
constructeurs, que les travaux fussent exécutés avec la plus grande économie
possible: au lieu d’économie il y a eu parcimonie, et par suite il est arrive
ce que beaucoup de personnes avaient prévu, c’est que, les travaux ainsi
effectues, cet ouvrage dart n’aurait qu’une duree éphémère. Ces prévisions
ne se sont malheureusement que trop tôt réalisées pour les concessionnaires ;
car des le 10 juillet 1 8 3 6 , à dix heures du matin, les fermes de la seconde
arche (rive droite de la Meuse), qui se trouvaient chargées de voussoirs,
au tiers environ de leur développement, se sont ëcroule'es. En un instant
la Meuse a été couverte de nacelles sur lesquelles on recueillait les bois provenant
des débris de ces fermes. Dans la nuit du 12 au 13 du même mois,
une autre arche s’est aussi écroulée. On n’avait seulement pas eu la précaution
de relier les fermes entre elles.
Ainsi qu’on le voit par le revers de la médaille, ce pont n’en a pas moins
été inauguré le 27 janvier 1837.
Cependant, dès les premiers jours du mois de juin de la même année,
des surbaissements se firent particulièrement sentir dans la 5e arche, construite
sur la rivière d’Ourlhe. Du 29 au 3 0 , cette arche surbaissa de cinq à six
centimètres. La maçonnerie de l’intérieur de la culée de la rive droite avait
été faite avec toute espèce de matériaux, et si mal exécutée qu’elle n’offrait
pas assez de résistance à la poussée des voûtes. De là un recul de la culée
qui a amené ce surbaissement.
Comme le pont, dans cet état, donnait des craintes, le collège des bourgmestre
et échevins de la ville de Liège prit un arrêté qui défendait toute
circulation. Le 3 juillet, un nouvel arrêté la rétablit provisoirement
pour les cavaliers et les piétons, parce qu’il avait été reconnu que depuis
deux jours aucun mouvement ne s’c'tait plus opéré.
Ces mouvements ont naturellement dû être attribués à la mauvaise
construction de toutes les parties constituant cet édifice. Il était en effet si
mal établi, sous le rapport des fondations, les matériaux étaient de si
mauvaise qualité, la maçonnerie si mal confectionnée, qu’une partie des
voussoirs, au moment du décinlrement, sont descendus de 0m20 à 0m 30.
Partout les lignes ont été déformées, une grande quantité de voussoirs,
des pierres d’assises des piles et culées, presque tous les impostes ont été
broyés. On se demande même comment ce pont a pu subir le décinlrement.
11 était du reste effrayant d’y voir s’engager le roulage; une seule voiture
ordinaire l’ébranlait au point d’en pouvoir ressentir et remarquer les oscillations.
Par suite de cette interruption du passage, le gouvernement mit le
concessionnaire en demeure de reconstruire le pont pour satisfaire aux obligations
de son contrat. Il s’en suivit un procès, qui se termina par un arrêt
de la cour de Liège, en date du 25 mars 1 8 3 9 , ordonnant, par le gouvernement
, la démolition et la reconstruction du pont, au complc du
concessionnaire.
Le 11 juin suivant, un arrêté ministériel a confié ce service à Mr l’ingé-
nieur-en-chef Gerardot de Sermoise. Le travail de cette démolition fut
commencé à la fin du mois d’août.
La démolition d’un ouvrage d’art aussi considérable, jeté sur une rivière
rapide et profonde, et devant, de toute nécessité, être terminée avant les
grandes eaux d’hiver, ne laissait pas que de présenter de grandes difficultés.
Elle fut néanmoins terminée dans les premiers jours de novembre.
La reconstruction fut commencée au printemps de 1 8 4 3 , et le nouveau pont
inauguré le 16 octobre de la même année, dans la seconde des journées
des fêtes données à l’occasion de la jonction des chemins de fer belge et
rhénan.
Je renvoie au Moniteur du 25 octobre 1 8 4 3 , n° 2 9 8 , pour les différents
détails qui y sont consignés, et les éloges mérités qui sont donnés à
Mr l’ingénieur-en-chef Gerardot de Sermoise, à cause des difficultés qu’il a su
vaincre et pour le talent qu’il a déployé dans la reconstruction de ce monument,
qui a une longueur de 132 mètres, et qui a coûté 7 0 0 ,0 0 0 francs,
y compris 15 0 ,0 0 0 francs pour la démolition.