fin, la porte avec l’inscription : c’est ici athènes, la ville de thèsèe, a subsisté jusqu’à nos
jours. On lit sur l ’autre face de cette p o rte , du côté de l’H adrianopolis , ou Athence novee:
c’est ici la ville d’hadrien ,
ET NON PAS LA VILLE DE THESEE.
Deshayes visita Athènes entre les années 1621 et i 63o : « D e Mégare jusqu’à Athènes, il n’y a, qu’une petite
« journée, qui nous dura moins que si nous n’eussions marché que deux lieues : il n’y a ja rd in ni bois qui contente da-
« vantage la vue que ne le fait ce chemin. L ’on va par une grande plaine, toute remplie d’o liviers et d’o rangers, ayant
« la mer à main droite, et les collines à main gauche, d^qù sortent tant de beaux ruisseaux, qu’ilsemble que la nature se
« soit efforcée à rendre ce pays aussi délicieux.
«La ville d’A thènes est située sur la pente e t aux environs d’un rocher assis dans une p laine, laquelle est bornée par la
« mer qu elle à au midi, et par les montagnes agréables qui l’enferment du côté du septentrion. Elle n’est pas la moitié si
« grande qu’elle étoit autrefois, ainsi que l’on peut v o ir p ar les ruines, à qui le temps a fait moins de mal que la barbarie
1 des nationsf ü ont u n td e fois » g é e t pillé cette ville. Les bâtiments anciens qui y restent témoignent la magnificence
1 g ceux § 1 ,e s o n t fa i ts | car le È É g g g j est po in t épargné, non plus que les colonnes e t les pilastres. Sur le haut du
« rocher est le château, dont les Turcs se servent encore aujourd’hui. Entre plusieurs anciens bâtiments, il y a un temple,
«. le Theseum, qui e st aussi entier et àussi.peu offensé de l’injure du temps, comme s’il ne venoit que d ’être fait.
«En sortant d Athènes, on traverse cette grande plaine qui est toute remplie d’oliviers et arrosée d e plusieurs ruisseaux,
« qui en augmentent la fertilité. Après avoir marché une bonne heure, on arrive sur la marine où il y a un port
| excellent > f uï étoU autrefois fermé par une chaîne. Ceux du pays l’appellent le p o r t L io n , à cause d’un grand lion de
« p ierre que 1 on y v o it encore aujourd hui ; mais les anciens le nommoient le po rt du Pirée : c’étoit en ce lieu que les Athé-
« niens assembloient leurs flottes e t qu’ils s’embàrquoient ordinairement. »
IN T R O D U C T IO N .
L ’établissement de nos consiils dans l'Attiqüé remonte à l ’annéè i 6 i 5 , et finit en i 832, avec M. Fauvel qu’on aurait
dû conserver comme' ntie'antiquité. Lesmauvais jours de la révolution avaient respecté cet établissement; le pavillon de
France ne flotte plus; dans les miirs consacrés à Minerve : mais le nom de Fauvel y sera long-temps prononcé..
On a ç ru que Stochowé avait vu A thènes en i 63o ;m a is en comparant son texte' avec celui de Deshayes, on-demeure
convainCuque Je gentilhomme flamand n’â fait que copier l’ambassadeur français.
L e P. Antoine Pacifique donna- en i 63ô; à Venise, sa Description de là Morée, ouvrage sans méthode. Quelques
années après, on voit arrive? en Grèce les missionnaires,'qui portaient dans tous les pays de l’univers le nom, la gloire
et l’amour de la France. Les jésuites de Paris s’établirent à Athènes, vers l ’an i 645 ; les capucins de la rue St.-IIonoré s’y
fixèrent en' x6l8i, e t , èn 1669, le P. Simon acheta la lanterne de Démosthènes, monument près duquel on bâtit
l’hospice des étrangers.
Des M.ouceaùx parcourut en 1668 une partie du Péloponèse. Nous avons l’extrait de son voyage publié à la suite de
celui de Corneille Bruyn ; il fait connaître quelques ruines dont il ne reste plus de traces, et qui font vivement regretter
ses dessins, ainsi quë ses indications.'
Au milieu des oeuvres de charité dont leurs jours étaient remplis , nos missionnaires ne négligeaient point les travaux
qui pouvaient être honorables à leur patrie. L e P ..B a b in , jésuite, donna, en 16 72, une relation de l’état présent
d e la ville d’Athènes : Spon en fut l’éditeur; on n’avait rien vu jusqu’alors d’aussi complet et d’aussi détaillé,
sur les antiquités d’A thènes.
L'ambassadeur ïde France à la P orte, M. de Nointel, passa à Athènes dans l ’année- 1674-: il était accompagné
du savant orientaliste Gallahd. Il fit dessiner les bas-reliefs du Parthénon. Ces b as-reliefs ont péri en partie, et
on est trop heureux d’avoir aujourd’hui le s c a r to n s d ü marquis de Nointel : ils sont pourtant demeurés inédits,
à l’exception de celui qui représente lé fronton du temple de Miherve.- .
Guillet publia en ;i6y 5 , sous le nom de La Guilletière, l’Athènes ancienne et m o d e r n e Cet ouvrage fit naître
une grande querelle parmi lés antiquaires. Spon crut prouver , ce qui était douteux, que Guillet ou La-Guilletière,
n’avait pas mis le pied à Athènes, et qu’il .«s’était borné à adresser une sérié de questions sür' cette ville à un
capucin de Patras. Quoi qu’il en soit, Guillet fit usage des renseignements qu’il obtint des PP.- Simon et Barnabe;
et il cite un monument, le Pkanariton Diogenis, qu i-n’existait déjà plus dti temps de Spon.
L e voyage de Spon et de Whele r, exécuté dans les- années 1675 et 16 76, parut en 1678. T o u t le monde
connaît le mérite de cet ouvrage, où l ’a rt e t l’antiquité sont traités avec une critique jusqu’alors ignorée.- L e style
de Spon est lourd et incorrect, mais il apprend une fqùle de.choses intéressantes.
L e comte Winchelseay,' ambassadeur de la cour de Londres, visita Athènes dans cette même année 1676; ce
précurseur du' fameux comte Elgin fit transporter en Angleterre quelques fragments de sculptures.
Tandis que toutes les recherches Se dirigeaient vers1 l’A ttiqüé, la Laconie était oubliée, et Guillet. sé chargea de
la restaurer', comme il avait fait d ’Athènes. S p o n , qui n’avait pas vu'; la La conie, attaqua Guillet d’après l’autorité de
Giraud, .de Vernon, et d’autres voyageurs. Giraud était consul' de France à Athènes:,'-'depuis dix-huit ans, lorsque
Spon voyageait en Grèce, et il avait commencé une description de la Morée qui eût été fort précieuse, car il était instruit
et savait le turc', le grec vulgaire, et le grec littéral- Maisççimmeil passa au service de la1 Grande-Bretagne, il est
probable que ses manuscrits seront tombés entre les mains de ses derniers maîtres.
I l ne reste de Vernon , voyageur anglais, que son nom écrit suriune des colonnes du temple de Thésée , et une lettre
im primée dans les Philosoph‘ cal transactions, 24 avril 1676. Ce voyageur trace rapidement le tableau de ses courses dans
la Hellade. « Sparte, d it -il, est un lieu désert. Mistra, q u ien est éloignée de quatre milles, est habitée. On vo it à Sparte
« presque toutes les murailles des tours et des fondements des temples, avec-plusieurs colonnes "démolies, aussi bien que
« leurs chapiteaux ; il y reste encore un théâtre tout entier^ Elle a eu autrefois cinq milles de tour , et elle èst située à un'
« demi-quart de lieue de l’Eurotas. »
Nous voici arrivés, dit M. de Châteàubriand, à une autre époque de l’histoire d’Athènes.- Les voyageurs, qui l’ont
visitée depuis 16 76 , n’ont plus que des ruines à étudier et à admirer. En 1687 , tandis: que Louis X IV faisait élever la
colonnade,d.uiLouvre, les bombes des Vénitiens écrasaient le temple de Minerve. Cette même année on v it paraître à
Venise la Notizia del ducato d ’A tc n e , de Pierre Pacifique: mince ouvrage, sans critique et sans recherches.
Le P . Goronelli, qui écrivait en 1688 , ' dans : sa description géographique de la Morée‘reconquise par les Vénitiens, a
montré quelque savoir; mais il 11’apprend rien de nouveau, èt il fautse méfier de ses citations ainsi que de ses cartes. Cependant
un Français remarquera parmi les guerriers qui combattirent alors sous les drapeaux de Venise, un prince de Turenne' ,•
qui se distmgüà dans la Messénie, avec cette bravoure naturelle à tous ceux de sa maison, éteinte de nos jours avéc le
premier grenadier.de 1’ar.m.ée, la T o u r d’Auvergne.
U A ten a A ttica de Fanelli prend l’histoire d’A thènes à son origine, et la mène jusqu’à l’époque où l’auteur écrivait.
Cet ouyrage est peu de chose. Gbandler paraît avoir fait usage de la carte qui y est jointe.
•Paul Lucas v it Athènes en 1704 ; sa relation est, comme tout cë qu’il a publié,'mêlée de contes et de récits parfois
intéressants. L e voyage du sieur Pellegrin en 17 18 est au-dessous de celui de Paul Lucas; car son misérable pamphlet
n’est qu’un recueil d’anecdotes galantes, de chansons et de mauvais vers. L ’histoire de la dernière conquête de la Morée
par les Turcs laisse beaucoup à desirer, quoique ce soit la seule chose in téressante de sa relation.
Fourmont alla, en 1728, par ordre de Louis X V , chercher au Levant des inscriptions et des manuscrits. Une lettré
de M. Raoul Rochette au comte Aberdeen justifie, avec trop de savoir et d’é clat, F ourmont, de l’accusation de faux