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eut l’honneur d'y faire plufieurs découvertes heu-
renfês, & ayant révélé à Z e u x is tous les fecrets de
fon art , il eue le défagréirer-.t de voir fon di(-
cipie aller beaucoup plus loin que lui dans cette même
carrière, & perfectionner ce qu'il n a voit fait qu’inventer;
il en corçut beaucoup de dipit, il ne put
s’en taire, 6c il crut fêtai.n venger de Z e u x is en fai-
fant contre lui une fat ire, où il le traitoit de voleur
& d ingrat, i’aceufoit de lui avoir dérobé fon art &
de fe parer effrontément de les vois dans le public,
au Leu d’en roug r & de s'en cacher. Z e u x is , bien
sur que. ces prétendus vols fai Soient fa gloire, &
«ju’il n’appartenoit pas à tout le monde de voler
ai; fi, ne fit que rire de la jaloufe celer* d un maître
qu’il effaeoit, 6c s’empiefia de lui préparer de nouveaux
chagrins, en fe Surpayant lui-même tous les
jour>. Il acquit à-la-fois, par fes taie ns & la plus
grande ré, utation & d’immen'es richelles, qu’il prit
plaifir à étaler avec la plus tailaeufe often tadon ,
fur-rout dans "les oc canons éclatantes , comme la
folennité des jeux olympiques, où il fe faifoit vo r
à toute la Grèce, revêtu d une robe de pourpre fur
laquelle on lifoitfon nom écrit en lettres d'or.
Parvenu à une grande fortune, il n’en cultiva pas
avec moins d'a-deur l’art auquel il la devoit, & il
eut alo:s là no' lefTe de donner libéralement fes cu-
vrae.es' fans en" tirer aucune récomp nfe ; il njs s’en
payoi-t du moins qu’en vanité : je ne vends point
mes ouvrages, difoit i l , parce qu’ils font hors de
. prix. Pofièii donàre opéra f u a infticuic , qubd ea
' nu.Uo f a its digrto p retio p e rm u ta r i pojfe diceret. Il
■ regardent fon tableau de \'a th lè t e comme fon chef-
d’oeuvre & comme le chef-d’oeuvre de l’art; il écri-
v t au bas de ce tableau un veregrec dont le fens '
général eft : L ’envie p o u r ra le c ritiq u e r , n u l ta le n t ne .
p o u r r a Cimiter y ou en deux mots : P lu tô t critiquable
qu im ita b le . On raconte de fon Hélene à p?u piès la
même chofe que de la Vénus d’Apelle , c’eft-a-dire,
qu î: la forma des traits & des charmes léünis des
• plus belles perfonnes de fon tems & de fon pays y
traits qu’il fondit habilement de manière à en fermer
un enfëmbl-e parfait. On ne la fa:foit voir
d’abord que difficilement & pour de l’argent,' ce qui
la- fit appeler Hélene la c o ü rtifan e . Nicomaque ne
pouvoit fe lafler de l’admirer. Il paiToit régulièrement
chaque jour une heure ou deux à la eonfi-
dérsr Sc à l’étudier. Un homme froid exerçoit fon
tfprit à faire quelques objections plaufîbles contre
dès-détails de ce tableau: la ijfe [ vo s cenfures y lui
dit un connoifieUr , n a y e f que des y e u x , & vous
v e rn z q u e c’efl une d iv in ité . Nous avons rapporté à
l’article Pairhafius comment Z e u x is lui-même
s’avoua vaincu par ce gramd peintre ^ qui lé fut à fon
tour par Timantbe, mais fans l’avouer.
Z e u x is avoit fait deux tableaux de r a i f in s , l’u
qui fut vainru par le rideau de Parrnafius, l’autre
qui repréfentoic un jeure homme po t^nt une ce
beille de raifins fies oifeaux vènoier tles becqueter
comme ils »voient fait les autres raifins; Z e u x is ne
fut pas Montent, il ne trouvott pas fiilufion parfaite:
files raifins étoient b’en faits, difoic-il, il fallait
que la figure du porteur fût manquée , puifqu’clle
n’écartoit pas les oifeaux.
Quintilien nous apprend que la phyfionomie 6c
lé caractère que Ze u x is avoit donnés dans fes tableaux
aux héros 6c aux dieux , étoient devenus un
modèle 6c une règle dont h s autres peintres n’o-
foient s’écarter, & à laquelle i‘s s’étoient volontairement
affujittis par le fentiment de la peife&iûn',
ce qui fit nommer Z eu x is le légiflateur de la peinture.
I lle y e rb i ta circumfcripjit om n ia , u feum legurri
latorcm vocent quia, dcorum & hcroum effigies , q ira là s
ah eo f u n t tra d itoe , cccteri , tanquam i ta ne cejfe J jt.y
fcq u a n tu r . Quintil. lib. i z . cap. I.
Ou dit que Ton talent lui fut fatal à force de
lui être agréable. Son dernier tableau fut cèlui d’une
vieille ridicule ; il ne pouvoit la regarder fans rire
aux éclats, il la regaTdot fduvcnr, & il en rit
tant qu'on pr’tenl qu’à la lettre il. mourut de rire.
Fallu s , qui rapporte ce fait, cite Vernù' Flaccrs.
Z e u x is vivoit, comme Pairhafius, environ quatre
fiècles & demi avant J. C. Sa vie , ai' fi que celle
de quelques autres peintres grecs, a été écrire par
Carlo Datti, & imprimée à Florence, in -40. »
en 1664.
Z eu x is étoit d’Héraclée , c’eft pourquoi Pune
le nomme H c ra cleo t e s ; mas il y avoit alors un
g:and nombre de vil’es’de ce nom, toutes eonfîi-
çrées à Hercule. ©11 ignoie laquelle de ces villes a
donné naiffar ce à Z e u x is . Des fàva-ts on conjedu'é
que c’éto:t, ou Hcraclée dé Macédoine, ou Hé~
raclée , près de Crotuie , en Italie.
ZEZELAZE , (h i f t . d ’E tk io p . ) grand général
8c fujet faélicux , eft regardé comme un des principaux
capitaines de l’empire d’Ethiopie dans lés
feizième & dix-feptième fié t fes’. De fimple foldat,
il parvint aux premières dignités civiles & militaires
par fes fakns & par ks b'enfatrs de l’empereur
Malac-Céged, qui lui donna en mariage une
de fes coufînes-germaines, & le fie gouve-neur des
deux meilleures provinces de l’emptre. Les intrigues
de ces couis avec lcfquelles nous avons peu de
liaifon, ne nous font pas allez connues pour que noire
puiffions affeoir un'jugement fur les motifs 8c fur
le cara&ère des perfomag-s que nous voyons figurer
dans ces troubles. Z c ^e la ^e n'étoit-ii qu'un
ingrat, bu l’empereur lui avoit il fou-ni de jufles
fuftstde pLinte, ç’eft de quoi nous ne pouvons
guèr.s efi-ér r' d’être inftrivts. Nous voyons feulement
Z e ‘[e lu [e fe révolter en 1.607 contre fon bienfaiteur
& fon fimver.iin, & fe joindre à Eras - Atha-
natbéequi dikutoit la couronne à Malac Céged.
Les 'Portugais étoient alors la nation de l’Europe
à qui les millions 8c lé commerce ^donnoient le
plus do relations -avec l’Eihiopie ; ~ils étoiènt en
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grand nombre dans ce pays & y formoient une
puilTànce. Le père^Paëz, jéfuite millionnaire poita-
g^îsjouo:t un grand lôle parmi eux. Les conjurés
avoitnc tenté de forprendre l’empereur & de
fc ftifir de fa perfonne. L’empereur informé du
complot, leur échappa, mais il fut obligé de fe
fauver à Nanina ou étoient le père Paè’z & les portugais
qui fecendoient le z:-le d?* ce jéfuite pour la
p^paguion de la foi dans ce pays-là. Ce fut une
circoHllancc dont Z e ^e la re fut tirer parti contre l'empereur.
Il répandît Je biuit que l’empereur vouloit
quit e; la religion du pays pour celle des portugais 5c
de Rome, 6c que c’étoit le père Pacz qui lui avoir
infpiié ce delïein: le peuple s’enflamma de cette
fureur aveugle 8c effrénée qu’il eft toujours prêt à
porter fur tous les objets où il n’entend rien , &
qui ne met jamais de différence entre la p'us foi-
ble apparence , le plus léger foupçon 8c la conviction'
pleine & entière. L’empereur alloit donc
abjurer ; c’étoit louvrag: du père Paëz & celui de
tous les portugais, il failoit donc exte;miner tous'
les portugais; le delfin en fut formé; les portugais
n’eurent plus d’autre elpérance de lâlut que
d’aller groflir 1 armée de l’empereur; ils y accoururent
de toutes parts. Bientôt on fut en préfence
des rebelles, & la bataille s’engagea. L’armée impériale
paroilfoit avoir quelqu’avantage , lorfqu’au
fort de la mêlée, un grànd feigneur éthiopien,
nommé Anabel , qui s étoit joint aux rebelles,
aborde 1 empereur, 8c lui dit : Je v ien s combattre
p o u r v o u s . L’emrereur, auquel il étoit plus que
fufpeâ, ne vit dans ce difeours qu’un piège maladroit:
T u es un t r a î t r e , lui dit-il, en le tuant
d’un coup d’épée ; auflî-tôt le fils 'd’Aaahel % qui
fuivoit fon père , accourt pour le venger; il attaque
l’empereur, il lui porte un coup de lance au vi-
fâge, & un farrafîn, qui fervoit dans l’armée dés
rebelles, acheva de tuer ce prince. Eras 8c Ze^e-
é a fe , profitant de la mort de l’empereur, ramènent
la viâoire à leur parti. Les portugais fe défendirent
en défefpérés, mais ils fuccomberent, ils furent
prefquc tous, tués, blefles ou faits prilonniers. Le
corps de l’empereur relia trois jour« lur le champ
de bataille, livré a tous les outrages qu’une lol-
datclque inlolenre & barbare fe plut à lui prodiguer.
Mais bientôt les vainqueurs fe divisèrent.
Eras 8c Z e^ela^e furent chacun à la tête d’un parti.
L’empire f i remplit de faétions & de troubles.
Vraifemblablement Erâs 6c Ze ^e la ^e vouloient tous
deux regner 8c efpéroient chacun en fectet parvenir
au tronc; tous deux, dans cette intention, ne
n^g%c°icnt ricn pour mettre dans leurs intérêts
le père Paè’z , & ce qui reftoic de portugais dans
1 empire ; mais les efprits ne leur paroiftant pas encore^
difpofes affez favorablement pour eux , ils 1
paroilToient agir pour les intérêts de deux autres
contendans donc les droits étoient fans doute plus
apparens. Zeçelaçe vouloir, difoit-il , placer fur le
trône un empereur Jacob , qui avoit é té nommé
fept ans auparavant çn concourrcnce de Malac-
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Cégcd, 8c qüfc celui-ci avoit teujotirj depuis ce
tems , détenu prifonnier à Naréa où il étoit encore.
Eras prétendoit agir pour Socinos, coufin de l’empereur
Malac - Céged. Enfin Ze ç e la ç e crut avoir
acquis allez d’autorité dans fon armée pour en af-
feinblerks principaux chefs 6c leur propoler d’élire
un empereur , ne doutant pas que le choix ne dût
tomber fur lui-même.
C’eft pour toi-même, Aman, que tu vas prononcer;
Et quel autre que toi peut-on récompenfer?
Il fe trompa comme Aman ; l’armée nomma tout
d’une voix Socinos ; ce Sacinos étoit un digne pivat
de Z e^elaqe pour la valeur 8c les talens militaires.
Ze ^e la ^e parut fe foumertre , mais ce fut comme
en traitant de couronne à couronne. Il envoya une
efpè.e d’ambalïade à Socinos pour le reconnoître
& lui prêter de fa part ferment de fidélité. Mais
ayant appris que l’empereur Jacob avoit recouvré
fa liberté, qu’iLavoit quitté Naréa, qu’il s’avan-
çoic avec des troupes, il alla le,joindre & commander
fous lui, fans attendre le retour de fes
envoyés & la réponfc de Socinos. Cependant .on
fe rangeoit en foule lous les drapeaux de Jacob.
Socinos ne perdit point courage ; il raflembla ce
qu’il put de troupes & marcha au-devant de Jacob.
Celui-ci avoit une puiflante armée , 8c Ze ^e la ^e
pour la commander ; l’armée de Socinos étoit plus
foible , mais le courage de cet empereur lui valoit
une armée. On en vint aux mains le 10 mars 1607,
Socinos fut vainqueur ; Jacob difparut, 8c on ne
le revit plus ; Z e ^e la ^e prit la fuite , mais , peur-
fuivi d’afyle en afyle, il péric de misère, & l’tmpire
enfin connut la paix fous la domination bien affermie
de Socinos.
Z1AMET & TIMAR. (H i ( l . mi l i t . des t u r c s . )
On entend par ces deux mots ç 'amet & t im a r , de
certains fonds de terre , dont les conquérans turcs
ont dépouillé le clergé, la noblefle & les particuliers
du pays, qu’ils ont pris fir les chrétiens. Ces.
fortes de terre ayant été confifquées au profit du
grand-fe gneur, il les a deftinées à la fubfifiance
d’un cavalier de la milice , appelé qa ïm ou t im a -
r io t ; car [a ïm ou t im a r io t eft le nom de la per-
lunne, 8c [i am e t ou t im a r le nom de la terre.
Le [ iam e t ne d ffere au t im a r que parce qu’il eft
d'un plus grand revenu , car il n’y a point de r iam e t
qui vaille moins de io in lie afpres de rente: ce qui
eft au-deiïous n’a que le titre de tim a r . Le fieur Bef-
guier jrçge que le mot \ia n ie t vient de l’arabe; car^
dit-il, [a ïm fignifie en arabe, un fe ig n e u r , un comm
a n d a n t, qui conduit un certain nombre d’hommes
dont il eft le maître. Quant au mot t im a r y il le
dérive du grec n p i , qui fignifie h o n n e u r , parce
que ces récompenfes fe donnoient pour honorer la
vertu des foldats. Les grecs appeloient ces marques