dans la première des obfervatîons critiques &
feiftoriques du P. Griffer, fur le règne de Louis XX ,
du P. Daniel , laquelle a pour titre : De Charles
c e France , duc d e Guyenne, frère d u roi, en fia
dans la nouvelle hiftoirc de France ; ces écrivains
n ont rien décidé , & ils ont eu raifon.
Nous avons dit que le procès des accufés avoit
été commencé à Bordeaux., & eff.Vivement cétoit
^ Bordeaux qu il auroit du être fait j c’étoit à
Bordeaux que le crime avoir été. commis j c’éroit à Bordeaux que les accufés avoient d’abord été
arrêtés ; ils étoient même l’un 8c l’autre nés fujets
& jufticiables de la France : il y avoit quelque
irrégularité à faire inftruice & juger, ce procès par
les juges d’un fouverain réputé étranger. Louis XI
faYoit bien , & il le dit dansplufiturs de fes lettres j
qu’il pou voit réclamer les accufés comme fes juf-
ticiabîcs, & ne commettre qu'à lui le foin de la
vengeance de fon frère ; mais il favoic auffi que
les ennemis n’auroient pas manqué de publier , &
peut-etre de perfuader qu’il ne vouloir qu’étouffer
cette affaire, & que dérober la vérité a tous les
yeux j il confentoit donc que l’affaire fut jugée en
Bretagne , foit qu’il comptât fur les négociations
lecrettes qu’il entamoit alors avec le duc , & qui
en effet amenèrent la paix er.tr’euz, oit qu’il fut
rafluré par fa feule innocence ; il nomma donc des
commillsires pour travai’ler au procès avec les
juges du duc, & comme ce procès- paroilfoit demander
qu’il y eût des juges eccléfiaftiques, joints
aux juges féculiers , parce qu’un des accufés étoit
eccléfiaftique & religieux , &. par d’autres raifons
encore qui feront expliquées dans la fuite. Le roi
mettoit à la tête de fes commiffaires, tous magistrats
& gens de loi , l’archevêque de Tours,
métropolitain des lieux où lès accules étoient alors
gardés, & l’évêque de Lombez , de même qu’à
Bordeaux le procès avoit d’abord été inftruic
devant l’archevêque de ce lieu, pour i’égiife , &
Jean de Ch iffagnes , préfîdent du pai 1. ment, pour
la magiftrat re. Or comme l’archevêque de Bordeaux
étoit d’abord feifi de l’aff.ire , & qu’il étoit
le juge naturel , le roi lui écrit pour le prier dç
déléguer en fa place l’archevêque de Tours 8c
l’évêque de Lombez, & de leur donner commif-
fion exprefîe de fuivre & de juger ce procès 3 il
le prie auffi de leur envoyer des doubles de
toutes les procédures faites à Bordeaux. Le
roi écrit en n éme tems au préfîdent de ChaffaigMes
pour le prier 8c îui enjoindre de fournir aux com-
miffaircs , toutes les irflrt.étions qu’il a pu acq--férir
lorfqu’il avoit été d’abord chargé de ce procès ,
& fi les commiffaires jugent à propos de l’interroger
, il lui recommande de dire bien Amplement
& bien exactement la vérité fans rien diffimulcr ni
cacher, parce qu’il veut fur-to rt que le fond de ce
myftère foit éclairci.
M. Duclos qui a connu ces lettres & ces aétes
A oeanuferit, dans le recueil de l’abbé le Grand ,
avant rimprcfïion de ces mêmes lettres 8c a& ;s, 9
fait ici unciïngulièrc faute.
« Le ro i, dit-il, voiiloit que tour fc fît avec
éclat, que Jean de Chaflaignes, préfîdent de Bordeaux,
qui avoit commencé le procès, & le' vicaire
de 1‘archevêque fufTent entendus »,
On cherche d’abord quel clt ce vicaire de l’archevêque
qui femble jouer un rôle dans cette affaire
. On le cherche envain dans les inftru&ions ,
dans toutes les lettres écrites à ce fujet par Louis XI
à fes commiffaires, au ^luc de Bretagne, à fon
chancelier , à fes officie fs", &c. On le cherche en
vain dans M. Duclos lui-même, & dans toute
l’hiftoire , & dans la lettre écrite à l’archevêque
de Bordeaux 3 mais voici ce qu’on trouve dans cette
lettre :
. « Attendu que vous avez autrefois befogné audit
procès, a écé advilé être néceflaire d’avoir fur ce
commiffion & vicariat de vous audit archevêque de
Tours & évêque de Lombez, & à chacun d’eux
voftre vicariat, à tout plaine puiffance & telle que
yous l’avez touchant la dite matière ».
Et dans l’inftruétion donnée aux commiffaires ,
voici encore ce qu’on trouve :
c« Pour plus foleiîinellemcnt befogner audit
procès , quel’pn envoyé incontinent quérir le vicariat
de M. de Bourdeaulx ».
C ’cft ce mot vicariat, qui fignifie ici procuration ,
délégation, pouvoir, tran fini mon d’autorité-, qui
étant peut-être mal figuré dans le manuferit que M»
Duclos avoit fous fes yeux, a été transformé par lui
en un vicaire de l'archevêque de Bordeaux , duquel 0.1
attendoit des éclairciflemens particuliers.
Ces mêmes a<fres donnent lieu à une autre ob-
fervation qui fait cunnoître les opinions & les ufages
de ce tems-là 3 & qui n’a pas étéaffez développée par
les hiftoriens.
Le roi dit dans fa lettre à l'archevêque de Bordeaux,
qu indépendamment de ce que l’un des deux prifonniers
eft eccléfiaftique & religieux , aujji Le cnme eft partie
eccléfiaftique. 11 dit la même chofe dans les inftruétions,
& il ajoute :
<« Et pour que cette matière touche aucunement
le fait de la foi , & que maître Roland de
Cofie ou Cofîc , qui eft un notable maître en théologie
& inquificeur de la foi , & au vivant de
mon dit feigneur de Guyenne eftoit fon confcffeur,
a autrefois befogné audit procès , durant que lcl-
dits prifonniers eftoient à Bordeaux, entre les
mains de feu mondit feigneur de Guyenne , le
roi...........entend que le dit ioquifîteur loit appelé
& préfent audit procès, ainfi que par raifon faire
fe doit ». *
On cherche d’abord comment l’empoifonnement
peut être un crime eccléfiaftique , en quoi il peut
inter effet la fo i, * Sc on trouve que .'c’cîl parce que
dans les idées du tenu , il étoit toujours mêlé de
Biagie. En général, dans les fiècles d’ignorance , !
rout effet funefte dont la caufe n’étoit pas évidente
où parfaitement connue, étoit attribué à la magie.
Un homme mouroit d’ un poifon lent, on le voyoit
languir & dépérir fans aucune caufe apparente , il
y avoir là de la magie 3 on avoir ufé , à fon égard,
de fortilège & de maléfice 5 on lui avoit jette un
fort, comme le peuple.le dit encore quelquefois3
en effet, Louis XI dans toutes fes lettres , ne parle
que du maléfice fait 6* commis en la perfonne du
duc de Guyenne. Il ne prononce pas même le mot
d’empoifonnement. Le duc de Bourgogne le prononce
dans fon manifefte contre Louis XI , & il
y joint l’âccufation ordinaire de magie. Selon lu i,
le duc de Guyenne a perdu la vie par poifons ,
maléfices , fortilèges & invocations diaboliques. Le
poifoh ne iuffifoit que trop pour tout expliquer ,
& il rendoit la magie inutile 5 mais on ne raifon-
noit pas an fi alors , on j .dgnoit toujours ccs deux
idées ; il pàiroît même que cette union & cette
confufiôn d’idées avoit lieu chez les anciens.
Mifcueruntque herbus & non innoxia ve'ba.
Si 011 employoit les herbes , ce qui dàns notre
vieux langage vappelloit enherber , qu’étoit - il
befoin de paroles malFuifantes 8c criminelles. ?
mais on croyoit que- c’éroit ces paroles qui don-
noient aux herbes leur vertu vénéneule. Dc-là un
même moi pour exprimer le poifon 8c des of é-
rations magiques.
Herbafque quas Iolcos atque Iberia
Mittit venenorum ferax.
lias herbus atque h&c Ponto mihi Ufta venena.
Voilà Te poifon : encore dans ce dernier exemple ,
Je mot venena préfente-t-il l’idée de magie , puilque
Virgile ajoute :
Ht s ego fepè lupum fieri & fe condcre fylvis
Moerin, fipè animas imis excire fepulcris ,
Atque fatas ali b vidi traducere mejfcs.
- Ge n’cft pas, avec de fimples poifons qu’on fe
transforme en loup , qu’on évoque les mânes du
fond des tombeaux, & qu’on transporte les moif-
Xons d’un champ dans un autre.
Quid accidit ? cur dira barbare, minus
Venena Medee valent ? ........
Venena magnum fas nef afque non valent
Convcrtere kutnanam vicem.
Quantum carminibus que verfant atque venetvis
Humtxnos animas.
Voilà : les- opérations magiques.
De-là auffi le mor car mina , qui fignifîe vers ,
chanfon , a lignifié enchantement, maléfices , parce
que les prétendues paroles magiques étoient en vers,
8c fe chantoieut.
Duché ab urbe domutt.,mea carmina, duciteDaphnitn,
Carmina vel cotlo pofiunt deducere lunam ,
Carminibus Circe focios mutavit Ulyfiei ,
Frigidus in pratis cantando rumpitur anguis.
Hec fe carminibus promittit folvere mentes
Quas v e lit, afi aliis. auras immittere curas.
Pour appliquer ceci à l'Abbé de feint Jean
d’Angely , on étoit fi perfuadé de fa forcellerie ,
qu’au rapport de d’Argentré , dans fon hiltoire de
Bretagne , & de du Bouchet , dans fes- annales
d’Aquitaine , le geober de la groffe tour de
Nantes où étoit renfermé l’abbé , déclara qu’on
eu ton doit toutes les nuits, dans cette tour, des bruits
horribles i ils difent aulli qu’une nuit le tonnerre
écant tombé fur la tour , l'abbé fut trouvé mort
le lendemain , cc étendu dans la place où il cou-
» choit , la tête 8c le vilage enflés , noir comme
» un chai bon , & la langue hors de la bouche
» d’un demi pied de long.
Mais le plus grand nombre des auteurs s’accorde
à dire qu’il s’étrangla ou qu’on l'étrangla dans fa
prifon. L’on n’a point fu ce que la Roche étoit
devenu , mais le procès ne fut pas jügé.
V E R T , ( Dom Claude de ) ( hiß. litt. mod. )
religieux, de l’ordre de Ciuni , connu principalement
par fon explication (impie , Littérale 6* hifio-
rique des cérémonies de Végiife , & par fes débats
avec Jurieu fur cet article. Ce fut lui qui , avec
fon confrère Dom Paul Rabuflcn , réforma le bré-
viaiie de fon ordre., qui parut ainfi réformé en
16S6, 8c qui, malgré la critique qu’en fit le docteur
Thiers ( voye^ Ion article ) a fervi de modèle
pour en réformer plufieurs autres. Né à Paris ea
1645 j mort en ,17öS.
V ER T ou V E R TH , ( Jean de ) voye-[ W ert.
V ERTO T D’AÜBCEUF , ( René Aubert de )
( hifi. lut. mod. ) de l’académie des belles lettres,
hiftorien célèbre , étoit d’une famille r.oble de la
haute Normandie , allié aux meilleures familles
de la province , telles que les Mallet de Graville ,
les Houdetot, les Pelievé , les de Prie. Marie, de
Manncviüetre , fa tante maternelle , avoit époufé
un homme de la mailon de Clermont-Tonnerre.
Un frèi è aine de l’Abbé de Venot'étoit chambellan
de Moi'fieur , frère de Louis XIV.
L’abbé naquit au château de Bcnnetot , dans 1*
pays de Caux , .L 1$ -novembre En forçant