pour théâtre l’É pire et la Macédoine. Depuis trois ans, plusieurs Athéniens s’étaient réunis aux troupes impériales, qui
forent battues par les hommes du Nord devant Dyrrachium etdans la plaine de Janina; ma isla Hèllade demeura intacte.
Les premiers croisés ne firent que traverser l’IUyrie macédonienne, l ’Illyrieproprement d ite , la Moesie e t la T h ra çe , pour
se rendre par Constantinople dans l’Asie-Mineure. Mais, sous le règne de Manuel Comnène, successeur d’A lex is , les rois
de S ic ile , les Vénitiens, les Pisans et les autres peuples occidentaux se précipitèrent sur la Morée et sur l’Attique. R oger Ier,
qui était le chef de cette bande d’aventuriers bardés de fe r , s’empara de Corfou, de Thèbes et de Coriiithe ( i i 4o).
Les Français, commandés par Boniface, marquis de Montferrat, et par Baudouin, comte de Flandre ( ia o 4), lesVénitiens
sous les ordres d eD ànd o lo , ayant chassé Alexis de Constantinople, et rétabli Isaac l’Ange sur le t r ô n e , justifièrent, en
s’emparant de la couronne impériale pour leur propre compte, ce que Machiavel a d it , qu’il n’y a pas d’exemple dans
l’histoire d ’une restauration qui puisse être durable. Baudouin, comte de Flandre, ob tint l’empire, et le marquis de
Montferrat fu t déclaré ro i de Thessalonique.
On parle, vers ce temps, d’un misérable tyran ou roi de la Morée appelé Sgouros, né à Nauplie, qui v int mettre le
siège devant Athènes : il en $iït repoussé par l’archevêque Acominat Ghoniatès, frère de l’h istorien Nicétas. Nous traversons,
sur les traces de M. Châteaubriand, à qui nous empruntons plusieurs documents historiques, cette bande de-roitelets,
de despotes, de princes, pour arriver au marquis de Boniface, qui reçut Athènes à composition. Boniface (quel nom!
si on le compare à celui de Thémistocles) donna l ’investiture de la seigneurie de Thèbes et d ’Athènes àO th o n de la Roche;
les successeurs d ’O thon p rirent le titre de ducs d’Athènes et de grands sires de Thèbes. A u rappo rt de Nicétas, le marquis
dè Montferrat se saisit d’Argos et de la partie basse de Corinthe. I l n’eut qu’à se montrer pour s’emparer dès domaines
du ro i des fo is , Agamemnon. i r
Tandis que Boniface poursuivait ses succès , un coup de vent amenait d’autres Français à Modon. Geoffroï de Ville-
hardouin, qui les commandait, revenait de la Terre-Sainte; il se rendit auprès du marquis de Montferrat qui. assiégeait
Nauplie, et bientôt après, ils entreprirent la conquête de la Morée. Nicétas, qui à parfois quelque chose d’homérique,
nous’apprend que nos vieux paladins se nourrissaient « de culottes de boeuf bouillies; de po rc salé cuit avec de là puree
« de fèves assaisonnée d’a il et d’h erbes de haut goût. »
Les Grecs de la Péninsule, habitués à mépriser le gouvernement décrépit de leurs autocrates et à se rég ir en cantons a
peu près indépendants, ne reçurent pas sans résistance des maîtres regardés comme schismatiques, qui de leur coté les.qua-
lifiaient de schismatiques. Les conquérants ignoraient qu’en bonne politique l ’hérésie la-plus dangereuse est celle dun.prince
qui sépare de lu i une partie de ses sujets parce qu’ils ne partagent pas sa croyance religieuse. Les pays de plaines, tels que
le plateau de Patras et les vallées qui y aboutissent,l’É lid e ,la Messénie, le bassin de l’E urotas, l’A rg o lid e ,la Corinthie,
quelques parties d e l ’A rcadie e t le rivage septentrional de la Chersonèse, se soumirent. Mais l’Elèuthérolaconie, qu on
appelait alors Tzaconie, qui avait résisté à l’autorité des augustes et des eunuques du Bas-Empire, les peuplades de
l’O lénos et du mont Cyllène parvinrent à se soustraire à la domination des Français. Ces étrangers ne s é tablirent
qu’après des combats sanglants à Calavryta, dans les roches Oléniennes, qui ont retenu la dénomination de Santa
Meri ou. montagnes de Saint-Omer, à cause d’un château fo rt que le seigneur de ce nom y fit construire, par ordre du
marquis de Montferrat, maréchal de Champagne e t de Romanie.
Ce prince, maître de la majeure partie de la Morée, ne voyant que des vassaux à exploiter, au lieu denfante des
Hellènes qu’il aurait fallu rendre dignes des institutions glorieuses de leurs ancêtres, introduisit là féodalité dans so n .
nouveau royaume. Ainsi les divisions de thèmes et d’éparchies, qui dataient de l’ère des autocrates grecs, furent remplacées
par d’autres démarcations. L a G rèc eeu l des ducs et des comtes d ’A thènes, de Corinthe, de Patras e t d A rg o s ; des
barons de Caritène, des marquis de Thèbes, d eLivadie, deNégrepont; et nos Roger de Damas devinrent seigneurs des
Thermopyles.
L a chronique de la conquête de Constantinople e t de l’établissement des Français en Morée nous donne des aperçus
curieux sur la division politiqiie de la presqu’île, à l’époque de 1207. L e livre de partage dressé par o rdre dé.Geoffroi d eYille-
hardouin portait que Gaultier de Rousseau aurait vingt-quatre fiefs dans le riche vallon de Messénie, au b ord duXerillos,
où il fit bâtir le château d’Acova. Messire Hugues de Brienne eut en partage le pays des défilés de Scorta, surnommé les
portes de la Laconie, avec vingt-deux fiefs de chevaliers e t des privilèges : il fit, dans la suite, b âtir le château de Caritène.
Le troisième porté sur le livre était messire Alaman, auquel on concédait Patras et ses dépendances. Rémond
obtint, à titre de baronie, le château de Ve ligo s ti, quatre fiefs et le droit dépo r te r bannière. Messire Guillaume eut le
château de Niclée avec six fièfs. Guy d e Nesle obtint six fiefs dans la La conie, où il fit b âtir la forteresse de Hieraki.
Raoul de Tournai reçut Calavryta e t deux fiefs. On accorda à messire Hugues de l’Ile huit fiefs de chevaliers à Vostitza;
il changea son nom en celui de Carbonaro. Messire Lucas eut quatre fiefs avec la vallée e t les dépendances de Gritzena.
Jean de Neuilly obtint Passavas, quatre fiefs, le droit de porter bannière, et le titre de maréchal réversible à ses descendants.
On décerna quatre fiefs à Robert de la Tremouille, qui fit b âtir Châlanthistra et p rit le surnom d e cette seigneurie.
On alloua, dans le pays de Calamate, quatre fiefs aux Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, quatre aux Templiers, sous
la condition de lever bannière, et quatre aux chevaliers teutoniques.
On assigna huit fiefs de chevaliers au métropolitain de Patras e t à son chapitre, quatre de même nature à 1 évêque
d’Olénos, deux à levêque de Modon et deux à celui de Coron, qui étaient tous des prélats italiens. Ces deux derniers
reçurent de plus chacun deux fiefs de chevaliers pour leurs chapitres. Les évêques de V e lig o s ti, d’Amyclée et de
Lacédémone furent dotés de quatre fiefs chacun.
* L e . registre, continue lè chroniqueur, portait ensuite lès noms de plusieurs chevaliers qui avaient obtenu le don
d’un fiéf; e t ceux d’un grand nombre de sergents. O n décréta, dans un parlement tenu à ce sujet, des règlements
empruntés à l’anciènné jurisprudence française, qu’on a appelés .'depuis"L i s • bons '-droiti et assises de Jérusalem. Il
fut arrêté, enconséquence j - que ceux qui possédaient quatre fièfs. lèveraient bannière e t feraient le service de ban-
nerets, chàcun étânt. tenu d’avoir sous son drapeau un clievalier et douze sergents.’ Ceux qui possédaient plus de
quatre.fiefs fùrént.apppintés à l’entretien, de deux, sergents à cheval, ou d’un chevalier, pour chaque fief; enfin,
le s ’chevaliers qui n’avaient qu’un f ie f fu ren t’tenus de servir en personne, ce qui’ leur fit donner le nom de sergents
d é la conquête.
Les blasons de nos familles historiques furent ainsi arborés aux portes de l ’Acropole d ’A thènes, de la Palamide de
Nauplie-,:de là citadelle Larissa et de la forteresse de Patras, que Villehardoüin''avait fait construire sur l’emplacement
de, Sainte-Sophie, église qui avait succédé au temple de Diane Laphrienne. Ce fut plus tard que le pavillon de
SaintfMarc flotta sur les rempapts’;d^&ari'nKJÔù Navarin, àMéthohe.et à.Côlonis.'Le marquis! de Montferrat ayant été’tué,
sa vëuve fut déclarée -régente du royaume de Thessalonique. I l est probable que la Morée secoua momentanément le
jo u g de ses dominateurs : les haines religieuses y contribuèrent puissamment; les malheurs, de Guillaume, qui dut
restituer.ses conquêtes à l’empereur g r e c , firent.le reste. •,
Nous ignorons quel fut le casuel de Rome, dans la Morée, objet de la convoitise du pape Innocent III. On remarque
dans une des lettres de ce pontife, adressée à l’archevêque d’A thènes, ce passage, qui explique la cause des ressentiments
des Grecs : « Comme nous devons notre sollicitude pastorale-aux Corinthiens, dès que leur ville sera au
« pouvoir des Latins^ ce qui ne peut tarder,: Si: la chose n’est déjà faite, que lés brebis du Seigneur, ramenées à
«tîun-seul pasteur / lé connaissent et soient connues de lui. C’e st pourquoi nous mandons et ordonnons' à votre fraie
ternité, si Corinthe s’ést rendue au très-noble G . , sénéchal de Romanie, et qu’i l s’y. trouve quelque évêque grec,
« d’user de prudence et de moyens efficaces pour l ’amener à noirèjobédience, en exigeant le serment usité en pareil
« cas.-!S’i l s’y refusait,'vous procéderez aussitôt à son remplacement, ënÎlpil substituant notre cher fils II., doyen
« de Châlon s.VLe pape qui traçait ce plan de capitulation , ordonnait de destituer les clercs réfractaires à son
autorité, e t . enveloppait la Moréé dans le filet de saint P ie r re ,! sous le titre de* province ecclésiastique : d è ’Corinthe.
T o u t peuple blessé dansisa croyance est. doublement ennemi du conquérant qui attente aux droits de sa conscience
et de son*indépendance. Il r i’eri fallait pas tant pour rendre les Péloponésiens contraires aux Latins, et même plus,
favorables aux. Tu rc s , qui toléraient leur culte, qu’a un pontife étranger , tel que le pape.
Vainement les Latins avaient couvert la Morée de donjons; fondé Mistra; comme ils étaient généralement haïs,
ils se trouvaient campés et noii établis à demeure sur le sol de la liberté primitive du monde! Ils durent, après
avoir ‘ éprouvé , des revers, abandonner une partie des provinces qu’ils avaient conquises ; et la Morée vit s’élever
le gouvernement des princes RoméiqueS, qu i furent bientôt aux jjrises avéc les Français.
Emmanuel est le premier G rec revêtu du titre de Despote ,|Q!U ù ù fii t conféré par son père, en 1249, avec celui de
d u c de Mistra. L a fille de Jean de Ltisignan, qui fu t depuis ro i d’A rménie, lui avait été-accordée en mariage d u vivant
de l’empereur Androilic.le. jeune ; niais; le traité ayant été rompuj'il éjpousa une dame de Bulgarie et mourut le jou r de
Pâques 1280. Emmanuel eut alors pour successeur Théodore. Paléologue, fils puîné de l’empereur Jean q u i, redoutant
la pùissàncè 'dé Bajazet, dont les hordes avaient paru dans la Béotie, vendit le: duché de Sparte aux.chevaliers.de Rhodes,
et la seigneurie d’A rgos aux Vénitiens. Les habitants de la Laconie avaient éprouvé trop de vexations de-la part des
Latins pour se soumettre auxxhèyàliers ; et le despote , obligé de faire résilier son contrat; étant mo rt, son neveu,
despote de Selÿvrée; fils puîné de l’empereur Manuel , hérita, d é cette principauté. Il épousa Cléope j’ de la famille des
Malatesta, qui mourut en i433;, et ayant lui-même été moissonné par la peste en 144? > son despotat'échut à son frère
Constantin. Celui-ci, ayant été.élevéà l’enipirè, transmit l’investiture de ce despôtat'à Démétrius, son frère , qui fut le
dérnier prince grec d e Moréé.
■ On peut jug er d ’ajprès'ce réc it que les seigneurs latins étaient depuis long-temps dépossédés de la Laconie et d e l’A r-
golidé;:mais ils-conservaient les provinces situées au nord et à l’occident de la presqu’île.
• ! L ’empereur- Robert: d’A njoù, mort en 1364, avait donné à Marié de Bourbçn , sonépoiise, la province d’A chaïe, dès
l’année 1357!, Calamate, avec les châteaux et autres dépendances, pour les posséder en fief noble et en baronnie, suivant
la coutume; s’en réservant,’ et à ses successeurs, la seigneurie directe. I l ’avait ajouté à ces dons, par actè.pâssé à Naples
en i35p,- léivfijSgè alors désert de Poscarinicon et la montagne de! M oudrinitza, pour joindre au château de Phariafion,
qu’elle avait acheté de Guillémettê de Charoi, ci-devant dame de V o s titza , en lu i. accordant l’investiture par: l’anneau
d’ôr.-Ges ventes étant.des espèces de dotations très-aventurées, l’impératrice.Marie de Bourbon et son fils, Hugues de
•Cypre, prince de Galilée, s’étaient empressés, du rivant de Robert d’A njou , de vendre à la maison de.Neri les baronnies
de Vostitza et de Nivèlet. La remisé en fu t faite à cette famille, le 17 mars i364, p ar Alexandre de Brancas, maréchal du
roi dè Si.cile! ■ ! v1
Il en était temps; car les Centerions, famille puissante de Gênes, concurremment avec les Paleologues e t les Zacharias
Mellissènes, issus d’A lexis Strategopoulos, qui avaient expulsé les Latins de Constantinople, s’emparaient pied à p ied
du Péloponèse. Les Vénitiens et le's Tu rcs étaient sur le point d e s’y trouver en présence. Ces derniers, qui y avaient déjà
fait quelques incursions, étaient parvenus, au mois de décembre, à renverser la muraille.de l’isthme, et Amurath,qui
les conduisait, avait incendié Patras.