
figure dans la révolution, est Irappante. Cependant il est des connaisseurs qui
profèrent beaucoup sous ce rapport le premier tableau; mais peut être n’ont-
ils pas réfléchi que, dans la représentation d'un magistrat parlant au peuple
qui n’a cesse' d’obéir aux autorités, il pouvait y avoir cette unité de sujet
qui fait reconnaître de prime abord les intentions de l’artiste et la
vérité de l’expression, tandis que dans celle du peuple qui entend pour la
première lois la voix de l’autorité, après avoir combattu pendant quatre
jours sans chefs, il doit régner une confusion et une diversité de sentiments
qui ne permettaient pas cette unité. C est ce que Mr Wappcrs a fort bien rendu
dans les divers groupes dont se compose son tableau. Ouant au dessin et au
coloris, c’est toujours la même pureté que l’on remarque dans toutes les
oeuvres de l’artiste.
Voici le sujet choisi par le peintre. L’armée hollandaise est entrée depuis
la veille à Bruxelles et se maintient dans le parc, d’oîiles braves volontaires de
la capitale et de Liège, malgré d’héroïques efforts, n’ont pu parvenir à la déloger.
Cette résistance accroît l’enthousiasme belliqueux des citoyens. Le gouvernement
provisoire vient de publier une proclamation adressée aux babitans de
Bruxelles pour entretenir leur ardent courage et annoncer l’arrivée de
nombreux volontaires. La scène se passe sur la grand’place. Un volontaire,
le fusil en bandoulière, monté sur la plate forme du réverbère qui occupe
le centre de la place, montre la proclamation à des citoyens armés qui se
pressent autour de lui. Près de lui flotte un drapeau tricolore, qu’un vieux
patriote de 90 baise avec respect et attendrissement. Au-dessus, sur le
premier plan, un vieillard assis sur une des marches du réverbère, tient entre
ses bras son fils qu’une balle vient d’atteindre à la poitrine. Une femme
jeune et belle, penchée sur le mourant, essaye d’arrêter le sang qui coule
de la plaie : un jeune homme dont les traits expriment la plus profonde
douleur est accablé du coup fatal qui lui enlève son frère. A droite et
sur le même plan, est un homme du peuple, un marécbal-ferrant, ouvrier
robuste et nerveux, aux bras nus, à la poitrine découverte, qui jure de combattre
pour son pays et repousse de la main sa femme qui cherche en vain à
l’entraîner loin du lieu du danger. A gauche, une troupe d’hommes armes
est en marche pour se rendre au combat. Plus loin est un cavalier, vêtu
d’une redingotte de velours noir, vivement ému par cet imposant spectacle
d’un peuple qui se lève en armes pour défendre sa liberté; sa figure et son
attitude expriment la résolution et l’enthousiasme (1). Près de lui des
hommes et des femmes soulèvent des pavés et forment des barricades,
comme le prescrit la proclamation du gouvernement provisoire.
Le 4 novembre, plusieurs personnes se sont réunies pour ouvrir une
souscription à l’effet de faire frapper une médaillé a l’occasion de l’exposition
des ouvrages de MM. Wappers et Geefs. Chacun de ces messieurs
en a reçu un exemplaire en or ; la médaille pour les souscripteurs est de
bronze. La composition et la gravure en ont été confiées a Mr Adolphe
Jouvenel, dont cette histoire numismatique contient plusieurs productions
remarquables.
La souscription a été fixée à dix francs, pour mettre un plus grand
nombre de fortunes à même de concourir à cette oeuvre de reconnaissance
nationale. Afin de donner un plus grand prix à cette médaille , il a été
résolu de n’en tirer que le nombre atteint par la souscription, et de briser
ensuite le coin en présence de la commission nommée par les soixante
premiers souscripteurs, et qui a été composée de MM. Joly, colonel du
génie; Vilain XI11I, membre de la chambre des représentants; Nothomb,
secrétaire^général du ministère des affaires étrangères; C. Leveque, directeur
du journal l’Artiste ; André Van Hasselt, homme de lettres, et
H. Carolus.
(1) Ce cavalier est M. le baron Chazal, aujourd’hui général, dont les traits
sont fidèlement reproduits.