publiquement ( car on avait dit tout haut : aujourd’hui illumination,
demain révolution) parvinrent sans doute aux oreilles des autorités, qui
s en inquiétèrent et annoncèrent que les fêtes étaient indéfiniment remises
a cause du mauvais temps, quoiqu’il fit un temps superbe.
L experience et les événements sont venus justifier cette mesure de
prudence des autorités locales. On est aujourd’hui d’accord que si ces
réjouissances avaient eu lieu, tous les palais et les monuments entourant
le parc eussent été brûlés.
Le mercredi, 25, on donnait la Muette au théâtre de la monnaie. La
représentation se passa fort tranquillement ; le public, qui n’était composé
que des habitués, se borna à faire répéter quelques allusions relatives à la
liberté du peuple. Mais il n’en était pas de même sur la place de la
Monnaie. La se trouvait une foule d’autres physionomies et d’autres costumes
, présages certains d’événements extraordinaires. Cependant la
police et la force militaire, quoique prévenues, restèrent impassibles et
inaperçues.
Une chose évidente, c’est que cette foule avait ses meneurs. Vers
dix heures, et avant la fin du spectacle, ils la dirigèrent vers le bureau
du National, dont on cassa les persiennes et les vitres à coup de pavés,
aux cris de : à bas le forçat libéré, et autres clameurs semblables.
Vers dix heures et demie, une voix cria : chez Libry, rue de la
Hadelaine. Ce fut une étincelle électrique. La foule s’écoula à l’instant
dans différentes directions, mais buttant à un centre commun. En passant
devant la maison de Mr de Wellens, bourgmestre, elle brisa ses vitres
et ses persiennes à coups de pierre. Les différents détachements se rejoignirent
devant la maison de Libry, en poussant les mêmes cris; on dépava
la rue, on enfonça la porte et les fenêtres, et tout fut dévasté en un
clin doeil. Libry qui, dit-on, était chez lui, se sauva par une porte
de derrière; nul doute que, s’il eût été trouvé, il eût été massacré.
Mr Scbuermans, procureur du Roi, fut informé, vers onze heures, par
son substitut, de ce qui se passait chez Libry. Il s’habilla et courut à la
permanence, où il parvint à se faire suivre par deux gardes de ville et
deux pompiers qui, ne pouvant le dissuader ni le retenir, l’abandonnèrent,
et il arriva seul sur le lieu de la dévastation. 11 voit alors que tout remède
est impossible et se place sous le portail du bureau des messageries, d’où
M. B. ... parvint à l’entrainer en lui disant qu’il était perdu s’il était reconnu.
Delà il se rend chez M1' le gouverneur, où toutes les autorités étaient réunies,
à l’exception de Mr le bourgmestre, qui était à la campagne, leur fit
rapport de ce qui se passait, et eût le même sort que ceux qui vinrent
annoncer qu’on avait mis le feu à l’hôtel du ministère de la justice, et
que l’on traita d ’alarmistes et peut-être pis. Vers deux heures, aucun
rapport alarmant n'arrivant plus, on se sépara. Mr Scbuermans, en approchant
de sa maison, fut surpris d’en voir les croisées, la porte et la
serrure fracassées , et quand il ouvrit, trente baïonnettes se croisèrent sur
sa poitrine. Il apprit alors que, pendant son absence, une troupe de cent
forcenés criant : I l nous faut sa tête, il doit payer pour Van Maanen,
c itait son âme damnée, était venue tout briser. Il eut été perdu s’il
avait été chez lui.
Vers onze heures et demie, la maison de Libry étant ravagée, la
foule se porta, aux cris de : Vive dePotter, vive la liberté, au domicile
de M de Knyff. Madame n’ayant pas jugé à propos de s’éloigner, malgré
l’avis de son mari, entendit venir chez elle cette cohorte dévastatrice,
et c’est sous ses yeux que fut pillée sa maison, dont on ne respecta que
la chambre dans laquelle elle se tenait avec ses enfants.
Un nombreux rassemblement, armé en partie, s’c'tait formé en face du
palais de justice et dans les rues adjacentes. Avant minuit il se mit en mouvement,
aux cris de Vive dePotter, à bas Van Maanen, cesse, en passant,
les vitres du palais de justice et se porta en masse à l’hôtel du ministère
de la justice, au petit Sablon. On mit le feu à l’hôtel, parce que l’on
perdait trop de temps à transporter les meubles et les papiers sur le petit
Sablon, ou on avait commencé à les brûler. Ce fut le premier incendie à
Bruxelles. Les pompiers, accourus pour l’éteindre, en furent empêchés par