(( Au forni de la gorge do la Doi-ches, dit-il (l), et ù quelques
cenlniues de inèlres aii-dossiis du niveau des roches
as])hallisées {du gilè de Pyrimont au noi'd de Seyssel) on
observe un banc de schiste bilumeux de 18 à 20 mètres de
jiuissance , covi-espondanL dans la série du terrain jurassique
au Kimméridgien. » Plus loin (2) en parlant des mômes
schistes du lUigcy, il revint sur cette Classification et il
ajouta : « Considérés sous le rapport géologique, les schisles
occupent, dans l'ordre de superposition des lorrains, l'assise
iniérieure de l'étage supérieur jurassique (\c Kinimériâ^ien
des Anglais). »
Celte opinion si clairement énoncée fut d'abord vivement
critiquée, mais les géologues qui l'avaient repoussée furent
pour la plupart obligés de î'adoplcr ensuite. Quoi qu'il eu
soit, l'honneur du véritable classement des calcaires bitumineux
el lithographiques de la chaîne du Jura français appartient
à ^ì. S. Hier.
Une année avant la lecture publique du mémoire précité,
eu 1838, M. l'iugéuieur Drian, géologue lyonnais, découvrit
les belles empreinles de poissons de la carrière de Cerin,
commune de Marchamp (Ain); puis en 184611 les communiqua
à Y. Thiollière. 1/examen de ces échaulillons fut le
pointde départ des persévérantes et remarquables recherches
de ce dernier savant, qui, pour s'occuper uniquement de
rétude de celle riche faune et pour combler une lacune
resléc dans les travaux géologiques français, n'hésita pas à
abandonner le tracé de la carte géologique du départemenl
, du Rhône.
Dans sa Minéralogie ot Pélralogie des eììvirom de Lyon,
1849, M, Drian se conlenta de répéter quelques passages de
la première noie (3) de Thiollière, (jui plaçait dans le Corallien
les couches de Cerin.
Avant la publication de celte note, 1841, les savants auteurs
de la carte géologique de France, partageant la manière de
voir de M. J. Hier, avaient donné aux couches bitumineuses du
Bugey la teinte du jurassique supérieur.
Leur exemple fut suivi tout d'abord par A. d'Orbigny.
Lorsqu'il publia, 1842-1849, sa Paléontologie française, il lit
dessiner cl décrivit (4) comme appartenant au Kimméridgien
des fi'agments d'un céphalopode, le Kelaeno spcciosaQilmsier),
que M. Itier avait découverts dans les schistes d'Orbagnoux.
Le comte .Miinster avait déjà signalé celte espèce dans les
jiiaquesdu calcaire jaune de Solenhofen. De ce dernier fait le
savant paléontologiste français aurait pu conclure que les calcaires
lithograpliiques de la Bavière étaient les équivalents
des schistes du département de l'Ain ; bien au conlraire, dans
son Prodrome de 'paléontologie (5), il classa dans l'Oxfordien
les espèces venant des carrières de Solenhofen et décrites par
le comte de Münster ainsi que par Goldfuss. Tel était l'état
de la question, lorsque notre regretté maitre et ami fut amené
à formuler sa manière de voir.
Dans so. Première Note, 1848-49 (6), Y. Thiollière n'admit
ni le système d'Agassiz qui rangeait ces terrains danslePortlandien,
ni celui de d'Orbigny et de Bronn qui en faisait de
l'Oxfordien. A celle époque, il ne connaissait pas le mémoire
de M. .1. Hier, et i! rattacha au Corallien les calcaires lilhograpliiques
de Cerin, mais ses études paléonlologiques et slratigraphiques
rengagèrent à reconnaître l'analogie coniplèle qui
exisle enlre les couches de Cerin et celles de la Bavière. Il
les proclama toutes du même âge. Cette assimilation de ces
deux terrains avaii une grande importance, car jusqu'à celle
(1) Mémoire cité, p. 2S.
(2) Mémoire cité, p. 27.
(3) Armales de la Sociéi,} d'agriciillurc, ele. de Lyon. 1849, série, l.
43.
(4) Pal^ont. française. Terr. junss,, t. I, p. 140, pl. 23, lig. 3.
époque les gisements de la Bavière, avec leur riche coUeclion
de poissons, d'insectes el de crustacés, avaient été regardés
comme ne se rapjiortant à aucune formation connue etcommç
le résultat de circonstances absolument locales cl accidentelles.
Maintenant il est admis comme un fait incontestablo.
que les dépôts de schisles et de calcaires lithographiques de
la partie supérieure des monts Jura, si remarquables par les
fossiles spéciaux qui les distinguent, sont contemporains et font
partie de dépôts du même âge, lout en formant trois groupes
])rincipaux bien séparés : le ¡n-emier s'étend de K.elheini à
Pappenheim dans le Jura bavarois, l'autre apparaît dans les
environs de Nusplingen en Wurtemberg, le troisième enfin
renferme les calcaires de Cerin, d'Armaille, d'Orbagnoux, du
Valroniey, dans le département de l'Ain, auxquels se rattachent
ceux du nord du Bas-Dauphiné, de Creys, de Moreslel,
elc.
En 1850, M. V. Thiollière, dans unesecom/e«oi?cc,développa
encore plus clairement ses idées sur le niveau de ces couches
el, tout en repoussant le système de M. Hier, il combattit
avecvivacilé l'opinion de d'Orbigny. Laclassiiicaliondenolre
compatriote fui donc une espèce de moyen-lerme entre les
opinions exti'èmes, et elle devait paraître l'expression de la
vérité. Nous verrons plus loin sur quelles bases il la fondait.
Du reste, son opinion était partagée par un géologue consciencieux
du Bugey, M. Sauvanau, et, fort de l'appui de ses
observations, i! ne lamodifia en rien, lorsqu'il publia, en 1854,
la première livraison de son grand ouvrage.
Dans son Ilisloire des progrès de la Géologie (7), mais sans
rien préjuger sur cette question slraligraphique en l'absence
de documents suftisants, M. d'Archîac, en 1856, parût se
ranger du côté de l'opinion exprimée graphiquement sur la
carte géologique de France; ainsi, il fit remarquer que la
présence du groupe supérieur sur la rive gauche du Rhône,
dansle canton de Moreslel (Isère), faisait présumer qu'il ncmanquait
pas non plus sur la rive opposée. Seulement, il ajoutait
que, si les étages de Portland et de Kimméridge y étaient représentés,
ils devaient avoir des caractères différents de ceux des
mêmes terrains, dans les départements du Doubs et de la
Ilaute-Saône, et très-semblables, au contraire, à ceux du
Coral-rag. Cette dernière appréciation est vraie pour le Portlandien.
Nous avons déjà annoncé que M. Lory en 1866 (8) avait
pour ainsi dire clos cette discussion, mais l'opinion qu'il formula
alors n'avait pas toujours été la sienne. Dans sa DescripLion
géologique du Dauphiné (1860) (9), restant indécis
entre les systèmes de Bronn, de d'Orbigny, de Thiollière, il
avait assigné la même teinte J ' à l'étage oxfordien, aux calcaires
lithographiques cl aux couches coralliennes à nérinées
de Creys, de Morestel, qui sont la suile de celles du Bugey.
Cette classiûcalion était trop vague pour satisfaire un géologue
aussi exact, et dès lors il se proposa de la modifier
ullérieurcment; c'est ce qu'il a fait, ainsi que nous l'avons dit
plus haut.
Pour M. E. Benoil, auteur d'une carte géologique du département
de l'Ain qui doit bientôt paraître, les couches à poissons
représentent le calcaire aslarlien ou séquanien des géologues
jurassiens, c'est-à-dire la base du Kimméridgien; les
couches d'Armaille corj'cspondraient à la partie supérieure
des carrières de Cerin.
Sur noire demande, M. le comte de Saporla vient d'étudier
avec une attention toute particulière la llore des couches ù
(8) Prod, de Pal., t. I, p. 347-381, -18S0.
(6) Ann. de lo Soc. d'Agr. de Lyon, 2= série, t. I, p. 42.
(7) T. VI, p. 027.
(8) Bull. Soc. Céol. de France, t. XXIII, Mém. eilé.
(9j Première partie, p. 30.
poissons du Bugey el du Dauphiné. En suivant un mode nouveau
pour la déterniinaliou straligra|)hique de ces terrains,
ce savant paléophytologiste est ariivé ù reconnaître dans les
végétaux de Cerin, d'Artnaille, d'Orl)agnoux, de Creys les
caractères de l'époque kimméridgicnne, et ce niveau serait le
plus élevé de tous ceux qui renferment des piaules fossiles
dans la série française des terrains jurassiques, si l'on en
excepte le Portlandien inférieur (zone ii Amni. gigas) de Boulognc
sur-.Mer, qui vient de fournir plusieurs espèces nouvelles,
parmi lesquelles il faut distinguer une Fougère
Scleropleris muUisecta Sap,, congénère el très-voisine de
l'une des formes caractéristiques de Creys, le Scleropleris dissccla.
En résumé, nous voyons que les géologues français, pour
classer ces couches, les ont placées tantôt dans l'Oxfordien,
tantôt dans le Corallien, ou dans le Ivimméridgien et nu'une
dans le .lurassique supérieur simplement.
Opinions des géologues allemands. — Nous retrouvons
en Allemagne les mômes divergences.
De Buch (en 1831), uon-seulement combattit l'opinion de
Murchison (1) qui mettait les calcaires en plaques de la
Bavière sur l'horizon des schisles de Slonesfleld, c'esl-à-dire
dans le Cornbrash, mais encore il voulul établir la superposition
de ces couches au-dessus du Corallien. D'après ce géologue,
les calcaires lithographiques auraient élé déposés dans
des bassins fermés, el cette circonstance leur aurait donné
les caractères particuliers ([ui les dislinguenl. Yoltz (2), en
précisant davantage ses idées, exprima dès 1836 l'opinion
que les schisles deSolenhofen paraissaient être un faciès de
l'étage portlandien, émettant ainsi une opinion bien ra|iprochée
de la vérité, au moment où beaucoup de confusion
régnait encore dans la manière de voir de ses contemporains.
En elTet, presque à la môme époque, Bronn (3) ])laçait les
schisles à poissons dans le Corallien inférieur qui était pour
lui l'équivalent de l'étage oxfordien supérieur. Nous avons vu
que celle classilîcation trouva un écho en France, mais elle
ne fut pas adoptée par lous les géologues allemands. Ainsi
¡\IM. Quensledt et Pfizenmayer, dans une coupe du Jura de la
Souabe (4), placèrent dans la partie supérieure de leur Jura
blanc, étage Ç au-dessus du Corallien, dans l'oolilhe supérieure,
les calcaires à crustacés ou schistes de Solenhofen.
Plus lard (1849), M. Fraas (5), loin de |)récîscr davantage,
prétendit que les calcaires lilhographiques, tout en étant
supérieurs au coral-rag, venaient se confondi'e latéralement
avec les couches à diceras. Ce seraient des dépôts eiïeciués
dans des bassins peu profonds et entourés do récifs.
D'un autre côté, M. Waagen, dans saremai'quable étude (6"1
sur le Jura de Franconie, pencha pour l'opinion que les
calcaires à poissons et les couches coralliennes à diceras
arieliua n'étaicnl que les dilîercnts faciès, les diverses manières
d'être toutes locales d'un même dépôt. Pour les géologues
de nos pays, celle thèse n'est pas admissible, puisque, à
chaque pas, nous pouvons observer les schistes lilhographiques
les mieux caraclérisés cl bien développés superposés
aux couches coralliennes également bien développées et
préseutiint Icui's fossiles ordinaires.
Cette superposition immédiate des couches en question
au-dessus du Corallien, dont elles sont indépendantes, en uu
mol, celle classilîcation, que nous regardons comme vraie et
(|ui a été adoplée par MM. Lory, Ebray el de Saporla. avait
déjà élé proposée ¡)ar Oppcl, eu 1858, à la lin de son mémoire
Pie Jura ¡'ornialion England's, elc. (7), el il la reproduisit,
en 1862, dans un autre ouvrage (8). Chaque fois, il regarda
les calcaires lithographiques comme dépendant de l'horizon
kiînmcridgien.
Après bien des hésitations, bien des recherches contradictoires,
il fallut donc revenir aux idées de M. J. Hier, c'est-àdire
revenir au ])oint de départ.
Bases de l'opinion de Victor Thiollière. — Tels ont élé
les principaux systèmes de classilîcation de ces couches
problématiques; poui' comjiléter cette étude hislorî([ue, il
nous reste à rechercher les motifs qui ont cnipcché Yiclor
Thiollière, malgré son talent d'observation, de saisir la véritable
relation des couches à poissons du Bugey avec la séi'ie
des étages géologiques et qui l'ont engagé à les maintenir
dans l'étage corallien moyen, 11 a, pour ainsi dire, expliqué
lui-même ses convictions scientillques, en faisant connaître
ses impressions après une de ses premières courses à Cerin
(30 avril 1847). « Il pai-ait, écrivit-il dans un de ses carnets
de notes, que l'on ne rencontre dans la carrière d'autres
traces de fossiles que des empreinles de poissons, qui n'y
sont pas très-rares et qui sont généralement bien conservées.
Un peu plus haut, j'ai recueilli quelques petites huîtres ou
exogî'i'cs virgules, semblables à celles du calcaire ù zamîtes
de Morestel et de celui des empreintes végétales de Cormaranchc.
La présence de ces fossiles cl la conformité des cai-actères
dcstratilicalion en lits minces, de texture fine, etc., doit
porter à assimiler les dépôts de ces trois localilés. Mais sontils
du Portlandien? Sont-ils du Corallien? C'est ce (]ue je
n'oserais décider encore. SeulemenI, je suis porté, par l'aspect
des lieux et des roches du pays, dénuées d'assises marneuses
assimilables aux marnes à astartes ou kimméridgiennes, à
comprendre ces couches à zamites, à poissons, à exogyres,
dans le groupe corallien. »
Ainsi que nous l'avons déjà dit, lorsque Thiollière éci-ivait
ces lignes, il ne connaissait pas le mémoire de M. Hier (9);
mais l'absence des marnes kimméridgiennes avait pour lui
une telle importance que, lorsqu'il connut la classilîcation de
ce géologue, il n'en pei-sévéra pas moins à regarder comme
coralliens tous les calcaires compris entre l'Oxfordien el les
marnes inférieures au Valangien, les marnes du Purbcck.
Une pensée, d'aillem-s, le préoccupait: c'était celle de réagir
contre la tendance de A. d'Orbigny et de quelques autres
géologues, qui voulaient placer les couches à |)oissons de la
Bavière et de la Souabe el, par conséquent, celles du Jui-a
français dans l'Oxfordien. Il concentra ses efforts à démonli-er
cette erreur; il fut satisfait en maintenant les nérinées, les
dicérales et les polypiers dans une même assise et en plaçant
ce gisement sous celui des schistes litographiques el des
calcaires équivalents (10).
Celte classification de ces schisles au-dessus des dicérales
et des poly|iiers, qui était alors pour Thiollière un fait de
notoriété, est toujours l'expression de la vérité. D'après ce
système, les couches à poissons représenteraient le Corallien
supérieur ou dépendraient déjà de la partie la plus élevée des
terrains jui-assiques. Pourtant, notre maître se crut obligé de
modifier sa manière de voir et il assimila, plus tard, ces
mêmes assises à la partie moyenne du Corallien.
En 1854, en publiant sa première livraison in-folio, p. 2,
il résuma ainsi ses convictions à l'égard de ce fait scienti-
(1) ;)Mmííí (ìoGcol. do la lìòcho, p. 3n3, IS33.
(2) Zweiter Vortrag überdas Ceim Aplijcluis in i.
1837, p. 434.
(3) nrowù Lûtàoea, 3'édii., l. Il, Tableau, p. 12. Oolilhcn-Gtbirg,
(4) Zeilseh. der Dculsch. geol. Gosaltsch., t. lU, pi. 10. 1853.
(0) Wilrllcmb. Nutunvis$. Juhrcsb., aiiiiéo. lUO.
Jnhi-huck fur Mineralogio,
(15) DerJurain Franken, inMtresb. der Vereins inìVitrtlcnibcrtj IO/n/ii-i7-'1803-
(7) Jaltrcsb. der Vereins, in iVûrliembcrg. 14 Jahrgang. 1S3S, |). 129.
(8j l'iiloeoiitotogisclie Millheitwgen 8. StiiUgarl. 18152. Tableau p. 3, 4, y,
(öj .In-i. de la Soc. d'.igr. do Lyon. 2« série, ISdO; t- III , !'"' partie, p. 170,
1" nollce, etc.
(10) Ann. delaSoc. d Agr. de Lyon, 2« série, l. III, partie, p. 160. ISöO,