payer. L e recensement fait à cette époque ne présenta pas une population de cent mille ames, ét cependant on
maintint le nombre des caratchs sur ¡l’ancien pied. O n aggrava le sort des contribuables, en détachant le Magne
du contrôle de la province, à laquelle on fit supporter sa capitation, de sorte que les chrétiens spoliés eurent à
payer trois caratchs au lieu d ’u ni Te lle fut l’issue des événements de 17 7 0 , qui coûtèrent la liberté ou la vie à
plus de quatre-vingt mille individus.
Hassan-Pacha convoitait la vice-royauté du Péloponèse ; mais il dut céder aux intrigues de ses compétiteurs, e t , le
i 4 novembre 17 79, il mit à la vo ile, emportant des trésors qu’il chérissait, e t la haine générale des T u r c s , à laquelle
il était plus qu’indifférent. Sous prétexte de ménager la p resqu’î le , il ob tint du sultan qu’elle ne serait gouvernée que
par un mouhazil, ou intendant 11 choisit à cet effet son lieutenant, Hadgi Ibrahim, ancien chef de vo leu rs , qui
avait fait le pèlerinage de la Mecque, sans en revenir plus honnête homme. Protégé dans le conseil des ministres
par Hassan, il pouvait commettre tous les crimes, et il' n’y manqua pas. I l fu t remplacé à sa mo rt, au mois de
février 1781 , par son fils, A li-B e y , qui se couvrit de forfaits , et dont la punition se réduisit à une simple
disgrâce de cour.
L e calme qui succéda à ce dernier événement ayant permis aux habitants de la Morée de respirer, chacun rechercha
ses proches et ses amis, comnie on tâche de retrouver ses compagnons d’armes au milieu des rangs éclaircis des
légions après une bataille. On se remit peu à p eu , on commença à ensemencer les terres, on releva les villages;
on entrevoyait un avenir plus heureux, lorsque du sein des champs, depuis long-temps incultes, sortit une peste
meurtrière, qui se manifesta en 1781 , et ne cessa qu’en 1785 de frapper un peuplé déjà trop infortuné.
Plutarque a d it : « Les pirates sont aussi anciens que les tempêtes et les orages dans la Méditerranée ; » aurait-il eu
en vue l’Ëleuthérolaconie? On ne parlait que des forbans du Magne depuis quelques années, lorsqu’on v it reparaître
en Morée le redoutable Mandal-Hassan-Pacha., Débarqué le p^septemb re à Nauplie, il accepte un festin splendide
qui lu i était offert par Melech-Mehemet, commandant de l’A rgolide. L a maison d e ce serasker était en fête ; g ardes,
musiciens, saltimbanques, bouffons, maîtres et valets attendaient le capitan-pacha, qui paraît accompagné d’un
lion énorme. Chacun fu it à son aspect, e t Melech, resté seul, est ob lig é de prendre place entre l ’amiral et son
lion ; qui n’é tait pas un des convives les moins affamés du banquet. C ’e st dans cette occasion que le fameux pirate
Colocotroni fu t pendu aux vergues d'un vaisseau de l’escadre ottomane.
L ’année suivante-, Hassan, qui voulait purger le Péloponèse de quelques chefs récalcitrants, y envoya Jousouf-
Pacha. Ce v iz ir reçoit les grands de la province le sabre au côté, les pistolets à la ceinture, la masse d ’armes en
main; il fait tomber des têtes, et traîner devant lu i jusqu’au muphti, qui n’échappe au. g ibet qu’en baisant la. poussière
de ses pieds. Informé de la rébellion du janissaire, aga de Navarin, i l p a r t suivi de s ix hommes, pénètre dans
la ville en passant par-dessus les remparts, assomme le coupable à coups de masse d’a rmes, en présence de ses soldats,
fait jeter son cadavre dans la mer, e t , après avoir ramené l ’ordre ,|M]| rétablit le chef-lieu du gouvernement; a
Tripolitza.
L e chancelier Bacon prétend qu’i l ne fa u t p a s mépriser les prophéties, car elles ont f a i t beaucoup de mal.
Un bruit avant-coureur de quelque événement sinistre circulait alors parmi les Moraites- ( en 1798 ). On parlait de
l’apparition d’une h yd re , qui s’était montrée à l ’embouchure de l’A chéloiis ; elle avait dévoré plusieurs b erg e rs ;
les troupeaux, épouvantés, fuyaient à son approche. C’était le signe avant-coureur de quelque satrape exterminateur,
et un Asiatique nommé Ismaël, qui p rit le commandement de la Morée au commencement de 179 6 , ne justifia que
trop la prédiction du vulgaire. Ce pacha semblait avoir fa it voeu d ’exterminer les chrétiens. Chaque vendredi1, avant
de se rendre a la mosquée, il assistait au supplice de huit Grec s, qu’il faisait pendre ou empaler, avant d’adresser ses
prières au puissant Allah de Mahomet. Son muhazil ou lieutenant, Ali-Bey, non moins farouche, faisait tuer dans ses-tournées
les paysans dont la physionomie lu i semblait de mauvais augure; e t sans l’activité des Grecs, qui adressèrent au
divan des représentations appuyées de larges sommes d ’a rg ent, ces deux scélérats auraient dépeuplé' la Morée. Ils
payèrent de leurs têtes les crimes dont ils s’étaient souillés; et, l’agriculture ayant repris-une nouvelle activité, on
ne parla plus de l ’h ydre d’Eto lie , d ’Ismaël-Pacha ni de son muhazil, tant le peuple oublie facilement le sang que
lu i ont coûté les tyrans les plus atroces. Cependant, les Grecs étaient destinés à venger leur patrie, parce' qu’il
n e s t jamais entré dans la tête,-non d’un sultan, mais d ’aucun des princes, pasteurs des peuples, qui font entre
eux tant de conventions inutiles, d ’en adopter une générale en faveur des droits des peuples, fondée sur la miséricorde
et la pitié.
On vient de parcourir rapidement les phases principales de la Hellade, dans le b u t de préparer le lecteur à- l’historique
des monuments qui décorèrent le territoire où les arts brillèrent d’u n si v i f éclat, avant la longue période
de malheurs qui l’accablèrent depuis sa conquête p ar les Romains.
S E C O N D E P A R T IE .
L a vo ix du b eso in||d jt‘le savant Quatremère de Q uincy, se fait entendre pa r to u t, et à peu près d’une manière
uniforme. Aussi rien de plus ressemblant , en rous;--pays êt en tous temps, que ce qu’on appelle les préludés des
arts. Des lors-aussi rien de moins propre à constater dés rapports de communication entre les différents peuples,
que certaines ressemblances d e fo rm e s .o u d ed im en s io n s , produits nécessaires d’idëëS communes à tous les esprits ,
H ü de besoins uniformes imposés p ar la-nécessité: Ainsi il y a dans l’art de bâtir une multitude de conformités
générales, qui n’ont d’âutrè principe que les inspirations d’ùh instinct universel. Cependant lorsqu’on analyse, à
l’égard de l’architecture des • différents peuples:, ce qui devrait constituer un corps d’h istoire, on y- découvre de
si grandes divisions d e■ temps et de lieux, qu’il&sêrait impossible'-d’en subordonner les productions ét leurs no-
,'tiôns- à aucune méthode, soit abstraite, s o if chronologique. Mais, sans embrasser cette universalité, si on se borne
à larchitecture grecque, devenue celle dé ¡l’Europe, et d ’un grand nombre d ’autrés contrées, on ne trouvera'encore
que trop de difficultés à soumettre la totalité des connaissances qu’on possède: au- système régulier d’un.ordre
historique. C ’est dans les débris <|e|« monuments antiques qû’il faut étudier l’arClütectura, car on ne -réfa it pas
les édifices. "Vainement Constantin voulut que la- nouvelle Rome fît oublier p ar sa magnificence celle que tant
de-siècles e f .tant d’efforts .avaient rendue d igne d’être da capitale du mondé, i l amassa dans Constàntinople des colonnes
apportées de Memphis, d’A thènes, de la Hellade et de l’Ionie :"comme il ne pouvait y transférer les édifices! dont ces
ouvrages recevaient autant d’é claf et de beauté qu’ils leur erî> donnaient, il-lux/*Tut impossible de reproduire cette
harmonie résultant d’un accord parfait entre-les divers.objets qui se prêtent un charme réciproque. Ains i, ce qu’il fit,
et'tôüt'cevque firent ses. successeurs* a bien moins signalé leur magnificence, que l ’impuissance où les arts étaient alors
de répondre a»ljâmbition de leurs protecteurs.
1 Nous devons peu t-ê tre nous féliciter que la- Grèce- soit tombée au pouvoir des Barbares , dont YoiibH où
Yindiffèrence ont -sauvé quelques vénérables débris de l’antiquité. Supposons qu’A thènes eût été-livrée à- la discrétion
des:-architectes-, dont le? goût • change d’âge en âge y ils »auraient l'vôulu: restaurer ; et- à. force -dè science, i l hé
resterait plus aucuns vestiges de Ce qui cause aujourd’hui notre admiration. Nous1 verrions quelques marbres chargés
d ’ornements ; - des plinthes , dès tores, des filets embarrassés de rinceaux, de' feuillages, d'entrelacs ét de sculptures
r iche s; parce que les artistes dégénérés n’auraient pu les faire? belles. - On n’aurait pas c raint'd e vouloir embellir
le Theseum et^Ièi Parthenon. Ainsi répétons qu e la Providence, qui veut'-queUes lumières soient éternelles dans le
monde, a\. faiit pour le mieux ce qu’elle a permis, même dans-les-Châtiments qu’é lle'inflig ea-aux Grecs. La barbarie
fut-donc nécessaire à la conservation de l’a rt ; tout en; déplorant ses effets, si nous continuons notre hypothèse,
•ôniverra au moins qu’elle ne leur a pas été aussi funeste qu’on le pense vulgairement. Depuis le renouvellement de l’a rt
ajoutèrle Vitruve moderne, la p lupart de ceux qui se sont adonnés à l'architecture* ont négligé l’étude de la construction
en faveur de la composition et de la décoration, qu’ils ont regardées comme les objets.principaux de leurs études-
tandis.qù’i l est certain qu’un édifice peut remplir Ifofejet de sa destination, quoiqu’il ne soit pas orné, et qu’un autre
dont la décoration serait fort-belle,'.ne' le remplirait pas.
Cet ab u s ,; du moins on peut le - soupçonner, vient de ce que la plupart de ceux qui renouvelèrent l’architecture an?-
tique* furent des peintres, dès sculpteurs et des dessinateurs qui eurent-particulièrement en vue la5 décoration,; parce
que- cette partie était plus de leur ressort que la construction, qui exige des connaissances particulières. Cependant*:
. dans les monuments historiques qu’i ls . ont cherché à imitery :on ■ vo it que les -colonnes,'le s 'frontons, et les autres
partiest-principales de la décoration qui* les ont frappés , sont' cause qué plusieurs architectes ont négligé la
construction , pour ? se livrer à la partie la plus b rillante de leur; profession. D e là; tous* ces .projets-où le principal
est sacrifié aux accessoires, e t où l’on n’a fait presque aucune attention à l’usage auquel un-édifice était destiné, ni à
la dépense nécessaire pour l’exécuter avec solidité..!
Les gens-en place et les amateurs n’ont pas assez réfléchi sur la nature et l’objet de l’arcliitecture. Cet art n’est pas,
comme la poésie* la peinture* la sculpture, la musique, une chose dé pur agrément, qui-puisse souffrir tous les écarts de
1 imagination: Voyons, d après cet exposé, comment les Grecs procédèrent e t p ar quels tâtonnements' ils'arrivèreht à la
perfection; car ils n-eureht personne à.suivre, à imiter , et ils furent eux-mêmes-leurs:guides ët leurs!instituteurs.
En adoptant dans lés arts du dessin, pour'modèle fixe e t-ré el, la nature et la forme du corps humain, ils réalisèrent
- ce : principe d ’A r i s t o t e : la beauté . n’ est autre chose que l ’ordre dans la grandeur.
L a Grèce a un passé, dira-t-on; ses premiers habitants furent les Pélasges, qui y introduisirent leurs constructions
et les arts y ont été primitivement apportés par Cécrops , fondateur d ’Athènes. Un autre étranger, Deucalion, venu du
nord , s’arrêta au .mont Parnasse et les Hellènes qu’il commandait chassèrentTes Pélasges de la Grèce; dont ils is ’emparè-
rent en s’établissant dans leurs acropoles. Cadmus de Sidon fonda Thèbes en Béotie, Danaiis b âtit la citadelle Larissa
Expêti. en Morée. ,