C I I A P I T I I E PREMIER
URMAnOURS 1)K M. TI! 1111.1,1 Uli! APPLICATION TIP. L\ Al KTlIOUlv HE CÜVIEIl AU Cl.ASSEMF.ST DP.S POISSOiN'S FOSSIMiS
i LlíS OM.CAIIiF.S LITIIOUIWPIIIQUPS 1H' UL'OfiV (I)
(( M. Tliiolliíírc expose que la faune fossile de I'ci'e
jm-assiqii e ne comin-end pas d'aiilpes poissons qne des Sélac
i e n s (raies, squales cL chimères), d'une pari, el, de l'aiUre,
(les MalacopLérygiens abdominaux, lels que Cuvier enlendail
F o n l r o d c ce nom. Il faut r emarque r seulement qu'une grande
partie de ces abdominaux fossiles ont leurs vertèbres incoinp
l é l e m c n t ossifiées, e t éUiblissonl, par cons equent , le passage
des Lépidostées aux Esturgeons. Par conlrc, les deux premières
subdivisions de cet ordre, les Cyprinoïdes et les Siluroïdos,
ne paraissent pas avoir eu de représentants avant
l ' é p o q u e ierliaire; c'est surtout par les Clupéoïdes que s'opère,
d e la manière !n plus claire, la liaison des Malacoptérygiens
a b d o m i n a u x des deux faunes.
(( Q u e l q u e s g e n r e s j u r a s s i q u e s i n o n t r e nt aussi dans l'osléol
o g i e d c leui- l è t eune tendance à s e rapprocher des Salmones
e t des Lucioules. Mais il faut reconnaître que les genres qui
c o n s t i l u e n U a majorité dans la représenlalion de l'ordre des
.Malacoptérygiens abdominaux, à l'époque du Jura, sont ceux
q u i , rovèlus d'écaillés ganoïdiques, ont en mèrae temps la
c o l o n n e vertébrale en partie cartilagineuse; or, ces liéniic
b o n d r i e n s ganoïdi(]ues semblent avoi r totalement disparu de
la série des formes organiques qui peuplent à présent nos
mers et nos fleuves.
« De ce résumé comparatif ressort le fait important t|uc la
m é t h o d e de Cuvier, qui attribue une valeur plus décisive à la
s t r u c t u r e et à la ¡losilion des organes de la locomot ion qu'aux
c a r a c t è r e s fournis, soit par la considération des écai l les et des
t é g u m e n t s , soil par l'examen anatomique des organes intern
e s , trouve dans l'application à l'ichthyologie fossile une just
i f i c a t i on d'autant plus frappante, que celte classification est
a n t é r i e u r e à la dale, où, grâce aux immenses recherches de
M. Agassiz, on a pu jeter un coup d'oeil synthétique suries
p o i s s o n s fossiles des diiTérents terrains anciens, et sur ceux
qui vivent aujourd'hui.
Cl Mais, dira-t-on, si l'on peut arriver, en empl o y ant le lang
a g e de Cuvier, à ce résul tat , qu'avant le dépôt des terrains
c r é t a c é s , aucun poisson appartenant aux grandes divisions des
A c a u l h o p t é r y g i e n s , des Malacoptéiygiens subbrachiens et des
Aj)odcs, n'avait encore paru, et qu'il n'existait alorSj de
toute rinuncnsc série des poissons à branchies libres, ([uedes
M a l a c o p l é r y g i c n s abdominaux, M. Agassiz, de son côté,
n'avait-il pas annonc é , avec autant de précision, que l'apparition
de ses CLèndides et de ses Cydoïdes ne datait que des terrains
de hi craie, et qu'auparavant tout poi s son qui n'était pas
P/ftcoï(ie appartenai t à s e s GavioïiZes? En quoi la première des
d e u x expressions csl-ellc préférable à l'autre?
<( On pourrait d'abord répondre que lantériorilé est en
faveur de la mé thode suivie par Cuvier ; ma i s , laissant de côté
l e s lins de non recevoir, et abordant ncl lement le fond de la
q u e s t i o n , M. Tiiiollière sout ient que les i\Ialaco|)lérygicns abd
o m i n a u x forment un ordre net tement délimité par les caract
è r e s tirés, non pas seuiement de la position des ventrales,
mais de l'ensemble de leurs nageoires, et que ces caractères
(I) Clinpilre cnlièremcnl
KiiuDÎon (Xtraordiiiaire élmi
Mirali (Ja Üullclin de la Société géologique de France.
: à Kevers du au 8 sepltmlirc 1838.
s ' a p p l i q u e n t de la manière la moins contestable à tous les
p o i s s o n s à branchies libres qu'on connaît dans le terrain jur
a s s i q u e . Sans doute, les Célacanthes sont fort différents des
P y c n o d o n t e s et ceux-ci des Leptolépides; mais tes uns e t les
a u t r e s ont leurs ventrales supportées par des os du bassin
l i b r e m e n t placés sous l'abdomen, et n'ont des rayons épineux
ni aux ventrales, ni à la dorsale. On dira, si l'on veut, que ce
c a r a c t è r e est peu phi losophique, mais il est sûr cl simple.
« Peut-on en dire autant des moyens parlesqnelsM, Agass
i z est arrivé à former son ordre de Ganoïdcs ? Voici le sentiment
de .]. Müller à cc sujet (Voyez iMémoire su7- les Ganoïiles,
eic.,dans les i n n . des se. l i a i . , 3""" s é r i e , I.IV, p. ,]2) (2) :
Si on laissai/, parmi les Ganoides tous les poissons que M. Agassiz
y aplaces, la définition de cet ordre deviendrait tellemenl
çn}brQ^lilUe qiCil serait impossible de dire cc que c'est qu'un
Ganoïde, et il faudrait reconnaître que les caractèi-es de cet
ordre sont parfaitement inconmis. La date (1844) où Müller
s ' e x p r i m a i t ainsi ne permet pas de douter que la critique ne
s ' é t e n d e aussi bien aux genres fossiles qu'aux genres vivants,
p u i s q u e la publication des-Rec/ierc/ics stir les poissons fossiles
é t a i t alors terminée; d'ailleurs, le savant anatomislc de Berlin
dit plus loin que la position des Leplolepis et des Megalurus
parmi les Ganoides lui parait dout eus e , parce que cc sont des
g e n r e s à squeletlc osseux et à écailles minces, arrondies
e t imbriquées , l-cs même s motifs de doute existent pour d'aut
r e s g enr e s qui accompagnent les Leplolepis et \es ñfegalurus
dans les calcaires jurassiques, tels que les Tlirissops qui pull
u l e n t dans les gisements du Bugey et de la Bavière, et que
M. l leckel place dans la fami l l e des Clupcs (3). Avant d'accept
e r l'assertion de M. Agas s iz, que tous les poi s sons fossiles du
Jura qui n'étaient pas de son ordre des Placoïdcs apparten
a i e n t a celui des Ganoïdes, il faudrait donc que ce dernier
fût mieux défini.
« Mainleiiant, J. .Müller, qui rejette les Cydoïdes, les Cténoïdes
cl les Placoïdcs de M. Agassiz, mai s qui avoul u maintenir
en le réduisant de m o i t i é c c l ordre de Ganoïdes, et qui en
a fait une sous-classe de son système, a-t-il é t é plus heureux
dans la manière dont il le caractérise? Au point de vue des
g e n r e s éteints, la question n'est pas susceptible de réponse,
p u i s q u e l'auteur n'accordt: la val eur orc/m/(yite qu'à des caract
è r e s qui ne sont plus appréciables sur les fossiles : la structure
du coeur, du cerveau, des intestins, elc, Veut-on juger
du mérite de cet t e mélltodc par les résultats de son applicat
i on à la faune vivante? Ou voi t alors que .1. Mül ler, pour arriver
à donner au groupe des Ganoïdes l'iiomogénéité ijui lui
m a n q u a i t dans la méthode de M. Agassiz, n e voulait d'abord y
a d m e t t r e que des poissons à écailles ganoïdiques (le Lépid
o s l é e e l l e Polyptère), ou des operculés à squelet t e cartilagin
e u x (les Esturgeons, Spalulaires, etc.), c'est-à-dire la portion
des Malacoplérygicns abdominaux qui se rapproche le
plus des Sélaciens. Mais à p e ine avait-il publié cette oiiinion
(•2) le ra(Smolro île J. MHllcr a paru parmi Cd
18«, p. 117, pl. 1 !. 0).
(3) fJe DIainvillQ (S(ir la IchUiyolitha, p.
comme (itanldu genre Clnpca •• Cl. $prallifort>
X de rAe:id<iiiiiü de Berlin (1840 |
qu'il se vit obl igé, ]>our n e pas renier la val eur des caractères
a n a t o m i q u o s ([u'il venai t de proclamer, de comprendre aussi
dans ses Ganoïdes les Amia, qui sont dos [)oissons à squelette
o s s e u x et à écailles cornées, trop voisins évidemment des
C l u p e s et des Esoces jiour être rangés dans une sons-classe
d i l T é r c n t c ( i ) .
« Feu lieckel avait cliercbé dans le modo de terminaison
d e la colonne vertébral e un moye n dejustilier la position mé-
I b o d i q u e dos Amia pai'mi les Ganoïdes. Mais la valeur de ce
m o y e n , sufllsanle sans doute pour séparer les genres entre
e u x , ne l'est plus pour distinguer les ordres, puisque ia man
i è r e dout s e termine la colonne dorsale varie beaucoup parmi
les Ganoïdes eux-mêmes. Ainsi les Pycnodontes d'une
part, les Célacanthes de l'autre, dilTèrent autant des Amia
s o u s ce rapport, que celles-ci diffèrent des Clupes ordin
a i r e s .
(I iM. Thi o l l i è r e conci ut de cet t e revue sommaire des efforts
qui onlét é tentés pour instituer un ordre des Ganoïdes, aux
d é p e n s de l'oi'dre des Malacoplérygicns abdominaux de Cuv
i e r , que ces efTorts n'ont point réussi; qu'ils ont plutôt
d o n n é une consistance nouvelle à l'ordre qu'on voulait démembrer,
en pi-ouvant qu'il doit s'étendre jusqu'aux Esturg
e o n s , que Cuvier n'ycomprenai tpas; enfin, que si l'on veut
c o n s e r v e r un groupe méthodique (]ui prenne ou qui rappelle
l e nom de Ganoïdes, cc qui sembl e convenable, ce groupe ne
doit pas avoir une valeurqui dépasse cel l e d'une coupure sec
o n d a i r e ou d'un sons -ordre dans l'ordre des Malacoplérygicns
a b d o m i n a u x . Ainsi ramenés à la signification cl à rétcndue
s y s t é m a t i q u e qu'une saine critique leur assigne, les Ganoïdes
v i e n n e n t se placer et former le lien et le passage entre les
Clupes ou les Brochet s d'une part, et les Esturgeons de l'autre.
Mais, pour que c e l l e liaison apparaisse net tement , il faut
i n t e r c a l e r les genres ([ui ne nous sont c o n n u s qu'à l'étal fossile
parmi ceux qui vivent aujourd'hui. On obtient par là, même
s a n s avoir besoi n de recourir aux données que l'icblhyologic
d e s f a u n e s de lacraie_ct des terrains tertiaires viendrait y
a j o u t e r , une séri e assez cont inue, pour que chaque gcni'o y
t r o u v e le rang qui lui appartient.
« Voici comment cet ajustement parait devoi r s'opérer :
<( Quand on considère les affinités qui rapprochent, dans
la faune actuelle, les fami l les des Clupes, des Esoces et des
S a l m o i i e s , on ne peut méconnaître que, de quelque manière
([u'on dispose ces trois types, il restera toujours entre eux un
i n t e r v a l l e beaucoup mo indr e que celui qui les s épar e des deux
g e n r e s vivant s de Ganoïdes(2), les Polyplères eUe s Lépidosl
é e s ( 3 ) . D ' u n autre côté, la séparat ion entre ces deux derniers
g e n r e s et les Esturgeons est a s sez marquée pour que G. Cuv
i e r , qui, du reste, no s'était pas encore assez affranchi de la
p r é o c c u p a t i o n en faveur du caractère tiré de l'état cartilagin
e u x du squclel t c dont ses prédécesseurs étaient imbus, ail
cru devoir placer les deux Ganoïdes vivants dans un ordre
dllYérent de celui où il rangeait ses Slurionions. Des deux liia-
Uis que présente ainsi l'ichthyologie actuellc, celui qui existe
e n t r e les Clupes et les Lépidoslées se combl e au moyen des
C/iirocentriles, des Le pf oie pis, des Trissops, des Tharsis,
{\cs/lithalions, Megalm-us et des Oligopleurus. Les Belonostomus
SQ lient aussi aux Esoces, comme \es /lltalceopsiti
s e m b l e n t se raccorder à la fois aux Clupes et aux Salmones.
L e s g e n r e s j u r a s s i q u e s qui viennent d'être nommés OJ>t, en
c i ï c l , leur squelet t e osseux, leurs écailles minces, arrondies
e t imbriquées comme les Téléostés abdominaux ordinaires;
e n f i n , l'osléologie de leur tète et la forme de leurs vertèbres
(1) Voir ; Vogl, /liiH. ries s.
(•2) L'ûVili'fi des Ganoides ainsi comi
11 iiiponitaux lUiombifûres icIsqiioM. l'iclet et
t. IV, p. S, 111, 9, Í
1'
plus ceiiii qiiD M. Af
vons délini
c o n f i r m e n t les rapports respectifs avec les familles vivantes
qui leur sont assignésici. Ils s e rapprochent , d'autre part, des
L é p i d û s t é e s et des PoJyptèros, en ce que leurs écailles sont
parfois enduites d'une couclie d'émail, et [»arceque plusieurs
d'entre eux ont, sur les premiers rayons de quelques-unes
d e leurs nageoi r e s , les pol i tesécai l los ou épines qu'on nomme
des fulcres, comme on en voit sur les nageoires du Lépidost
é e et sur la caudal e de l'Esturgeon.
« Quand on lit les descriptions des espèces jurassiques
que M. Agassiz a donné e s dans son ouvrage, il faut se tenir
e n défiance contre la tendance qui s'y mont r e à attribuer des
v e r t è b r e s complétemenl osseuses à des genres fossiles qui
dilTèrent précisément des Ganoïdes vivants, en ce. qu'ils sont
| ) l u s ou moins chondrorachidés, lleckel a déjà rectiiié une
partie des erreurs qui en ont été la suite; M.Thiollière en rel
è v e quelques antres : les Fachycormtis, les Ophiopsis, et
m ê m e les Lepidolus sont encore des chondrorachidés. Le
fragment d'une colonne vertébrale complètement osseuse,
p r o v e n a n t du calcaire de Purbcck, que M. Agassi z a déterminé
c o m m e étant du Lepidolus minor, sans en fournir la preuve,
doit èlre d'un Adalicopsis, et ¡n'obablement de l'espèce que
sir Pb. Egerlon a n ommé e Meyalurus Aasleni. Il parait qu'en
r é a l i t é , à l 'époque jurassique, les genres qui étaient pourvus
d'une squainat ion complètement ganoïdique, comme celle du
L é p i d o s l é e ou du Polyptère, diiîcraient de ces poissons en cc
que leurs vertèbres n'étaient pas complètement ossifiées.
Ainsi, remarque M. Thiollière, de même que les Ganoïdes
o s t é o r a c h i d é s de la faune actuellc onl besoin, pour se relier
a u x Esturgeons, des Ganoïdes chondrorachidés des faunes
é t e i n t e s , de même ces derniers ont besoin des Ganoïdes
o s t é o r a c h i d é s vivants, pour se rattacher aux Clupes et aux
E s o c e s fossiles à écailles émaillées et à fulcres sur les nag
e o i r e s , qui sont à peine distincts des Clupes et des Ésoces
f o s s i l e s el actuels dont les téguments sont dépourvus de ces
particularités".
« La lacune entre les Ganoïdes vivants et les Eslurgeons
e s t donc méthodiquement comblée parles Ganoïdes typiques
des terrains jurassiques, el l'on peut remarquer que, lors
m ê m e que l 'annonce de la découvert e d'un genre d'Accipens
é r i d e dans le lias de Lyme Regis ne se confirmerait jias, le
p a s s a g e des chondrorachidés fossilesaux Esturgeons, s'il était
n é c e s s a i r e de le rendre pins évident encore, aurait pour deg
r é s intermédiaires les Undina el peut-être le Calloptenis,
l e s premières à caus e de l'état complètement cartiUigineux de
l ' a x e vertébral, le s e cond en raison de ce que la peau est en
g r a n de partie nue, quoique la colonne épinîère ne soit pas
e n t i è r e m e n t ossifiée. Dans les terrains inférieurs au lias,cc
s o n t encore les Ganoïdes chondrorachidés qui représentaient
déjà clairement les Malacoptérygiens abdominaux, comme
Cuvier l'avait reconnu dès I82i el 1828 ])our les Paloeoniscus,
Diplerus, etc.: ou n'y trouve pas d'indiccs suffisants
des autres subdivisions de l'ordre qui se montrent dans
l e s formations jurassiques ou ([iii existent dans ia faune
a c t u e l l e .
« Après avoir ainsi exposé comment les divers types de
M a l a c o p l é r y g i c n s abdominaux se trouvent répartis entre les
diiTérentes époques de la nature, M. Thiullière cherche comment
on peut grouper les genres fossi les du Jura, afin d'arriv
e r à les classer ])ar familles, d'une manière aussi satisfaisante
que les genres vivants l'ont été en général par Cuvier.
(( M. Agassi z avait proposé de distribuer les poissons operc
u l é s du terrain juras s ique entre cinq familles, dont aucune
(3) Un genre nouveau de Rhembifûres de eetle familie, acliiellemenl exislant, a été ddcouvert
dans le Vieux Calabar et décrit sous le nom de Cakunichlhys par M. Al, Smiib.
L'cspfccc type de ce genre est le C. calaba.rensi$, dont le principal caractfcre diiTérenliel
par rapport aux i'elyptÈres, à la subdivision desquels il appartieiU, est de manquer
do membres abdominaux. ' P. GEHV.