
A Ja date du 7 , le mare'chal Gérard e'crivit à M. le ministre de la guerre
en France. Cette lettre fera connaître l’état d’avancement des travaux du
siège de la citadelle d’Anvers.
« Bcrghem, 7 décembre.
« Les travaux du siège avancent, je presse l’artillerie, et l’infanterie est
» complètement en mesure. Je fais participer au service de tranchée un
» plus grand nombre de régiments, car dans les premières nuits qui ont été
» si mauvaises, les fantassins ont été fatigués, sans jamais pourtant se
» décourager. Aujourd’hui, au lieu de doubler et de tripler le service,
» ils auront plusieurs nuits de repos, et. je leur fais distribuer du vin et de
» l’eau de vie. J’espère que nous atteindrons le but heureusement et bientôt.
» Mais si l’ennemi fait partout la résistance qu’il peut faire, s’il nous attend
» au passage du fossé et à la brèche du corps de place, je ne saurais d’avance
» en assigner l’époque probable, d’autant plus qu’en ce moment la
» pleine lune, qui a ramené un temps plus sec, nous donne la nuit
» trop de clarté pour des travaux qui se font à petite portée de mous-
» queterie.
« Par la dernière lettre du général Chassé, vous avez vu qu’il menace
» toujours de brûler Anvers, en s’efforçant de faire dire que le premier
» coup serait venu de nous. Nous sommes donc réduits à notre attaque
» extérieure ; nous devons le réduire à la citadelle isolée en lui fermant
» l’Escaut; j’espère que nous y réussirons. Nous avons armé le fort
» Ste-Marie, et le général Sebastiani occupe les digues de la rive gauche
» du Bas-Escaut. Le général Achard occupe la rive droite, et nous allons
» lâcher d’armer le fort de S1.-Philippe, ce qui n’a pu être fait jusqu’à
» présent à cause de l’état épouvantable des communications. La flotte
» hollandaise s’est avancée pour troubler nos opérations. Hier elle a canonné
» et fait des sommations ridicules à nos troupes qui, à couvert par les
» digues, n’ont point eu à souffrir. Si elle tentait de remonter, la formi-
» dable batterie du nord, de soixante bouches à feu, rendrait son passage ou
» son retour périlleux. Nos postes de la rive gauche se sont rapprochés des
» forts Lillo et Liefkenshoek ; ces points sont entourés au loin d’inondations
» qu’on ne traverse que sur un défilé, et dans l’état de défense où ils se
» trouvent, on ne peut songer à présent à les assiéger, encore moins à les
» surprendre. Si je n’ai pas prise sur la flotte ou sur la flottille hollandaise ,
» sur la Tête-de-Flandre et sur les forts attenants, je veux au moins les
» isoler de la citadelle pour la réduire à son enceinte et à sa garnison, afin
» de l’amener, si je puis , à capitulera discrétion. J’aspire à la faire prison-
» nière de guerre, pour avoir alors dans son commandant un otage de la
» reddition des autres forts ou places que nous avons à réclamer, ou du
» consentement forcé de son gouvernement à la paix .générale, que, lui
» seul excepté, tout le monde désire en Europe.
« Nos cheminemens devant la lunette S*.-Laurent avancent toujours.
» Cependant ils sont un peu retardés par le feu très-vif que nous envoie de
» ce côté la garnison, et par la pleine lune qui, ainsi que je l’ai déjà dit
» plus haut, nous donne trop de clarté.
(Signé) L e com te Gérard.
II est, je pense, tout à fait hors des limites de cet ouvrage de relater
jour par jour les attaques et les travaux de défense qu’a dû nécessiter le siège
de la citadelle d’Anvers; je me bornerai donc à reproduire encore quelques
faits saillants qui y ont rapport.
Il a été fondu à Liège, par ordre du général Evain, un énorme mortier.
Cette pièce était calculée pour recevoir une bombe pesant 500 kilog. Son
diamètre était de 61 centimètres et elle pouvait contenir plus de cent livres
de poudre. Ce mortier, dont la chambre était cylindrique, était fondu avec
l’affut, et pesait quinze milliers. Il fallait remuer toute celte masse pour